La gelée royale : le nectar de la ruche
La gelée royale est la substance la plus complexe de la ruche. C’est l’alimentation exclusive de la reine des abeilles et le baume dans lequel les larves se développent. Par chance, dans mon Amap, deux fois par an, on m’en propose et j’ai pu aussi rencontrer leurs producteurs.
Si la reine et ses abeilles hibernent, les apiculteurs Camille et Thierry Sergent ne chaument pas à la miellerie du Gâtinais. L’hiver, ils ouvrent les portes de la salle pédagogique et de la boutique où le miel et la gelée royale ont beaucoup de succès à cette période de l’année. D’un jaune pâle qui semble crémeux, la gelée royale n’est pas très différente du miel de printemps. Mais au goût, rien à voir : elle est âcre et acide. Elle ne donne pas vraiment envie de s’en faire une tartine ! Le prix aussi en dissuade : en moyenne 22 euros le petit pot de 10 grammes. « Sa production demande une technique dans laquelle peu d’apiculteurs se lancent, explique Thierry. Traditionnellement, on “orphelinait” les colonies, c’est-à-dire qu’on les privait de leur reine et de ses phéromones, de manière à ce que les abeilles nourricières sécrètent de la gelée royale pour en élever de nouvelles. Aujourd’hui, on sépare la ruche en deux parties grâce à un cadre ouvert qui ne laisse pas passer la reine ; elle continue de pondre des œufs d’un côté, et de l’autre, les nourricières produisent de la gelée royale dans des cupules où nous mettons de nouvelles larves tous les trois jours. Ainsi, à la saison, on peut récolter environ 500 grammes de gelée royale par ruche. »
Dans la nature, les larves des cellules royales ont droit à trois jours de plus de gelée royale. Elle leur permet de développer des organes sexuels féminins déterminants et d’avoir une croissance biologique extraordinaire : en cinq à six jours, ces œufs progressent comme un veau en un an. C’est une croissance unique dans le monde animal. En apiculture, on prélève la gelée royale avant qu’une nouvelle reine apparaisse. En intervenant de cette façon dans le processus, on accroît la fabrication de la gelée royale tout en respectant le cycle naturel de production : « De là à dire que cela a un impact positif sur la survie des abeilles, c’est difficile. Nous souffrons aujourd’hui d’une baisse de production de miel et de gelée royale à cause de la météo, du frelon asiatique mangeur d’abeilles et des pesticides », conclut Thierry.
Adoptée par le pape
La gelée royale est un véritable totum de la nature, un tout bien supérieur à la somme de ses composants. Cicatrisante, stimulante...
, antibactérienne, anti-inflammatoire, antifongique, elle possède de nombreuses vertus découvertes de façon empirique. En 1938, elle est testée par le père Boyer de Belvefer. Pendant des années, il en administre à des chiens, des porcs et des chats et constate leur regain de vitalité. Mais c’est le rétablissement du Pape Pie XII, suite à une consommation de gelée royale prescrite par un certain Riccardo Galeazzi, son médecin personnel, qui marque le début de sa commercialisation dans le monde.
Aujourd’hui, on connaît la composition exacte de la gelée royale, elle contient 65 % d’eau, 15 % de glucides (fructose et glucose), 13 à 18 % de protéines et 4 à 6 % de lipides, dont 2 % d’un acide gras spécifique qui n’existe nulle part ailleurs, le 10-2-HDA. Il était autrefois appelé le Facteur R, soit le mystérieux Facteur de rajeunissement. Elle possède aussi 1,5 % de minéraux et oligo-éléments : fer, or, calcium, cobalt, silicium, magnésium, manganèse, nickel, argent, soufre… Enfin, étant riche en vitamines du groupe B et en tryptophane – un acide aminé qui aide à la synthèse de certains neurotransmetteurs comme la sérotonine – la gelée nous soutient en cas de dépression légère à modérée. Intriguée, je commence une cure de gelée royale pour en finir avec les restes d’une méchante grippe et d’une fatigue chronique : j’ai espoir qu’une demi-dose suffira, par souci d’économie surtout !
www.mielleriedugatinais.fr
Des origines à contrôler
Au total, 98 % de la gelée royale consommée en France provient d’Asie et est vendue à des prix extrêmement concurrentiels, ce qui peut susciter la méfiance. On entend facilement parler de reines sélectionnées génétiquement, d’abeilles nourries de manière artificielle et soignées aux antibiotiques. Mais gardons-nous de généraliser. Les pays asiatiques bénéficient de conditions climatiques très favorables à une production annuelle et une main-d’œuvre peu coûteuse. D’où qu’elle vienne, on privilégiera une gelée royale biologique et si possible celle provenant de circuits d’approvisionnement connus et éthiques. Fabienne Vélozo, formatrice en naturopathie et en apithérapie Chez Pollenergie, une entreprise de conditionnement et de distribution des produits de la ruche, recommande de consulter systématiquement les étiquettes sur lesquelles la provenance de la gelée royale doit être indiquée. Les produits d’origine française et italienne restant, selon elle, les mieux contrôlés.
Recette de mère Nature
Les remèdes de Roch Domerego
La gelée royale s’utilise en cure, de préférence pure et fraîche (évitez les ampoules et toute forme diluée). Elle se prend à jeun et en sublinguale pour que ses qualités ne soient pas altérées par la digestion. Voici quelques suggestions de cures par Roch Domerego, spécialiste en apithérapie et en naturopathie, auteur de La médecine des abeilles, Baroch Éditions, 2016. www.rochdomerego.com
En cure bien-être
Pour stimuler l’appétit et la mémoire, retrouver la forme physique et psychique, mais aussi en cas d’état dépressif passager ou de convalescence, prendre 0,5 à 1,5 g de gelée royale durant vingt jours. Même posologie pour les adolescents en période d’examens scolaires, de stress ou pour compléter un traitement contre l’acné.
Pour le tonus du cerveau
Au début du printemps et de l’automne, une cure de plusieurs semaines (même dose que précédemment) est idéale pour améliorer la tonicité cérébrale. En plus d’une bonne hygiène alimentaire, la cure est également conseillée en prévention de différentes maladies liées à la dégénérescence neuronale (Parkinson, sclérose en plaques, Alzheimer), de l’ostéoporose et de l’arthrose (car elle stimule la formation de collagène et l’absorption de calcium).
Les états grippaux et les attaques virales
En action curative, prenez 1 à 2,5 g de gelée royale jusqu’à disparition des symptômes. Associez-lui de la propolis pour multiplier ses propriétés antimicrobiennes, antifongiques et anti-inflammatoires. Selon les études du Professeur Benchgt (qui a notamment étudié l’impact de la gelée sur le virus du sida), en cas de grosse attaque virale, on peut porter la dose quotidienne de gelée royale à 5 g par jour.
En cas de grossesse et d’infertilité
Il peut être intéressant de prendre de la gelée royale pendant le premier trimestre de la grossesse pour lutter contre la fatigue ; ou bien quand on envisage d’avoir un enfant, la vitamine liposoluble E étant favorable à la fécondité.
Conservation : La gelée royale doit être conservée à l’abri de la lumière, au sec et au frigidaire dans un pot fermé hermétiquement. Bien qu’elle soit plus efficace lorsqu’elle est fraîche, elle peut être efficace pendant neuf mois à un an. Elle peut aussi être congelée et décongelée, une seule fois.
Contre-indication : Bien qu’à faible dose, la présence d’œstradiol, de testostérone et progestérone dans la gelée royale suffit à la contre-indiquer en cas de cancer hormonodépendant (sein, utérus, ovaires, prostate).