Réhabilitons la bugle rampante
Proche de la brunelle avec laquelle elle partage une bonne partie de ses propriétés, la bugle rampante (Ajuga reptans) séduit par ses épis floraux bleu vif et ses feuilles luisantes formant peu à peu un tapis dense au jardin. Plébiscitée au Moyen Âge, puis grande oubliée des livres modernes de phytothérapie, la bugle rampante revient actuellement sur le devant de la scène. Il était temps !
Au jardin
Vivace et rustique, la bugle rampante apprécie un sol humide, frais mais bien drainé et une exposition semi-ombragée. Elle prolifère en couvre-sol grâce à la production de stolons pouvant atteindre plusieurs mètres de long, qui prennent racine au niveau des nœuds en formant de nouvelles plantes. Vous pouvez également l'installer au pied des arbustes ou des arbres. Très mellifère, la bugle attire de nombreux pollinisateurs.
Plantation et division
La plantation est préférable au semis, qui est très aléatoire. Elle s'effectue le plus souvent à l'automne ou au printemps (ou à toute autre période hors gel), en suivant les recommandations habituelles : bien tremper la motte avant la mise en terre. Inutile de creuser un trou trop profond : 20 cm suffisent. En revanche, ne recouvrez pas trop la motte. Prévoyez environ 30 cm d'écart entre deux plants. Vous pouvez plus simplement prélever un plant dans la nature par division de la touffe. Pour ce faire, à l'aide d'une fourche-bêche, déterrez le plant mère puis prélevez délicatement les plantules enracinées autour du pied, que vous replanterez sans tarder.
Entretien
Comme pour beaucoup de médicinales, l'entretien se réduit au strict minimum. Si la densité de l'étalement devient trop importante, supprimez quelques sujets afin de préserver la circulation d'air. Ainsi la plante restera vigoureuse et sera moins sensible à l'oïdium. Si votre sol est pauvre, procédez à un apport de terreau à la fin de l'hiver.
Récolte
Les parties aériennes fleuries de la bugle rampante sont récoltées du milieu du printemps jusqu'en septembre parfois. Séchez en couche mince à l'ombre dans un endroit aéré, de préférence à moins de 35 °C. Conservez les parties entières ou grossièrement fragmentées dans des sacs en kraft, à l'abri de la lumière et de l'humidité. Vous couperez la plante en petits morceaux au fur et à mesure de vos besoins.
Ce que dit la science...Astringence bénéfique
Si l'on en croit le poème de présentation de la bugle rampante conçu par la prestigieuse école de Salerne, qui a dominé la médecine occidentale dès le XIe siècle, cette plante jouissait d'une grande renommée : « Qui utilise la bugle et la sanicle, au chirurgien fait la nique » ! Cette plante était alors principalement utilisée pour ses propriétés vulnéraires (plaies et blessures), d'où son surnom de « petite consoude ». Partenaire de choix du...
médecin de campagne, elle stoppait également les hémorragies, externes ou internes, ainsi que de nombreux autres maux : pneumopathies, asthme, toux rebelles, ulcères, diarrhées ou encore goutte. Fait intéressant, les usages traditionnels d'autres régions comme l'Australie ou le Maghreb corroborent ces indications. La connaissance des principes actifs entrant dans la composition de la plante permet de valider ces usages. En effet, elle est particulièrement riche en glucosides iridoïdes (aux vertus anti-inflammatoires) et en tanins (astringents et cicatrisants). La présence d'autres composés (acides-phénols, flavonoïdes) participe aussi à ses propriétés décontracturantes, antioxydantes et antimicrobiennes. Très récemment, une étude in vitro a montré la capacité de la bugle à inhiber la prolifération de plusieurs germes. Certains phytothérapeutes la réhabilitent actuellement et la prescrivent, en complément, pour soulager les douleurs et les inflammations de l'endométriose ou de la fibromyalgie.
