Dr Daniel Caroff : « Je souhaite rendre ses lettres de noblesse
à la naturopathie »
Daniel Caroff, médecin généraliste initié à de nombreuses approches de la santé naturelle, a créé l’Académie de naturopathie essentielle (Anae) en Alsace, à Obernai. Sa formation propose de revenir aux bases hippocratiques, réconciliant ainsi la médecine conventionnelle et la naturopathie. Interview.
Plantes & Santé. Vous avez étudié et pratiqué la médecine conventionnelle ainsi que la phytothérapie, la médecine chinoise et la naturopathie. Comment conciliez-vous ces approches, que certains médecins opposent ?
Daniel Caroff. On ne doit pas considérer qu’elles s’affrontent. Il y a des différences de point de vue, mais elles sont conciliables. La naturopathie comme les médecines traditionnelles anciennes considèrent l’énergie vitale, appelée chi en médecine chinoise. Or, depuis deux mille cinq cents ans et jusqu’au XIXe siècle, c’était également le cas des praticiens conventionnels… Hippocrate évoquait déjà cette force vitale, l’hygiène de vie, la médecine des humeurs – des notions que l’on retrouve en naturopathie. Le père de la médecine est donc aussi celui de la naturopathie ! Descartes parlait, quant à lui, de « médecin intérieur », une manière de prendre en compte les ressources internes de l’individu pour potentialiser ses forces d’autoguérison. Cette approche s’est perdue avec les médicaments chimiques : ils ont pris la place du processus d’autoguérison que la médecine contemporaine ne cherche plus à optimiser.
L’allopathie a aussi remplacé les plantes médicinales… Ces dernières sont-elles très présentes dans votre vision de la naturopathie ?
Bien sûr. Je prescris moi-même des plantes à mes patients, et j’enseigne la phytothérapie en Alsace et à Paris. Je déplore que cette discipline ne fasse plus partie du cursus de médecine. En développant son côté scientifique, notre médecine moderne s’est coupée de ses racines, comme s’il n’y avait plus rien d’utile dans les pratiques des anciens, testées depuis des millénaires. Au contraire, la naturopathie, avec la prescription de remèdes naturels, maintient ce lien avec le passé. Elle joint tradition et modernité, passé et avenir.
Au mois de mars, 140 médecins dénonçaient le manque de preuves scientifiques des médecines alternatives dans une tribune au Figaro. Que leur répondez-vous ?
Ils affirment que les pratiques alternatives manquent de preuves valides, mais eux-mêmes n’ont pas d’attitude scientifique… S’ils étaient sérieux, ils sauraient, par exemple, que les effets de l’acupuncture sont prouvés depuis trente-cinq ans, et que l’on peut dire avec suffisamment de certitude qu’elle a une efficacité supérieure à une absence de soin dans le traitement de nombreuses douleurs chroniques. Ces 140 médecins devraient balayer devant leur porte : c’est souvent en réaction aux lacunes de la médecine contemporaine que des approches naturelles ont émergé. D’autre part, je pense que la critique des pratiques alternatives est stérile, qu’il faut a contrario aider les professionnels à se former. Voyons dans la naturopathie une approche complémentaire à la médecine conventionnelle : les docteurs ne cherchent généralement pas les causes des maladies dans le mode de vie, alors que les naturopathes s’efforcent d’éduquer les gens sur le plan de l’alimentation et de l’hygiène et s’intéressent aux facteurs de transformation individuels.
Cette année, beaucoup ont aussi mis en doute la « détox ». Ces critiques ont-elles du sens ?
La détox des émonctoires est la base de la médecine hippocratique. Les toxines contenues dans la nourriture se retrouvent dans les zones de faiblesse, alourdissant le travail des émonctoires. Or, quand on fait une détox du foie, les enzymes hépatiques reprennent leur activité normale. La détox aide simplement les organes à mieux fonctionner. Je pense que les médecins et scientifiques très critiques n’ont aucune pratique de cette approche, sinon ils constateraient que la détox permet de diminuer des calculs de la vésicule biliaire, d’apaiser les problèmes digestifs de certaines personnes et même de faire disparaître un eczéma.
Pourquoi créer une école de naturopathie alors qu’il en existe déjà de nombreuses ?
