Fort-Royer à Oléron : La végétation comme gardienne du littoral
Sur la côte est de l’île d’Oléron, le site de Fort-Royer invite à la découverte d’un milieu protégé, entre dune et bassins ostréicoles. Espèces médicinales, légumes oubliés et nouvelles invasives parlent aussi des habitudes d’autrefois, mais toujours utiles aujourd’hui.
Le site de Fort-Royer raconte trois histoires à la fois : celle d’une plage secrète, d’une réserve naturelle et d’un petit village ostréicole. Ce dernier a perdu bon nombre de ses occupants, puisque ne reste qu’une poignée des quarante-huit éleveurs d’huîtres installés à partir des années 1920. Vestiges d’une période plus dynamique, les cabanes abandonnées n’ont pas perdu leur charme, et par temps couvert, l’œil apprécie celles qu’on a repeintes de couleurs vives. Le lieu attire les curieux qui veulent découvrir l’ostréiculture et les passionnés d’ornithologie, puisque Fort-Royer est situé dans la réserve naturelle de Moëze-Oléron qui offre depuis 1985 une terre d’asile pour des milliers d’oiseaux migrateurs. Mais les amoureux des plantes ne sont pas en reste : le cordon dunaire abrite une forte diversité floristique.
«La dune est un véritable jardin, nous dit Évelyne Morgat qui anime depuis vingt ans des balades et des randonnées au sein de l’Association du site ostréicole et naturel de Fort-Royer. Pour peu qu’on s’y penche, on peut y trouver des plantes très rares. » Alors qu’elle se fait discrète sur les autres plages d’Oléron, la roquette de mer pousse bien ici, sans la crainte d’être piétinée par les vacanciers peu nombreux à venir se baigner. Ses racines et ses feuilles sont utilisées en cuisine et toute la plante, riche en vitamine C, est comestible. Également rare, la renouée maritime se plaît bien à Fort-Royer ; on l’appelle aussi casse-pierre car les anciens l’utilisaient sous forme d’infusion pour éliminer les calculs rénaux.
Au milieu des touffes d’oyat, une graminée grande fixatrice de dune, de nombreuses autres espèces végétales colonisent le sable de cette plage peu fréquentée. On rencontre le sédum âcre, qu’on appelait la plante des mendiants car son suc, irritant pour la peau et les muqueuses, est capable de donner un pitoyable aspect à celui qui s’y frotte ! Ses jeunes pousses et ses fleurs peuvent cependant être consommées, mais de façon modérée. Se développe aussi le salsifis sauvage, dont on peut cuisiner la racine. Facile à repérer, l’éphédra, avec ses petits fruits rouges mangés par les animaux et que les anciens appelaient raisins de l’ours, est connue en pharmacologie car elle contient de l’éphédrine à l’action puissante sur le rythme cardiaque. L’immortelle des dunes se reconnaît quant à elle à son fort parfum de curry, idéale pour parfumer sa cuisine. À Fort-Royer, il y a aussi un légume oublié qui devient envahissant: le maceron, dont les feuilles, les jeunes pousses et les racines sont comestibles.
Vers les bassins et les prés salés
À l’arrière du cordon dunaire, dans les marais et les prés salés, les ostréiculteurs jouent une partie serrée avec la végétation : ils ont besoin d’elle pour fixer les talus des bassins où les huîtres terminent leur croissance, mais ils risquent sans cesse de la voir recouvrir leur fond et celui des chenaux qui amènent l’eau de la mer. Un très petit nombre d’espèces résistent à ces conditions très salées, sous l’influence des marées: la salicorne et l’obione sont les pionnières, suivies par le lilas de mer, le faux crithmum et les soudes. Les ostréiculteurs ont appris à travailler sur ce site toujours en mouvement. Ils savent déjà que le paysage sera différent dans quelques décennies : recevant les alluvions de plusieurs fleuves, notamment la Charente, la terre gagne petit à petit sur la mer. Oléron se déforme et Fort-Royer est la zone à partir de laquelle l’île s’agrandit, tandis qu’elle s’érode ailleurs.
Une zone menacée?
À quelques kilomètres au nord de Fort-Royer, un projet industriel de filières d’huîtres et de moules est envisagé. L’Association pour la préservation du littoral de la Malconche et des Pertuis charentais s’y oppose, invoquant des risques environnementaux et économiques. Il risque en effet de provoquer l’envasement de belles plages et ne profiterait qu’à quelques gros producteurs. Les petits ostréiculteurs artisanaux sont déjà sur le front. Ils dénoncent aussi depuis plusieurs années l’huître triploïde, modifiée génétiquement pour ne pas être laiteuse en été. http://aplimap.blogspot.fr
Comment y aller
En voiture
Sur Oléron, aller jusqu’au Château d’Oléron puis prendre la « Route des huîtres » jusqu’à Boyardville. Fort-Royer se situe de l’autre côté du chenal.
Renseignements
Association du Site ostréicole et naturel de Fort- Royer, La Perrotine , 17310 St-Pierre- d’Oléron. Tél. : 05 46 47 06 48. www.fort-royer-oleron.fr.
Tarif
Site accessible toute l’année. Circuit botanique d’avril à fin septembre le vendredi sur réservation. 4,50€.De 7 à 16ans:3,50€.
Hébergement
Hôtel des Bains à Boyardvillle. À partir de 56,50 € la nuit.Tél.: 0546470102.