Dossier
Lin, ortie et chanvre, l’avenir leur appartient (1/4)
Dans le textile ou l’alimentaire, pour la papeterie, les matériaux de construction ou encore la médecine, le lin, le chanvre et l’ortie présentent de multiples vertus et potentiels d’utilisation. La production de ces plantes prometteuses nécessite cependant de s’intégrer à un environnement agricole, économique et sociétal complexe. On vous plante le décor.
Lin, ortie et chanvre : de l’utile à l’agréable
Cultivé depuis près de 10 000 ans, le chanvre a accompagné les plus grandes inventions. Les premières traces de son utilisation remontent au Paléolithique supérieur, durant lequel Homo sapiens le cueillait. Au Moyen Âge, Charlemagne encourage sa culture. Le chanvre sert ensuite aux Chinois pour imprimer les premiers livres. Au XVIIe siècle, la plante connaît un véritable essor sous forme textile grâce à la fabrication de voiles et cordages. Rembrandt et Velásquez peignent alors aussi sur de la toile constituée de cette fibre – qui sera reprise, plus tard, pour les premiers jeans Levi Strauss.
Pendant des milliers d’années, les médecins ont également employé le chanvre comme antidouleur et pour soulager des pathologies de dégénérescence. Mais, en 1930, avec l’engouement pour la marijuana aux États-Unis, la plante est dénigrée. Cet épisode marque le début de son déclin, sous la pression des lobbies du coton et, bientôt, des dérivés du pétrole comme le nylon.
Grandeur et décadence
De son côté, le lin fait partie des premières espèces cultivées. En Égypte tout d’abord, au temps des pharaons, pour confectionner vêtements, voiles et cordages. En France, introduit par Charlemagne, il atteint son apogée au XIIe siècle avec la fabrication de toiles fines de Cambrai, de dentelles et de mouchoirs.
En 1810, Philippe de Girard invente la machine à filer le lin ; le Nord devient l’un des premiers centres de filatures de lin d’Europe – qui seront détrônées, à l’ère industrielle, par celles de coton. Il faudra attendre la Deuxième Guerre mondiale pour que le tissu de lin redevienne à la mode, et encore plusieurs décennies pour que ses vertus nutritionnelles se fassent connaître.
L’usage de l’ortie, troisième végétal étudié de ce dossier, remonte au Néolithique. Durant l’Antiquité, elle est vénérée par les Grecs. Au Ier siècle av. J.-C., Hippocrate la recommande dans 61 remèdes ! Plus tard, le médecin de Marie-Antoinette en fera une boisson tendance contre la goutte. Durant les périodes difficiles, l’ortie est là aussi : elle habille les soldats de Napoléon en 1812 puis ceux des deux guerres mondiales ; elle sauve des vies, par exemple durant la grande famine d’Irlande (1845-1852).
Cependant, alors qu’Urtica dioica est entrée au Codex de la pharmacopée dès 1818 et que ses vertus sont de plus en plus mises à l’honneur, la « sauvageonne » n’est, en France, ni cultivée ni valorisée à grande échelle.
Chanvre, lin ou ortie jouaient un rôle phare avant d’être délaissés. Au vu des enjeux environnementaux actuels, ces plantes font de nouveau valoir leurs atouts dans l’alimentaire, la santé, le textile et la construction. Un large champ des possibles se dessine, freiné toutefois par des contraintes réglementaires et économiques.
À lire
- Les secrets de l’ortie, Bernard Bertrand, éd. du Terran.
- Purins d’ortie et cie, Bernard Bertrand, Éric Petiot et Jean-Paul Collaert, éd. du Terran.
- Le livre des bonnes herbes, Pierre Lieutaghi, éd. Actes Sud.
- Cannabis médical, Michka Seeliger-Chatelain, éd. Mama.
- Le chanvre, Claire Bulté, éd. du Terran.
- 50 plantes qui ont changé le cours de l’histoire, Bill Laws, éd. Ouest-France.