Jardin extraordinaire de Nantes : L'invitation au voyage

" Nous voulions créer un lieu unique qui soit une interface entre les différents écosystèmes, renouer les liens entre la Loire et la ville, l'amont et l'aval, les coteaux et la plaine, à la manière d'un écotone urbain ". Pour le paysagiste Samuel André de l'agence nantaise Phytolab, qui a conçu ce jardin public avec l'architecte Bernard Reiche, le cadre de l'ancienne carrière de Chantenay, à l'est de Nantes, a tout de suite eu quelque chose de magique. Exploitée à la Renaissance pour l'extraction du granit, puis occupée au IXIe siècle par les Brasseries de la Meuse, la carrière, abandonnée, évolue en friche urbaine pendant trente ans. L'équipe paysagère a fait un premier choix fort en décidant de conserver une grande partie des végétaux qui ont colonisé le site de 3,5 hectares. « Il fallait composer avec l'existant et ajouter du rêve en s'inspirant de l'univers des Voyages extraordinaires de Jules Verne, dont la maison natale se trouve à deux pas de là », rappelle le paysagiste. Non pas que les espèces présentes – genêts, ronces, lierre, buddleias – soient particulièrement originales – elles présentent même plutôt les caractéristiques de plantes envahissantes, mais par respect du lieu. Ensuite, des cheminements sont tracés pour accéder au pied de la falaise.

Un microclimat exceptionnel

L'exposition plein sud de ce cirque de pierre bordé par une falaise crée un microclimat. Les températures y sont supérieures de 4 degrés à celles du reste de la ville. Protégé des vents et des aléas climatiques, le lieu se révèle idéal pour implanter une palette de 200 arbres ou arbustes d'essence méditerranéenne et exotique, présents pour certains dans l'univers des Voyages extraordinaires de Jules Verne. Au pied de la falaise, les feuillages des bananiers, des fougères arborescentes et des cycas nous transportent dans un univers tropical. La chaleur emmagasinée dans la roche plaît aux agaves et à des figuiers de barbarie que les visiteurs découvrent après avoir traversé une bambouseraie. Un lierre centenaire grimpe à l'assaut de la falaise et souligne le dénivelé de la carrière, tout comme la cascade spectaculaire qui dégringole du sommet et emmène le visiteur dans un pays imaginaire. Le dépaysement s'accentue lorsqu'on déambule entre les grandes feuilles de gunnéras du Brésil, celles découpées de la fatsie du Japon ou du Farfugium japonica, aux fleurs jaunes et aux feuilles arrondies.

Le parcours des sept belvédères

L'ascension de la falaise, avec ses 28 mètres de dénivelé, propose une autre forme de voyage. Empruntant un escalier en acier, le promeneur chemine au plus près de la roche et du végétal qui s'y accroche, non loin de l'eau dont le bruit l'enveloppe. Sept belvédères intermédiaires, conçus comme autant de haltes dans l'ascension ou la descente, offrent des vues spectaculaires sur cet écrin de verdure et permettent d'embrasser du regard la cité des Ducs, la majesté de la Loire et, dans le lointain, les maisons colorées de l'île de Nantes. Pour accentuer et embellir cette vision en plongée, de nouvelles essences d'arbres dont la floraison est semblable à celle que l'on trouve sur la canopée en zone tropicale, devraient prochainement être plantées. En 2023, la falaise devrait aussi accueillir l'Arbre aux hérons, une structure de 35 mètres de haut imaginée par la compagnie La Machine, dont on connaît les spectaculaires animations et déambulations mécaniques, comme le Grand Éléphant et le Carrousel des mondes marins. À l'instar de Jules Verne, ces Nantais ne manquent pas d'imagination et ce n'est pas un hasard si le Jardin extraordinaire a reçu en 2020 le grand prix des Victoires nationales du paysage.