Mieux digérer avec le laurier
Très prisé dans l’Antiquité, tant sur le plan mythologique que symbolique, le laurier noble ou laurier sauce (Laurus nobilis) est devenu une plante condimentaire incontournable. Sur le plan médicinal, on a tort de le réduire à l'usage de son huile essentielle. Cet arbre au feuillage aromatique, toujours vert et dense, est intéressant pour la sphère digestive et rhumatologique.
Au jardin
Arbre dioïque (fleurs mâles et femelles portées par des spécimens différents), le laurier n'est pas exigeant sur la nature du sol, même s'il préfère les terres légères, humifères et bien drainées. En revanche, il affectionne l'exposition ensoleillée et les endroits abrités du vent. Malgré une croissance lente, il peut atteindre largement plus de 10 m de haut et plus de 4 m d'envergure. Ses racines sont exploratrices, ne le plantez pas trop près des canalisations !
Semis
Il n'est pas si facile, alors que le semis spontané est prolixe. Il s'effectue en place au printemps ou sous abri en automne, dans un mélange terre-sable à 18-20 °C. Pour augmenter les chances de réussite, les graines peuvent être stratifiées pendant trois à quatre mois. Pour ce faire, enlevez l'enveloppe noire qui recouvre les baies du laurier afin de mettre à nu leur graine ronde, puis disposez-les dans un récipient rempli d'un mélange tourbe-sable légèrement humide avant de les mettre au réfrigérateur. Au moment du semis, enfoncez les graines à 1 cm, recouvrez-les de terre fine et arrosez modérément.
Bouturage
Sélectionnez en fin d'été une branche latérale vigoureuse et prélevez-y une pousse de l'année d'au moins 5 mm de diamètre. Coupez au sécateur juste en dessous d'un œil, puis éliminez toutes les feuilles sauf deux se faisant à peu près face. Sectionnez la partie haute restante de façon à obtenir une bouture d'environ 15 cm. Plantez celle-ci dans un pot rempli d'un mélange de terre de jardin et de terreau humide. Mettre en terre le plant préalablement baigné dans l'eau, à l'automne ou au printemps.
Entretien
Aucun entretien ou presque pour le laurier ! La taille, qui n'a rien d'obligatoire, s'effectue le plus souvent en février-mars, mais elle est possible à d'autres périodes.
Récolte
Les feuilles de laurier se cueillent toute l'année et se consomment fraîches ou sèches. Le plus simple est de prélever les rameaux feuillés et de les suspendre à l'envers pour faire sécher les feuilles très facilement, sachant que le séchage n'altère en rien la puissance de leur arôme. Les fleurs, employées le plus souvent en tisane digestive, sont cueillies en début de floraison, dès le mois de mars. Faites-les sécher en fine couche dans les conditions habituelles, et conservez-les en...
pot opaque ou sachet kraft épais. Les fruits sont généralement récoltés en juin pour fabriquer un macérat huileux, ou séchés à l'abri de la lumière et de l'humidité pour servir de condiment à râper, comme la noix de muscade.
Ce que dit la science
De la bouche à l'estomac
Arbre solaire consacré à Apollon dans la Rome antique, le laurier noble a, depuis lors, été associé à la gloire et au triomphe. Les principales indications traditionnelles des feuilles de laurier sont liées à ses qualités tonifiantes et concernent les sphères digestive et rhumatologique. Connu pour activer les sucs digestifs, il améliore bien la digestion paresseuse, atténue les ballonnements, les flatulences ainsi que les fermentations intestinales, tout en soulageant les crampes d'estomac.
Ces vertus antiputrides étaient particulièrement mises à profit au Moyen Âge. Hildegarde de Bingen le préconise, elle, comme un excellent antalgique, utile contre la goutte et autre douleur articulaire. Plus proche de nous, la médecine populaire fait également grand cas de son action antitussive et expectorante, notamment en cas de bronchite. À l'heure actuelle, les études concernent davantage les composés isolés du laurier. Bien que certains résultats soient intéressants, par exemple une activité neuroprotectrice vis-à-vis de certaines maladies dégénératives, on ne peut pas extrapoler ces propriétés aux feuilles entières. En revanche, l'action stimulante du laurier décrite dans la tradition s'inscrit dans la régulation du système nerveux végétatif évoqué par les auteurs modernes. L'usage externe mérite tout autant notre attention. Les composés aromatiques anti-infectieux et anti-inflammatoires du laurier, consommé sous forme de décoction ou d'hydrolat, vont traiter des affections de la bouche (aphte, gingivite, stomatite). D'autres préparations (lire ci-dessous) apaisent les douleurs articulaires et musculaires.
