Divine abeille
Il semble bien qu’Einstein n’ait jamais prononcé la fameuse maxime sur la disparition de l’espèce humaine qui suivrait inexorablement celle des abeilles. Dommage ! Il aurait eu cent fois raison.
Malgré les mises en garde (comme celle du Programme des Nations unies pour l’environnement) étayées par les constatations alarmées des apiculteurs, on continue de commercialiser les produits phytosanitaires toxiques pour les abeilles et de maltraiter ces petites fées mellifères. Aux États-Unis en particulier, il est courant de les trimballer dans d’infâmes clapiers ambulants entassés dans des camions où la moitié de la ruche périt à chaque transhumance. Les espèces locales sont délaissées pour des hybrides, plus productives mais moins résistantes et parfois au comportement agressif. Leur capital génétique est instrumentalisé par l’humain apprenti sorcier comme il l’est pour les végétaux, avec les dérives que l’on connaît.
Pourtant, leur efficacité naturelle n’aurait besoin que de s’exprimer sans intervention pour continuer de fournir le miel tout en pollinisant arbres, fleurs et autres graminées. Outre ce rôle primordial de pollinisation, qui semble tout droit issu d’une mission divine de perpétuation de la vie terrestre, les abeilles offrent généreusement les produits de leur ruche pour divers usages connus de mémoire d’homme. Gelée royale et propolis sont d’irremplaçables remèdes adaptogènes et immunomodulateurs. Les dilutions homéopathiques d’Apis sont réputées pour leur action antiallergique immédiate, et pas que chez les homéopathes. Mais ces derniers savent bien que les vertus de ce remède sont beaucoup plus étendues. Il existe en fait deux remèdes homéopathiques (sans compter le remède miel qui est encore en cours d’exploration) : Apis Mellifica, réalisé avec l’abeille mellifère, et Apis Regina, produit de la reine des abeilles. C’est le premier qui est le plus utilisé. Il convient à des personnes affairées, efficaces et plutôt altruistes. Inquiètes du sort de leur entourage, particulièrement de leur entourage familial, ces personnes rendent bien compte du souci de l’espèce abeille de voir régner autour d’elles équilibre et harmonie. Et si cette harmonie fait défaut, elles vont préférer prendre soin des enfants ou des personnes sans défense qui leur sont proches plutôt que de faire des enfants elles-mêmes. Cela, c’est l’affaire de la reine!
C’est sans doute pour satisfaire ces buts élevés que la nature a pourvu les abeilles d’un équipement de radars sophistiqués, leur permettant de repérer les pollens odorants puis de retrouver le chemin de la maison dans un ballet géométrique aussi complexe qu’harmonieux. Sachant tout cela, respectons ces petites merveilles mises au service de la vie. Prélevons un peu de leur production mellifère, puis laissons à leur sagesse immanente le soin d’organiser leur fonctionnement, que nous nous garderons de mettre en péril. Restons humbles.