Les Murs à pêches de Montreuil Une oasis dans la cité
Situés aux portes de Paris, les jardins des Murs à pêches sont les vestiges du glorieux passé maraîcher de Montreuil. Plusieurs associations s’y partagent quelque 40 hectares mis à leur disposition par la ville et se battent contre les menaces d’urbanisation du site. Chaque dimanche après-midi, ce havre de verdure et de culture est ouvert aux visiteurs curieux.
Pour y arriver sans se perdre, il faut connaître, ou demander son chemin. Sur le haut plateau de la ville de Montreuil, au milieu des tours d’immeubles, se trouve l’impasse Gobetue. Au fond, une petite porte en bois s’ouvre sur près de 40 hectares de verdure. C’est ici qu’une partie de l’histoire de la ville se bat pour perdurer.
Un patrimoine à protéger
Au XIXe siècle, les Murs à pêches de Montreuil s’étendaient sur près de 600 km. Véritables outils agricoles hauts d’un peu moins de trois mètres, ces murs sont coiffés d’un chaperon de plâtre pour protéger les pêchers des pluies, et sont fabriqués avec un mélange de moellons (pierres calcaires), de terre et de plâtre gros. Grâce au mélange plâtreux composé de gypse et de charbon de bois, ils emmagasinent la chaleur du soleil durant la journée pour la restituer aux fruits et aux arbres palissés pendant la nuit.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, la ville de Montreuil produisait les meilleures pêches d’Europe malgré le climat tempéré de l’Île de France. Ses multiples variétés de pêches aux noms parfois éloquents, telles que l’Arthur Chevreau, la Belle Beausse, la Bonouvrier, la France, ou encore la Grosse Mignonne, étaient connues jusqu’en Russie et en Amérique et servies à la table des souverains (plusieurs variétés sont encore disponibles en pépinière). Pourtant, vers la fin du xixe siècle, l’arrivée du train favorise la concurrence des producteurs de pêches du sud de la France, et l’urbanisation et l’industrialisation entament peu à peu les surfaces maraîchères. Il ne reste aujourd’hui plus que 17 km de murs. Beaucoup sont en ruine, et leur avenir est toujours incertain.
Vincent Léon, passionné par l’histoire de la ville de Montreuil et engagé auprès des associations des Murs à pêches depuis 2001, propose chaque dimanche après-midi une visite des jardins aux promeneurs curieux.
La campagne à la ville
Rendez-vous est donc pris. Premières rencontres dès l’entrée : les membres de l’association « Le sens de l’humus » s’activent autour de plantations. Depuis 2006, ils expérimentent la permaculture sur la parcelle que la mairie a prêtée à l’association en 2012. Depuis, séniors, chômeurs, personnes en situation de handicap ou souffrant de difficultés linguistiques s’y retrouvent pour travailler la terre et créer du lien.
L’association collabore aussi avec sa voisine, intitulée « Renouveau des murs et fleurs du quartier Saint-Antoine », pour entretenir et remettre en culture les quelque 4 000 m2 du « jardin Pouplier », qui appartenaient à la dernière horticultrice locale, Geneviève Pouplier.
Au détour d’un sentier, changement de décor : le Jardin de la lune, un jardin partagé d’inspiration médiévale. Entre les murs et leurs pêchers poussent des fruits, des légumes, des plantes aromatiques, médicinales, tinctoriales et utilitaires. L’oeil observateur remarquera que les plessis sont disposés de manière à imiter les rayons du soleil. À côté, on trouve la lune, semée de fleurs jaunes : des giroflées et des soucis. Chaque plessis est caractérisé par un thème. Ici, les « herbes des fièvres » (aunée, benoîte, grande camomille ou piloselle) ; là, les « maléfiques » (valériane, cynoglosse et verveine odorante). Pour les visiteurs curieux, des fiches décrivant les plantes du jardin et leurs propriétés sont disponibles en libre service.
Les Murs à pêches, ou ce qu’il en reste, dessinent un paysage labyrinthique. Des pommiers, des poiriers, des cognassiers, quelques ronces… On a l’impression d’avoir quitté la ville lorsque, derrière un tas de gravats, apparaît la « clairière », à l’aspect de terre brulée, largement exposée au soleil. C’est ici qu’ont lieu les événements organisés par les associations, comme le Festival des Murs à pêches ou encore les Estivales de la permaculture. Plus loin, nous tombons nez à nez avec une oeuvre de land art. Et soudain, un ange passe… Le silence… Les murs font aussi rempart contre le bruit.
Un site à restaurer
On ne fait pas le tour des 40 hectares en une après-midi. Si certaines parcelles appartiennent à des particuliers, d’autres sont laissées à l’abandon, l’avenir du site est incertain. Bien que depuis 2003, 8 hectares aient été classés par le ministère de l’Environnement au titre des « sites et paysages », interdisant la destruction des murs, le site des Murs à pêches est continuellement en danger, pression urbaine oblige. La question de la restauration des murs est aussi prégnante. Malgré l’implication du ministère, de la ville et des associations et la mise en place de chantiers de restauration « à la façon d’autrefois » depuis 2011, le site nécessite un entretien permanent. En fin d’après-midi, les différents jardins se sont remplis, des familles se pressent autour des plantes et arbres fruitiers, discutent, admirent les abeilles des ruches du Jardin de la lune venues boire dans un petit bol laissé à leur intention… « Ce lieu est un vrai catalyseur d’initiatives », conclut Vincent Léon. N’hésitez pas à pousser la porte !
Les pêches miraculeuses de Montreuil
À la fin du XIXe siècle, les maraîchers montreuillois créaient leurs propres variétés de pêches. Souvent greffés à des amandiers pour rendre les arbres plus robustes, certains pêchers pouvaient produire des fruits se vendant l’équivalent de 55 euros pièce. Concurrence oblige entre les maraîchers, certaines variétés pouvaient produire des fruits de 400 g ! Même si la culture des pêches était l’activité la plus lucrative, l’abbé Roger Schabol, décrit ainsi la variété des cultures de la ville : « Les Montreuillois cultivent des parcelles entourées de hauts murs. Cerises hâtives, reine-claude, poiriers, pommiers, raisins, abricotiers et pêchers sont adossés à des murs et se partagent la chaleur et la lumière des rayons du soleil. » Des vestiges de ce passé glorieux sont encore visibles dans toute la ville. Promenez-vous dans les rues : ce mur ancien qui délimite une propriété est peut-être chargé d’histoire…
Infos pratiques
Y aller
De Paris, prendre le métro ligne 9, arrêt Mairie de Montreuil. Remontez la rue de Rosny, tournez à droite rue Saint-Just, puis à gauche impasse Gobetue.
Ouverture
L’association « Murs à pêches » propose des visites gratuites tous les dimanches de 14 h 30 à 16 h 30. Rendez-vous au n° 8 de l’impasse Gobetue, 93100 Montreuil. Tél. : 01 48 70 23 80 ou 06 98 95 88 57, site : www. mursapeches.wordpress.com En semaine, vous pouvez contacter les associations suivantes :
• senshumus.wordpress.com
• jardindelalune.jimdo.com D’autres associations défendent le site.
Hébergement
Chambre d’hôtes « La Petite voisine » près du site, tél. : 06 19 56 73 42, www.lapetitevoisine. fr, de 75 € à 85 € la nuit.