À l'atelier
Un gel cicatrisant antihémorroïdaire
La fabrication maison d'un gel neutre permet de bénéficier d'une quantité importante de principes actifs capables de passer rapidement à travers les couches cellulaires de la peau ou des muqueuses. La recette de Sylvie Hampikian, dont on s'inspire ici, s'effectue en deux temps : élaboration d'une tisane concentrée, qui est gélifiée ensuite et enrichie d'un hydrolat.
Ingrédients et matériel :
- 2 cuillerées à soupe bombées de bugle,
- environ ¾ cuillerée à café de poudre de gomme guar (soit 1,5 g),
- 25 ml d'hydrolat au choix, cyprès ou lentisque pistachier, pour un effet veinotonique,
- 20 gouttes d'huile essentielle (HE) de lavandin,
- 2 casseroles, coupelle en inox ou en verre pyrex, fouet pour cosmétique, flacon airless.
Mode opératoire :
- Mettre 2 cuillerées à soupe bombées de bugle rampante fraîche ou séchée, coupée en petits morceaux dans ¼ litre d'eau de source froide. Chauffer jusqu'au frémissement, maintenir durant 5 minutes puis laisser infuser 10 minutes en couvrant. Filtrer.
- Déposer 75 ml de tisane dans la coupelle. Incorporer petit à petit, en pluie fine, la gomme guar sans cesser de tourner à l'aide du fouet afin d'éviter tout grumeau. Mélanger jusqu'à ce que la préparation épaissie soit bien homogène.
- Placer l'ensemble au bain-marie frémissant pendant 1 minute, puis retirer du feu.
- Ajouter l'hydrolat choisi et l'HE de lavandin en mélangeant soigneusement avec le fouet.
- Conditionner le mélange obtenu en flacon ou en pot sans oublier d'étiqueter la préparation. Conserver de préférence au frais, et pas plus d'un mois après ouverture.
Posologie : Appliquer une noisette du gel directement sur l'hémorroïde, plusieurs fois par jour à l'aide d'une petite compresse, jusqu'à l'amélioration. Aucune précaution d'emploi n'a été rapportée.
Remarque : Le gel peut aussi se fabriquer à froid en remplaçant la gomme guar par de la gomme xanthane additionnée du conservateur Cosgard. Il peut également se réaliser avec des hydrolats calmants (lavande, matricaire, rose) et s'appliquera alors, après le nettoyage, sur une plaie ou petite blessure 2 à 3 fois par jour.
Autres préparations
Lotion pour usage externe
Préparer la tisane comme indiqué ci-dessus. Filtrer, laisser refroidir et utiliser la tisane en lotion pour les indications suivantes.
- Nettoyage et cicatrisation des plaies : lotionner ou pulvériser la zone, 2 à 3 fois par jour.
- Inflammation des yeux : laver les yeux à l'aide d'une compresse imbibée de tisane.
- Maux de gorge, gingivites, toux sèche : prendre en bain de bouche ou gargarisme, 1 à 3 fois par jour.
- Hémorroïdes : appliquer localement une compresse imbibée de tisane, 2 à 3 fois par jour.
Tisane pour usage interne
La tisane sera dans ce cas moins dosée en plante : 1 c. à soupe de bugle pour ½ litre d'eau selon la même méthodologie. Elle améliore efficacement plusieurs troubles.
- Toux rebelle, bronchite, dilatation des bronches, ulcère gastroduodénal, diarrhées, règles abondantes, hémorroïdes : 2 à 3 tasses par jour, en cure renouvelable.
Extrait hydroalcoolique
Dans un bocal en verre, mettre la bugle rampante fraîche (racine et partie aérienne) coupée en menus morceaux puis recouvrir l'ensemble avec de l'alcool de fruit bio (au moins 45°). Fermer et laisser macérer 3 semaines à l'obscurité en remuant régulièrement. Presser et filtrer. Conditionner en flacon opaque.
- En traitement d'appoint contre la dilatation bronchique, mais également la fibromyalgie et l'endométriose ou contre les contractures musculaires douloureuses : prendre 20 à 50 gouttes diluées dans l'eau, 2 à 3 fois par jour. C'est sous cette forme que les phytothérapeutes prescrivent la bugle le plus souvent.