Visiter la forêt de Fleckenstein
Dans la forêt des environs de Lembach (Bas-Rhin), les essences naturelles reviennent en force après des décennies de sylviculture dédiées aux résineux. Un tiers de la surface n’est plus exploitée, et les arbres vieillissent paisiblement au pied du château fort de Fleckenstein.
Aux côtés des résineux, épicéas et pins sylvestres rendus artificiellement plus fréquents par la sylviculture, les chênes et surtout les hêtres reviennent en force dans le Parc naturel des Vosges du Nord, situé à cheval sur la Moselle et le Bas-Rhin, au nord du massif vosgien. Et plus précisément sur la commune de Lembach. En effet, dans ces bois, la région Grand Est met en oeuvre un mode de gestion écologique : des pratiques alternatives sont expérimentées avec l’Office national des forêts et le Parc naturel, garantissant un meilleur degré de naturalité au sein de la forêt.
En arrivant au lieu-dit de Gimbelhof, en tant que visiteurs, vous serez sans doute tentés de vous rendre immédiatement aux abords du château fort de Fleckenstein, imposant navire de pierre édifié au xiie siècle qui domine les environs. Mais, ce faisant, vous manqueriez l’occasion de découvrir une forêt expérimentale qui sort de l’ordinaire.
Le chemin forestier qui s’engage à Gimbelhof traverse une zone où les arbres sont traités avec un respect tout particulier. Ici, avant de les abattre, on les laisse vieillir pour qu’ils atteignent entre 70 et 90 cm de diamètre selon les espèces. Les sols ne sont plus tassés par le passage d’engins mécaniques destinés à les débarder, et le bois mort, favorable à la biodiversité, n’est pas enlevé. On ne plante plus de pins, et les épicéas ne sont plus si faciles à distinguer. Quant au hêtre, il est réintroduit par endroits. « Ici, on n’applique pas les guides de sylviculture classiques », s’enorgueillit Jean-Claude Génot, chargé de la protection de la nature au Parc naturel régional. Il raconte que certains promeneurs sont étonnés par ce nouveau paysage forestier : « Pour les personnes de la région, cette forêt irrégulière n’est pas “propre” », explique-t-il. « Espérons que ce projet fera changer leur regard et leur sensibilité. »
Après cette première promenade forestière, cap sur une zone où aucun prélèvement de bois n’est plus permis hormis des coupes pour sécuriser le site. « Une expérience unique est menée ici pour montrer comment la forêt pousse naturellement », commente Jean-Claude Génot.
Pour y accéder, on quitte Gimbelhof et on passe par le sentier des Charbonniers. Installations et panneaux nous expliquent les différentes étapes de la construction d’une meule de charbon de bois. Il y a un siècle encore, le charbon fournissait en énergie les fonderies et verreries locales. On croise alors un chemin de grande randonnée, le GR53, qui traverse une zone non exploitée depuis l’acquisition de la forêt de Fleckenstein en 1998 par la région. « L’ancien propriétaire n’avait pas non plus réalisé de coupe depuis une quinzaine d’années », confie Jean-Claude Génot.
Un bain de forêt
On se sent comme privilégié de parcourir cette forêt restée inviolée depuis presque quarante ans : par endroits, elle prend l’aspect d’une impressionnante « forêt cathédrale » où les troncs élancés des hêtres donnent le vertige et où la lumière parvient au sol sublimée par les feuilles, qui jouent le rôle de vitraux naturels. « L’expression “futaie cathédrale” peut s’employer pour toute futaie âgée et dense de feuillus, surtout la hêtraie, mais elle est le résultat de la sylviculture et non pas de la libre évolution », précise Jean-Claude Génot qui poursuit : « Ce que l’on voit à Fleckenstein est une ancienne futaie de hêtres qui continue de vieillir sans que l’on y coupe des arbres puisqu’on la laisse croître en libre évolution. Une forêt de hêtres “vierge” n’aurait pas cette structure : on y verrait des trouées avec de jeunes semis aux côtés de très vieux arbres et de bois mort. »
Ce lieu de grande naturalité se prête parfaitement au « bain de forêt », une pratique venue du Japon et qui commence à devenir populaire en France. Celle-ci consiste à plonger tout son être dans la forêt en prêtant attention aux bruits, aux odeurs, aux chants des oiseaux, etc.
« Après une balade sensorielle et méditative, les visiteurs repartent imprégnés par les bienfaits de la forêt ; des études ont montré par exemple que c’était très bénéfique pour les hypertendus », explique Cathy Matter, coordinatrice des Piverts, une association locale d’éducation à la nature qui propose ce type d’expérience. À Fleckenstein, tandis que l’on protège la forêt, celle-ci nous le rend bien…
Infos pratiques
Comment y aller
Par la route, la commune de Lembach se trouve à 1 heure de Strasbourg et à 1 h 30 de Colmar. En train, à partir de la gare de Wissembourg, Fleckenstein est accessible par une navette de fin mars à début novembre.
Itinéraire
La balade part de l’hôtel-restaurant Gimbelhof à Lembach : contourner le bâtiment et suivre le sentier balisé par une croix rouge qui forme une boucle (comptez une heure de marche). Revenir au Gimbelhof, suivre la direction du château de Fleckenstein. À l’entrée du monument, emprunter sur la droite le GR53, indiqué par un rectangle rouge. Pénétrez dans la forêt et revenez sur vos pas après 30 minutes.
Se loger
Ferme Gimbelhof, 57 e la chambre simple avec petit-déjeuner. Tél. : 03 88 94 43 58, www.gimbelhof.com
Contact pour une visite de groupe
• Région Grand Est : Tél. : 03 88 15 68 67, raphael.lauth@region-alsace.eu
• Parc naturel régional des Vosges du Nord, Tél. : 03 88 01 49 59
• Association Les Piverts : Tél. : 03 88 70 44 86, www.lespiverts.org
Campanule de Baumgart, Campanula baumgartenii
Espèce des lisières de forêt, endémique des Vosges du Nord. Le genre Campanula compte plus de 250 espèces et regroupe des plantes généralement originaires de l’hémisphère Nord.
Polypode commun, Polypodium vulgare
Cette fougère très commune en France se rencontre sur les vieux murs, entre les pierres et dans les sous-bois humides. En cuisine, son rhizome au goût amer et sucré peut être utilisé pour aromatiser les confiseries (en particulier le nougat). La plante est d’ailleurs parfois surnommée « réglisse des bois » ou « réglisse sauvage ». En herboristerie, le rhizome est employé en cas d’insuffisance hépatobiliaire et comme vermifuge, laxatif et expectorant.