Je souhaite rendre ses lettres de noblesse à la naturopathie. Il n’existe pas, aujourd’hui, d’école dont le formateur principal soit comme je le suis, à la fois médecin et naturopathe, mais aussi formé à l’acupuncture, à la pharmacopée chinoise, à l’ayurveda... En tant que médecin, je n’ai pas à prouver ma légitimité dans le domaine de la santé. Je peux donc me concentrer sur l’importance de l’énergie vitale et de l’essence de l’être humain, c’est-à-dire le psychisme et les émotions. Mes élèves vont devoir travailler sur leur présence auprès des malades par la méditation. Un praticien doit être calme et dans l’ouverture pour conseiller à son patient de l’être aussi… La médecine conventionnelle a perdu le contact avec les éléments subtils de l’individu, mais on retrouve celui-ci dans la naturopathie, qui a une vision globale de l’être humain.
Quels débouchés y a-t-il à l’issue de votre formation ? Naturopathe, est-ce devenu un métier d’avenir ?
Avec tous les scandales sanitaires, le pourcentage de population voulant limiter le recours aux médicaments chimiques est croissant. Cette formation peut être un complément intéressant pour des personnes travaillant déjà dans les métiers de la santé et du bien-être : médecins, pharmaciens et préparateurs, sages-femmes, kinésithérapeutes, vendeurs de produits de santé. Mais elle s’adresse également à toutes celles et ceux qui souhaitent participer à la santé des gens par les plantes médicinales, l’alimentation, l’activité physique et l’équilibre psychologique. Ils pourront ouvrir un cabinet libéral en tant que naturopathes, animer des stages et de cures de bien-être et de ressourcement. Il y a aussi des débouchés dans les entreprises, comme animateur d’ateliers de santé ou de gestion du stress ; dans l’accompagnement de sportifs ; dans le conseil en magasins de produits diététiques, en parapharmacies… Le « must » reste de former ceux qui sont déjà médecins, les autres professionnels travaillant en complément.
Les autorités sont de plus en plus regardantes vis-à-vis des médecines et remèdes naturels, étant donné leur expansion. Comment garantir à vos élèves qu’ils resteront dans la légalité ?
Actuellement les non-médecins ne doivent pas faire de diagnostic ou prescrire de médicaments. Mais ils peuvent orienter vers les plantes (148 sont libérées), les compléments alimentaires (450 plantes sont autorisées sous cette forme) et des dizaines d’huiles essentielles. Des remèdes naturels que l’on peut de toute façon acheter librement. Je considère, en tant que consommateur, qu’il vaut mieux être conseillé. Les naturopathes devraient aussi pouvoir exercer en toute tranquillité. Pour cela, un statut reconnu au niveau national sera nécessaire, au risque de perdre en liberté en ce qui concerne la formation… Cette approche doit être acceptée par les autres professionnels de santé et remboursée par les mutuelles.
Biographie du Dr Daniel Caroff
2002 MSBM de socio-anthropologie de la santé, université de Brest.
2008 Professeur de yoga de samara.
2010 Diplômé de médecine générale, université de Strasbourg.
2012 Formé à une technique d’ayurveda énergétique.
2012 Diplômé de pratique en constellations familiales.
2012 Initié au 6e degré de reiki Tao Tö Qi (technique de soins japonaise).
2012 Diplôme universitaire (DU) en phyto-aromathérapie, faculté de Besançon (Dr Morel).
2013 DIU et Capacité d’acupuncture, faculté de Strasbourg.
2013 Diplômé de l’Institut de médecine traditionnelle chinoise (IMTC).
2017 Formé en pharmacopée chinoise – ancien DU de la faculté de Montpellier (Pr Marié).
2018 Cofonde l’Académie de naturopathie essentielle (Anae).
Ses conseils pour préparer l’hiver
- Cure de raisin bio : de 3 à 7 jours, à raison de 1 à 2 kg de raisin bio par jour (chasselas ou muscat). Riche en fibres, en minéraux et en antioxydant (resvératrol), cette monodiète permet au corps d’éliminer les toxines en mettant le système digestif au repos. Les personnes qui ont un diabète, les femmes enceintes et les enfants prendront avant l’avis d’un médecin.
- Cure de pollen : une bonne cuillère à soupe le matin durant le mois de septembre (doses à adapter pour les enfants). Très riche en acides animés essentiels, en minéraux et vitamines ainsi qu’en différentes enzymes, cet aliment est immuno-stimulant. Le pollen frais surgelé garde le plus de vitamines. Il n’est pas allergisant, mais les personnes allergiques doivent l’utiliser avec précaution.
- En complément :
- L’échinacée (Echinacea purpurea) est LA plante du système immunitaire. À prendre tout l’hiver à raison de dix jours par mois dès septembre, sous forme d’extrait phytostandart par exemple.
- La vitamine D : privilégier une prise quotidienne (2 gouttes par jour) ou hebdomadaire (dix gouttes par semaine) de vitamine D d’origine végétale ou animale.