En piste pour le cirque de Lus-la-Croix-Haute
Aux frontières de l’Isère et des Hautes-Alpes, la Drôme possède quelques beaux espaces de montagnes. C’est le cas du cirque de Lus-la-Croix-Haute. Àcette période, on y découvre bon nombre de plantes qui, il n’y a pas si longtemps, accompagnaient le quotidien des montagnards.
Cette balade commence au frais d’une forêt de pins sylvestres avant de déboucher sur une clairière où s’ouvre le panorama sur les sommets qui dominent le site. À cet endroit, vous pouvez partir à la recherche d’une épice sauvage au parfum très proche du cumin, le carvi (Carum carvi). Cette ombellifère assez semblable à la carotte sauvage affectionne les prairies de montagne où elle épanouit ses ombelles blanches ou légèrement rosées. Elle n’est pas forcément facile à déterminer en fleur mais ses petites graines brunes au parfum caractéristique ne portent pas à confusion. Ce sont elles qui servent à épicer les plats mais aussi à confectionner des tisanes contre les ballonnements, pour faciliter la digestion ou soutenir l’allaitement.
Vous pourrez aussi identifier dans cette prairie quelques beaux arbustes d’épine-vinette (Berberis vulgaris). Très épineux, sa floraison jaune possède une odeur forte et presque désagréable... mais son fruit rouge et oblong, qui mûrit en septembre, révèle un goût agréable et acidulé dû à sa forte teneur en vitamine C. L’épine-vinette a beaucoup régressé car c’est un hôte de la rouille du blé et les paysans l’ont systématiquement éliminée.
Aujourd’hui les blés sélectionnés sont plus résistants à la maladie et l’épine-vinette recolonise ses anciens territoires. Non loin, des pieds de belladone (Atropa belladona) offrent leurs fruits noirs très appétissants... et hautement toxiques, sinon mortels. Cela nous rappelle qu’une bonne connaissance de la flore est nécessaire avant de se lancer dans une récolte !
Après cette prairie, la piste continue dans une forêt de sapins, très humide, qui borde le torrent. En marchant vous serez sans doute saisi par une odeur pénétrante ! C’est l’ail des ours (Allium ursinum), qui fleurit de la mi-mai à la mi-juin, formant de larges colonies dans les sous-bois. Toute la plante est comestible mais c’est la feuille qui possède le goût le plus agréable. L’ail des ours en produit généralement deux, on peut ainsi en récolter une par pied, ce qui permet de préserver la plante. Les habitants des Alpes en confectionnaient des beignets avec de la mie de pain. Attention, sa feuille est très proche de celle du muguet, qui est toxique. Fiez-vous à la fleur : impossible de confondre la clochette du muguet avec l’ombelle d’étoiles blanches de l’ail des ours.
Salades acidulées et savoureuses
Dans cette ambiance très forestière, on rencontre aussi l’aspérule odorante (Gallium odoratum), qui mérite bien ici son nom de reine-des-bois. Elle forme des tapis aux pieds des arbres et dans la mousse, où elle épanouit ses fleurs d’un blanc pur et d’une incroyable délicatesse. Mais en s’approchant, c’est la surprise... l’aspérule odorante ne sent presque rien ! En effet, ce n’est qu’en séchant que la plante libère une odeur puissante de foin coupé et de vanille. Dans le Vallon de la Jarjatte pousse une plante assez similaire mais aux feuilles plus larges, et aux inflorescences plus compactes. Il s’agit de l’aspérule de Turin (Asperula taurina), une plante rare et protégée : attention de ne pas la ramasser par mégarde !
Au pied des arbres ou parfois dans les vieilles souches, on peut observer une plante timide qui fait penser en premier lieu à un trèfle. Mais une fois en fleur pas de confusion possible, ces élégantes tout en blanc sont celles de l’oxalis petite oseille (Oxalis acetosella). Elle doit son nom au goût très acidulé de ses feuilles. Quelques-unes dans un mélange de salade ajoutent une note rafraîchissante ! Toutefois, les personnes sujettes aux calculs rénaux n’en abuseront pas.
La piste monte ensuite dans une zone plus rocailleuse et claire. Dans les rochers exposés au sud on peut rechercher une délicieuse salade sauvage, la laitue vivace (Lactuca perennis). Cette plante est reconnaissable à ses feuilles semblables à celles du pissenlit et à ses fleurs bleues. Brisez un morceau de la plante et il s’en écoule un latex blanc qui fait penser à du lait, d’où le nom latin de lactuca. Ce latex est riche en principes actifs calmants et sédatifs, on produisait naguère une eau distillée de laitue administrée notamment aux enfants, mélangée à de l’eau de fleur d’oranger. Beaucoup de plantes de cette famille se consomment en salade sauvage, comme le pissenlit ou la chicorée, mais la laitue sauvage a de particulier que ses feuilles ne deviennent jamais très amères, même après la floraison. C’est pour moi la plus savoureuse des salades de printemps !
La piste débouche enfin sur une magnifique prairie de montagne qui s’étend jusqu’aux falaises des aiguilles de Lus. Mais pour observer l’arnica ou le rare génépi, il faudra revenir en été...
Le parfum de l’aspérule
La récolte de l’aspérule doit se faire par temps sec et la plante être séchée rapidement en couche mince. Elle ne doit pas comporter de taches noires. Si elle moisit, cela entraîne l’apparition de composés toxiques. Une fois sèche, le parfum délicat apparaît avec la formation de coumarine. La plante est utilisée en pâtisserie, infusée dans le lait, macérée dans le vin blanc. C’est ainsi qu’on obtient le vin de mai, encore préparé traditionnellement en Alsace. Les vendanges tardives de la région s’y prêtent parfaitement !
Itinéraire - De Lus-la-Croix- Haute à la fontaine des Mougious
À Lus-la-Croix-Haute continuez de rouler en direction de la Jarjatte. Après le centre de vacances vous trouverez un pont avec des panneaux d’explication sur la forêt. Garez-vous. La balade commence par une piste forestière en direction de la fontaine des Mougious.
Restez sur cette piste qui monte progressivement en lacets jusqu’à la fontaine et la prairie d’altitude qui la domine. Le retour peut se faire par le même chemin ou en revenant sur vos pas, puis en prenant le chemin assez raide qui descend le long de la fontaine (2 à 3 heures). Vous pouvez aussi poursuivre en continuant vers Combe-Obscure et redescendre par la station (5 heures en tout).
Espèces remarquables
Le cirque de Lus-La-Croix-Haute abrite de nombreuses espèces remarquables.
1. Le glaïeul à feuilles imbriquées (Gladiolus imbricatus) est sans doute la plus emblématique : espèce inconnue en France jusqu’en... 1999, elle fut découverte dans les prairies humides qui bordent le Lunel.
2. Le sabot de Vénus (Cypripedium calceolus) est la plus grande et sans doute la plus belle orchidée sauvage de nos régions. On la trouve dans les zones de forêt. Rappelons que cette plante est intégralement protégée et ne doit pas être cueillie. D’autres espèces d’orchidées sont présentes tout au long de la balade comme l’orchis sureau, l’orchis mâle...