L’ancolie aussi belle que cruelle
Les bergers l’appelaient « colombine », les nonnettes « gants de fée ou de Marie», les brigands « la main de sorcière ». Plante d’Europe cultivée dans les jardins, haute de 30 à 50 centimètres.
Les feuilles ressemblent à celles de la Chélidoine (l'herbe à verrues), reconnaissables à leur couleur verte mélangée de brun et de noir. Les fleurs sont irrégulières multicapuchonnées, bleues pourprées, quelquefois roses ou blanches. On a employé les racines, les tiges feuillées, les fleurs et les semences comme diurétique et antiscorbutique. Qui se douterait que la modeste et séduisante Ancolie, la fleur dont le charme inspira les poètes, dissimule sous sa beauté émouvante et discrète un formidable potentiel toxique dont on n’a pas encore réussi à isoler toutes les substances vénéneuses ?
Utilisation magique
En Afrique, les Anciens disaient que l’Ancolie était la plante préférée des lions et des tigres et que cette fleur entrait dans le rituel de la puberté, au cours duquel les futurs guerriers la mangeaient pour acquérir du courage. Mais si la plupart ressentaient une «meilleure forme », on constata à plusieurs reprises des accidents mortels parmi ces adolescents.
Les contrebandiers navarrais ne franchissaient jamais la frontière sans porter sur eux une Ancolie. Au Moyen-Âge, au cours des tournois, les hérauts et poursuivants d’armes lançaient les devises de leurs maîtres pour les annoncer. Les gens de la Maison de Guise portaient l’Ancolie d’azur tigée et feuillée de sinople. Avant d’entrer en lice, ils criaient: « Guise à l’Ancolie ».
Des grimoires anciens contiennent des recettes de philtres magiques dans la composition desquels figure cette fleur si belle et si cruelle. Les graines de l’Ancolie entrèrent longtemps dans la composition des parfums aphrodisiaques. Les courtisanes en firent grand usage. Elles en mâchaient les graines, ce qui les rendaient particulièrement aptes à leur activité. À Rome, Numa Pompilius, fondateur du collège des Vestales, interdit à ces prêtresses du culte, qui devaient respecter le vœu de chasteté, l’usage de cette plante. Lorsqu’elle rencontrait sur son chemin une touffe fleurie d’Ancolie, la vestale devait se voiler la face dans un pan de son manteau et passer rapidement en détournant la tête.