Apiculture urbaine
Trop de ruches en ville ?
Les abeilles domestiques se multiplient dans la capitale grâce aux ruches urbaines. Mais elles sont néfastes pour les abeilles sauvages, déjà très menacées.
En installant des ruches sur les toits des grandes villes, on croit faire un bon geste en faveur de l'environnement. Pas si sûr. C'est l'alerte lancée par Isabelle Dajoz, professeure à l'université Paris-Diderot et auteure d'une étude sur l'impact des ruches en ville. Avec 15 ruches par kilomètre carré à Paris, leur nombre a triplé en trois ans. Pourquoi cette abondance de ruches pourrait-elle être un problème ? Les abeilles domestiques (Apis mellifera) que les particuliers et les entreprises installent sur les toits des immeubles sont de grosses productrices de miel et donc de grosses butineuses.
Or, cette surpopulation d'insectes aurait des conséquences sur la survie des abeilles sauvages qui ne trouveraient plus assez de quoi butiner. Il faut dire que l'Apis mellifera vit en essaim, alors que les abeilles sauvages sont des solitaires. Et même s'il existe mille variétés d'abeilles sauvages, elles sont désormais sous-représentées par rapport aux abeilles domestiques. Par ailleurs, une trop grande concentration de ruches risque d'épuiser les fleurs en les vidant de leur pollen.
« Il faut restreindre l'installation de ruches en ville et ne pas les concentrer sur les mêmes zones. En milieu urbain, nous ne devrions pas dépasser une ruche par kilomètre carré », estime Isabelle Dajoz.
Attirons les abeilles sauvages
Le programme Urbanbees, coordonné par l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l'association lyonnaise Arthropologia, consiste à inviter les abeilles sauvages à prendre leurs quartiers en ville pour les protéger. Elles s'installeront dans des hôtels à insectes, des carrés de sol pour celles qui nichent en terre et des spirales remplies de plantes aromatiques.
Mais, d'autres mesures sont à prendre pour préserver la diversité des pollinisateurs, que ce soit les abeilles sauvages, les bourdons, les mouches, etc. « Tout est une question d'abondance. Plus il y a d'abeilles, plus il faut de fleurs », confirme Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS et coauteur d'une étude qui révèle le profit que tirent les abeilles de la biodiversité des cultures bio. Et de plaider pour une suppression des pesticides en ville comme ailleurs. Jean-François Odoux, l'autre coauteur de cette étude et chercheur à l'Inra, souligne l'importance d'autres cycles naturels : « En ville il ne faut pas planter de fleurs étrangères traitées aux insecticides, mais des espèces indigènes qui ont des floraisons synchronisées avec les abeilles sauvages dont l'espérance de vie est brève (trois semaines). Si une abeille ne trouve pas le pollen nécessaire pour se nourrir, elle meurt et n'a pas le temps de se reproduire. »
Pour la start-up Natura Bee (apiculteurs en ville), la question de la densité des ruches en ville demande de la vigilance et un suivi de l'évolution de la situation. Et tous de plaider pour développer le réseau de plantes mellifères et de fleurs locales au sol mais aussi sur les balcons, les toits et les murs des immeubles.