La gemmothérapie intéresse les chercheurs
Les macérats glycérinés de bourgeons et jeunes pousses ont actuellement le vent en poupe auprès des consommateurs. Si la recherche scientifique s'intéressait peu à la gemmothérapie jusqu'à récemment, certaines équipes se penchent sérieusement sur le sujet via des études dans des modèles animaux, voire chez l'être humain. D'intéressants résultats se dégagent déjà de ces travaux.
La gemmothérapie, également appelée phyto-embryothérapie, consiste à utiliser les bourgeons ainsi que les jeunes pousses et jeunes racines pour élaborer des macérats glycérinés. Ce type de préparation à base de glycérine et d'éthanol est inscrit dans la pharmacopée française. Mais bien que cette thérapeutique ait actuellement le vent en poupe auprès des utilisateurs, elle fait l'objet de peu d'études, que ce soit sur modèle animal (in vivo) ou en laboratoire (in vitro). Ainsi, sur les 100 espèces végétales aujourd'hui commercialisées sous forme de macérat de bourgeons, seulement sept ont bénéficié d'études pharmacologiques, c'est-à-dire explorant le mécanisme d'action moléculaire. Il est vrai qu'un petit nombre de pays européens (France, Belgique, Italie, Roumanie…) connaissent et utilisent la gemmothérapie, une discipline développée à partir de la seconde moitié du XXe siècle par le médecin belge Pol Henry. Son postulat : les cellules souches issues des végétaux ont la capacité de soigner.
Peuplier blanc et peuplier noir
Ces dernières années, plusieurs études réalisées principalement in vivo sur les macérats de bourgeons, notamment ceux de peuplier, de tilleul, d'olivier et de cassis, permettent de préciser et de mieux comprendre leur action. Ainsi, en 2019, l'équipe de Nassima Boumghar a mis en évidence l'action antimicrobienne et antibiofilm des extraits de bourgeons de peuplier noir et de peuplier blanc enrichis en polyphénols, confirmant leur action en faveur de la cicatrisation cutanée. De plus, plusieurs études sur le bourgeon de peuplier noir, comme celle de l'équipe de Shiqin Peng en 2018, démontrent son effet antidiabétique sur des souris. Il réduit la résistance à l'insuline, tout en diminuant l'hémoglobine glyquée et la glycosylation des protéines sériques. Ces effets seraient liés à la présence de pinocembrine et de galangine. Parallèlement, le groupe de recherche de Nadjet Debbache-Benaida a testé l'extrait de bourgeons de peuplier noir sur l'animal et mis en évidence une action protectrice du foie et du cerveau (lorsque celui-ci est confronté à la toxicité induite par l'aluminium). Une réduction de l'acide urique sanguin a également été constatée, susceptible de diminuer la fréquence des crises de goutte.
Plus récemment, en 2020, l'équipe d'Anna Pittaluga, à Gênes, a étudié dans le cadre du projet Finnover (développement de filières vertes transfrontalières innovantes) l'impact du macérat glycériné de bourgeons de tilleul (l'un des plus vendus par les laboratoires) chez des souris mâles et femelles, jeunes et âgées. En 2015, il avait déjà été montré que ces extraits pouvaient in vitro amplifier le signal GABA (acide gamma-aminobutyrique, un neurotransmetteur calmant du système nerveux central) grâce à un effet mimant ce dernier.
Bourgeons de tilleul anxiolytiques
L'étude de 2020 a confirmé ces résultats en montrant un effet anxiolytique comparable à celui des médicaments benzodiazépines, susceptible de contrer les symptômes du stress et de l'anxiété. Toutefois, les jeunes souris mâles étaient les plus sensibles au traitement, avec une amélioration des scores moteurs et de curiosité, tandis que les souris femelles âgées étaient totalement insensibles à la supplémentation. D'autres études sont nécessaires pour que l'on puisse comprendre son mode de fonctionnement.
En revanche, dans l'étude du chercheur Neli-Kinga Olah, les bénéfices du bourgeon d'olivier sont apparus plus clairement. Celui-ci exerce des effets antidiabétiques, hypoglycémiants et antihyperglycémiants, d'où sa recommandation pour la prise en charge des complications cardiovasculaires liées au diabète. Selon le chercheur, ces effets sont liés aux molécules antioxydantes et anti-inflammatoires (flavonoïdes, acides phénoliques, triterpènes, sécoiridoïdes) qui préviennent la formation de plaques d'athérome, diminuent l'hypertension et améliorent le métabolisme de l'insuline. L'étude confirme ainsi les indications préconisées généralement par les gemmothérapeutes. Les bourgeons peuvent aussi opérer efficacement sur des micro-organismes comme les bactéries. D'après Laura Dorina Dinu, le macérat de ginkgo a ainsi démontré un effet antibactérien sur Escherichia coli et le staphylocoque doré. La même équipe s'est rendu compte que le macérat de jeunes pousses de myrtillier a la capacité de favoriser légèrement le développement des bactéries amies de notre microbiote.
Olivier et genévrier contre le cholestérol
Dans sa thèse, la Sud-Africaine Sandra Squara a étudié l'intérêt d'un mélange de macérats d'olivier et de genévrier pour traiter l'hypercholestérolémie chez l'être humain. Dans son essai clinique en double aveugle, la moitié des patients recevaient le traitement, et l'autre moitié un placebo, pendant 3 mois. Si, au départ, aucun changement n'a été observé, la chercheuse a noté une amélioration durant le dernier mois de traitement. Cela confirme l'intérêt de plusieurs mois de cures, ce qui est habituellement conseillé en gemmothérapie.
Le cassis, star de la gemmothérapie
Concernant les affections des voies aériennes, c'est une étude italienne de Maura Di Vito qui fait ressortir l'intérêt de trois macérats de bourgeon, celui d'aulne glutineux, du charme commun et du cassis. Pour ce best-seller de la gemmothérapie, l'équipe de Tímea Téglás a mis en évidence une action anti-inflammatoire sur le cerveau, très prometteuse pour la prise en charge des maladies neurodégénératives : il réduit le gonflement des cellules microgliales de l'hippocampe et abaisse le taux sanguin de TNF-α (une cytokine pro-inflammatoire). Les chercheurs ont d'ailleurs identifié plus de 130 composés dans le macérat de bourgeon de cassis, certains inconnus auparavant.
Ainsi, même si l'on peut regretter qu'elles ne soient pas plus nombreuses, les études sur la gemmothérapie confirment les utilisations traditionnelles. Mais il reste encore beaucoup à découvrir.