À l'atelier
Un vin de laurier digestif
Le vin de laurier se fabrique aussi bien avec des feuilles fraîches ou sèches. Car, une fois n'est pas coutume, les feuilles sèches contiennent davantage de composés aromatiques (eucalyptol, linalol, monoterpènes, etc.). La macération alcoolique permettra d'extraire en plus des polyphénols, alcaloïdes et lactones. Grâce à ces composés, ce vin médicinal soulage la plupart des problèmes digestifs et va assainir les intestins. Idéal après les fêtes.
- Triez soigneusement les feuilles et prévoyez, suivant la concentration souhaitée, 30 à 50 g de feuilles de laurier fraîches ou séchées. Comptez environ 30 feuilles pour 10 g. Coupez finement les feuilles avec une paire de ciseaux en acier inoxydable.
- Dans un bocal en verre de grande contenance (environ 1,5 l), disposez les parties coupées et recouvrez-les avec à peu près 60 ml d'alcool de fruit (ou d'alcool à 60 °C incolore, si vous en trouvez). Fermez et laissez macérer pendant deux jours en remuant de temps en temps.
- Ajoutez à la préparation 1 l de vin bio, blanc ou rouge selon votre préférence. Laissez en contact pendant encore huit à dix jours, en agitant régulièrement.
- Pressez la préparation puis filtrez à l'aide d'un entonnoir garni de papier-filtre ; terminez en remplissant une bouteille en verre et fermez hermétiquement. Étiquetez votre préparation. Si le vin vous paraît trop amer, vous pouvez ajouter huit à dix morceaux de sucre roux bio par litre recueilli.
Posologie
Buvez un petit verre à porto avant ou après le repas, une à deux fois par jour, en cure de neuf jours renouvelable. Pris en dehors des repas, le vin de laurier assainit l'intestin et soutient le microbiote. Dans ce cas, si la sensation alcoolique vous gêne, diluez la dose dans une tasse d'eau chaude et buvez-en deux à trois par jour.
À savoir
Le laurier noble peut être à l'origine de rares réactions allergiques. Le risque est plus important avec l'huile essentielle.
Attention
Ne confondez pas le laurier noble avec ceux qui sont toxiques :
- Le laurier-rose, Nerium oleander (inflorescences colorées). Ses alcaloïdes peuvent être responsables d'intoxications mortelles par arrêt cardiaque.
- Le laurier-cerise, Prunus lauro-cerasus. Ses feuilles de couleur vert brillant libèrent de l'acide cyanhydrique à la mastication responsable d'intoxication.
- Le laurier des Alpes, Rhododendron ferrugineum. Il est capable de provoquer une hypotension et un ralentissement du cœur.
Autres préparations
Macérat antalgique de feuilles et baies de laurier
Remplir la moitié d'un bocal avec des baies séchées de laurier préalablement pilées et concassées ; ajouter autant de feuilles séchées coupées menues ; recouvrir l'ensemble avec de l'huile d'olive ou de tournesol. Exposer le bocal fermé au soleil durant vingt-et-un jours, en remuant régulièrement. Filtrer et mettre en flacons opaques. Si vous manquez de temps, utilisez la méthode du bain-marie en chauffant doucement le mélange pendant au moins une heure. L'huile peut aussi se réaliser sans les baies.
Antalgique et anti-inflammatoire, le macérat possède également des propriétés antiseptiques. Il est donc recommandé contre les douleurs musculaires et articulaires ainsi que dans certaines affections cutanées (abcès, acné, eczéma, etc.). Bref, c'est une huile qui a sa place dans la pharmacie familiale.
Infusion de feuilles de laurier
La tisane est efficace sur toutes les indications médicinales du laurier. Compter 10 g à 20 g de feuilles par litre d'eau (30 feuilles pèsent environ 10 g). La posologie est de deux à trois tasses par jour. En externe, la tisane (doublement concentrée) s'emploie en gargarisme, où elle fait merveille contre les aphtes.