Potager du Grand Daubeuf : une vitrine cauchoise pour la permaculture

Le potager ornemental du domaine du Grand Daubeuf constitue une vraie curiosité : ses formes géométriques dites « à la française » – trois grands rectangles découpés en de nombreux carrés, au total 96 – contrastent avec l’exubérance, en trois dimensions, des plantations. Celles-ci marient une très grande diversité d’espèces maraîchères, de fleurs et d’arbustes qui procurent non seulement un effet visuel généreux mais aussi des récoltes échelonnées de légumes, d’aromatiques, de fruits et de fleurs comestibles ou à bouquet. « Nous avons voulu relever le défi de créer un jardin à la fois beau et bon », expose Jérémie Delecourt, propriétaire du Grand Daubeuf depuis 2014. Ce potager rend hommage à l’histoire du site, puisque le domaine a longtemps constitué un carrefour agricole au cœur du pays de Caux. « Dans le passé, c’était l’une des plus importantes entreprises de la zone, avec des champs cultivés, de l’élevage bovin ainsi qu’une cressonnière et une scierie », raconte Jérémie Delecourt.

Le jardin comme lien social

« Le potager ornemental est le véritable cœur du jardin, car il nous relie à la communauté qui l’entoure », s’enthousiasme le propriétaire. Ce dernier a en effet souhaité renouer avec la tradition des grands domaines, à l’instar du château de Versailles, qui étaient ouverts aux habitants alentour. Deux associations d’insertion professionnelle ont contribué à la création du potager. « Des apprentissages à valeur ajoutée, comme la plantation d’arbres, ont été proposés aux travailleurs », appuie Jérémie Delecourt. Le potager ornemental se dédie également à l’hortithérapie : l’hôpital de jour en psychiatrie de Fécamp y a animé un atelier hebdomadaire en 2019, tandis qu’une association locale a proposé un rendez-vous bimensuel à des enfants en situation de handicap. « Nous avons la volonté de relancer ces soins par le jardin qui ont bénéficié à de grands dépressifs et à de jeunes trisomiques », promet le propriétaire.

Laboratoire de permaculture

Ce potager poursuit une autre mission : celle de sensibiliser les visiteurs aux techniques permacoles. Lasagnes, culture sur butte, paillage, recours aux insectes auxiliaires grâce à la présence de plantes mellifères… Les jardiniers, à l’instar d’Alexis Blondel, se rendent disponibles pour répondre aux questions du public : « Nous expliquons aux visiteurs comment nous nous inspirons de la nature, dans laquelle le sol n’est jamais à nu, la terre n’est pas bêchée et les plantes vivent en association. » Le professionnel met en lumière les vertus de cette approche au regard des conditions météorologiques : « Le paillage est d’autant plus utile cette année que nous connaissons un printemps très sec ». Alexis Blondel donne l’exemple d’un compagnonnage efficace : « L’odeur du céleri-rave repousse les nuisibles du chou, auquel on associe aussi une fleur, le cosmos, qui le protège de la piéride, un papillon prédateur ».

Forêt de rhododendrons

Si le potager ornemental a été primé à plusieurs reprises, le domaine du Grand Daubeuf regorge d’autres perles végétales, à commencer par un étonnant massif de rhododendrons. « C’est notre forêt de Hobbits, où l’on imaginerait bien croiser des personnages féeriques », commente Jérémie Delecourt. Plantés il y a plus de cent ans, les arbustes atteignent pour certains 7 mètres de hauteur. Sous leur canopée, un ensemble de ponts a été aménagé, donnant à ce bois sinueux des allures de mangrove. Les visiteurs déambulent sous cette voûte verte jusqu’au « Jardin bas », où ils peuvent alors admirer un imposant tulipier de Virginie planté vers 1860. Autre élément arboré remarquable : une allée de tilleuls à grandes feuilles pluriséculaires, qui s’allonge sur 1 800 mètres et compte plus de 500 spécimens. Enfin, deux espaces invitent à la détente : la « Butte », qui offre une vue panoramique sur le potager ornemental, et le « Jardin des mousses », où la demi-ombre est propice à certains végétaux, mais aussi à la rêverie.

Ne repartez pas les mains vides ! La zone maraîchère du Grand Daubeuf a reçu la labellisation « Agriculture biologique » en février 2022. De nombreux légumes y sont vendus sous forme de paniers ou au détail. Les cultures obéissent aux principes du maraîchage sur sol vivant (MSV), c’est-à-dire que le travail de la terre est très limité afin de favoriser la microfaune souterraine. Purins d’ortie, de prêle, de consoude ou de tomate sont fabriqués sur place. Des fruits proviennent d’un autre espace vert du domaine, le « Vallon du verger », dont la mise en place a impliqué les étudiants d’un centre de formation d’apprentis local. Si, malgré l’esprit d’innovation et l’originalité du Grand Daubeuf, c’est finalement son romantisme qui vous conquiert, vous repartirez plus probablement avec un bouquet de fleurs du jardin, dahlias, roses ou pivoines arbustives, les préférées du maître des lieux.