Cannabis thérapeutique : l’Allemagne avance, la France recule
L’Allemagne vient de légiférer sur le cannabis thérapeutique : les malades souffrant de cancer ou de sclérose en plaques peuvent désormais s’en procurer en pharmacie, sur ordonnance, et se faire rembourser leur traitement. En France, à l’inverse, la situation reste bloquée : après avoir autorisé un médicament à base de cannabis en 2014, le Sativex, le gouvernement semble faire marche arrière… Les « patients », en attendant, se tournent vers le système D.
Depuis le mois de mars 2017 en Allemagne, une loi autorise l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques. Elle ne concerne que certains malades, souffrant de douleurs chroniques ou atteints de maladies graves comme le cancer et la sclérose en plaques : ils peuvent désormais, munis d’une ordonnance, se procurer en pharmacie des fleurs et des feuilles séchées, des médicaments à base de cannabis comme le Sativex, ainsi que des cannabinoïdes synthétiques (Dronabinol et Nabilone).
Les frais sont pris en charge par les caisses d’assurance maladie et une agence publique chargée de gérer la culture du cannabis médical doit être créée. « Dans le domaine médical, on n’emploie pas les mêmes variétés que pour une consommation récréative », explique Bertrand Rambaud, président de l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine (UFCM) : en effet, on recherche des variétés qui contiennent plus de cannabidiol (CBD) et moins de tétrahydrocannabinol (THC), ce dernier étant bien plus psychoactif que le premier.
Un patient autorisé à cultiver du cannabis
Cette nouvelle loi allemande fait suite à un précédent : l’autorisation exceptionnelle accordée en septembre 2016 à un patient allemand atteint de sclérose en plaques et qui cultivait lui-même du cannabis. L’autorisation, valide jusqu’au 30 juin 2017, ne sera pas prolongée : ce patient pourra en effet désormais se procurer la plante en pharmacie. Rappelons qu’en Allemagne la possession de cannabis reste interdite, même si la détention de petites doses est tolérée, les quantités acceptées variant suivant les régions.
Le Sativex n’est toujours pas disponible en France
Alors qu’en Allemagne, une telle loi a été adoptée à l’unanimité, la situation du cannabis thérapeutique en France en reste toujours au statu quo. Les malades avaient pourtant bon espoir lorsque le Sativex, médicament à base d’extraits de cannabis, a reçu en 2014 une AMM (autorisation de mise sur le marché). Rappelons que le Sativex est indiqué pour pallier les troubles de spasticité (incapacité à marcher, à prendre des objets, etc.) modérés à sévères chez les patients atteints de sclérose en plaques.
Ce médicament, que l’on vaporise sous la langue, est disponible en Grande-Bretagne, en Espagne, en Allemagne, au Canada, au Danemark, en Norvège, en Israël, en Autriche, en Pologne, en Suède, en Italie ou encore en Finlande. Trois ans après l’AMM, le Sativex n’est toujours pas disponible dans nos pharmacies, car les autorités françaises n’ont pas accepté le prix proposé par Almirall, le laboratoire fabricant. Un prix pourtant inférieur à celui pratiqué dans les autres pays européens!
Et l’on risque d’en rester là. « L’État français a classé le Sativex dans la catégorie 5 du Service médical rendu, ce qui montre clairement qu’il n’a pas la volonté de le rendre disponible », lâche amèrement Bertrand Rambaud, président de l’UFCM. En effet, la catégorie 5 du Service médical regroupe les médicaments considérés comme « n’apportant pas d’amélioration dans le traitement des symptômes ». « Nous souffrons d’un positionnement moral et idéologique face au cannabis, seulement vu comme une drogue et pas comme une plante médicinale », déplore Bertrand Rambaud.
Le cannabis soulage les symptômes de la sclérose en plaques
Plusieurs études sur le Sativex sont pourtant très positives. L’une des plus récentes (publiée en 2016 dans la revue European Neurology par le Pr Patrick Vermersch de l’université de Lille) a porté sur 433 malades de sclérose en plaques : en majorité, ces derniers ont vu diminuer la spasticité, les spasmes, la fatigue, la douleur et les problèmes de sommeil au bout de trois mois de prise de Sativex.
Pour les malades français, reste donc le système D : se faire prescrire du cannabis par un médecin puis passer la frontière pour aller en acheter en pharmacie, dans des pays qui, comme les Pays-Bas, ont mis en place une filière de cannabis thérapeutique. La situation est donc compliquée, et les patients doivent payer le traitement de leur poche. L’UFCM, association administrée par des malades et autant de professionnels de santé, accompagne les malades dans cette démarche grâce à des médecins qui connaissent bien les effets du cannabis médical et les interactions avec les autres traitements. L’exemple de notre voisin allemand pourra-t-il aider à débloquer le statu quo français ? Les médecins du conseil scientifique de l’UNISEP (Union associative pour lutter contre la sclérose en plaques) continuent en tous cas de réclamer le Sativex aux autorités françaises.