Jean-François Lyphout :
« Les agriculteurs ont tout
à gagner à se passer
du glyphosate »
Du 20 au 30 mars, les alternatives aux pesticides sont à l’honneur. Un rendez-vous marqué par une nouvelle étude montrant la nocivité du glyphosate. Jean-François Lyphout, maraîcher et horticulteur en Dordogne depuis trente-quatre ans, nous explique comment envisager l’après-glyphosate grâce aux biostimulants.
Plantes & Santé Vous êtes le président de l’Association pour la promotion des Préparations naturelles peu préoccupantes (ASPRO-PNPP). Où en est le développement de ce marché ?
Jean-François Lyphout Aujourd’hui, on dit aux agriculteurs d’arrêter d’utiliser des pesticides, mais on bloque l’usage des alternatives au glyphosate ! C’est vraiment très hypocrite. Le marché des alternatives naturelles se développe donc en parallèle de la loi. Et, alors qu’il y a de plus en plus de demandes de la part des consommateurs, des jardiniers, des supermarchés mais aussi des agriculteurs, la législation semble au point mort. L’amendement à la Loi agriculture et alimentation, qui prévoyait de simplifier la reconnaissance des PNPP en établissant d’emblée que « toute substance naturelle à usage biostimulant élaborée à partir des parties consommables des plantes utilisées en alimentation animale et humaine serait autorisée, conformément à l’avis du 10 octobre 2001 de la Commission d’étude de la toxicité [ancêtre de l’Anses, ndlr] », a été bloqué par le ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Travert, influencé par les lobbies. L’ASPRO-PNPP œuvre donc toujours pour la reconnaissance de ces alternatives naturelles, en se focalisant sur les produits tels que les purins de consoude, d’ortie et de prêle.
P&S Une solution pour remplacer le glyphosate existe-t-elle aujourd’hui ?
Non. L’idée n’est pas de remplacer une solution par une autre, mais d’apprendre à travailler autrement. Il faut recommencer à désherber, à utiliser des répulsifs (et non des tueurs d’insectes) comme l’ail et à fabriquer son purin d’ortie pour remettre de la vie dans les sols et stimuler la croissance de ses cultures. La consoude ou la prêle, elles, protègeront les plantations des champignons, et les tomates, du mildiou. Il existe aussi quelques produits tout prêts – comme le désherbant naturel Osmobio, développé par une société bretonne –, mais ceux-ci n’arrivent pas à obtenir d’autorisation de mise sur le marché, car ils dérangent tout le système commercial mis en place par les lobbies. Alors chacun se débrouille dans son coin, mais des choses se font. De grosses structures comme celles des cultivateurs de lin, à Dieppe, ou encore de grands cultivateurs de céréales et des vignerons ont déjà réussi à arrêter les pesticides. Cela prouve que c’est possible. Et puis les agriculteurs ont tout à gagner en utilisant des PNPP, que ce soit au plan économique ou au plan écologique. Ils regagnent en autonomie et en confiance auprès de leurs consommateurs et font des économies en cessant d’acheter tous ces intrants chimiques.
P&S Quelle est justement la position des agriculteurs dans ce débat ?
Si l’administration freine des quatre fers, sur le terrain, ça « pète » de partout : des maraîchers aux gros producteurs, tous n’en peuvent plus d’utiliser ce genre de produits dangereux et polluants. Ils demandent des alternatives. Mais cela fait des années que l’on bourre le crâne des agriculteurs en leur disant que le glyphosate est la seule option possible. Alors, bien sûr, ce n’est pas évident pour eux de faire machine arrière. Ils doivent réapprendre à cultiver leurs terres sans tous ces produits « magiques », et cela ne se fait pas du jour au lendemain. Pour autant, la mentalité des agriculteurs change, et c’est un premier pas en avant. Les consommateurs ont fait bouger les choses ; et nous aussi, en leur proposant de nombreuses formations. Maintenant, c’est à l’État d’avancer et de ne plus leur donner l’impression d’être des hors-la-loi alors qu’ils essaient juste de préserver la biodiversité.
P&S Un projet de décret relatif aux Substances naturelles à usage biostimulant et aux PNPP en contenant est actuellement soumis à la consultation publique par le ministère de l’Agriculture. Est-ce une bonne nouvelle ?
Nous avons bon espoir que les choses évoluent enfin – à condition qu’ils le fassent correctement. Si ce décret passe, un arrêté devrait autoriser l’usage des substances naturelles à usage biostimulant dès le mois de juin. Mais le risque que les lobbies de l’agrochimie mettent leur nez dedans est grand… On compte donc sur la mobilisation des gens de terrain pour leur faire comprendre que ça ne peut plus durer. Le message que nous voulons faire passer est que le potentiel des alternatives naturelles est grand, et que si l’on accompagne les agriculteurs, tout peut aller très vite.
Aller plus loin
- Pour participer à la consultation publique, ouverte jusqu’au 5 avril : https://agriculture.gouv.fr/
- Pour connaître les événements organisés près de chez vous dans le cadre de la Semaine pour les alternatives aux pesticides, du 20 au 30 mars : www.semaine-sans-pesticides.fr