André-Georges Haudricourt, le passe-muraille
À l’origine de l’ethnobotanique, André-Georges Haudricourt fut un chercheur atypique. Avec les plantes pour fil conducteur il ne cessa de jeter des ponts entre des disciplines aussi diverses que la linguistique, l’ethnoelogie, la technologie...
Et si c’était les autres êtres vivants qui avaient éduqué les hommes, si les chevaux leur avaient appris à courir, les grenouilles à nager, les plantes à patienter?» Ces mots d’André-Georges Haudricourt résument bien l’originalité de la démarche de celui qui a posé les bases de l’ethnobotanique, une science qui étudie les relations unissant les hommes aux plantes.
Né en janvier 1911 dans un petit village de Picardie, André-Georges Haudricourt fait ses études par correspondance dans la ferme familiale. Toutefois, après l’école d’agronomie, son insatiable curiosité doublée d’une capacité à embrasser des domaines divers avec une grande exigence va l’amener à suivre une carrière de chercheur, certes inclassable, mais hors du commun. En 1935, André-Georges Haudricourt décroche une bourse et part étudier à Léningrad (Saint-Pétersbourg), auprès de Nikolaï Vavilov. Ce dernier s’est spécialisé dans une nouvelle discipline, la génétique des plantes cultivées. Cette expérience russe lui permet de rédiger en 1943 «L’homme et les plantes cultivées » avec la collaboration de Louis Hédin. C’est dans ce livre qu’apparaît pour la première fois le terme « ethnobotanique ». Les deux agronomes, en utilisant la génétique et la linguistique, remontent le temps ; ils expliquent comment le blé serait issu du croisement de plusieurs espèces de graminées. Ils suivent le cheminement des plantes à partir de leur nom. Comment la papa en Bolivie (nom originel de la pomme de terre) devient tartufoli en Italie (mot évoquant la forme de son tubercule).
Entré au CNRS en 1939 à la section botanique, il passe en 1945 à la linguistique (il y terminera sa carrière). Et, en 1948, accepte un poste au Vietnam. De ce séjour de deux années découleront de nombreux travaux sur les langues d’Asie. Puis ce sont les relations que les hommes entretiennent avec les animaux, les techniques qui intéressent l’agronome picard. Il se passionne pour la charrue (il publiera un ouvrage de référence sur ce thème). Car, pour le chercheur, « n’importe quel objet, si vous l’étudiez correctement, toute la société vient avec ». C’est sans doute là que se situe sa marque de fabrique : faire le lien entre sciences humaines et sciences naturelles. Ce qui l’amène à conclure bon nombre de discussions par une sortie botanique ! Les chercheurs du laboratoire d’ethnobiologie et d’éco-anthropologie, qui a remplacé celui d’ethnobotanique, revendiquent toujours cette filiation.
Haudricourt en sept dates
1911 Naissance en Picardie.
1935-1936 Stage d’un an à l’Institut de production végétale de Léningrad.
1939 Entrée au CNRS, section botanique.
1943 Publication de «L’homme et les plantes cultivées ».
1948-1949 Bibliothécaire à l’École française d’Extrême- Orient, à Hanoi, Vietnam.
1962 Publication de «Domestication des animaux, culture des plantes et traitement d’autrui».
1996 Décès à Paris.
Héritage
Les jardins de Salagon
Il est un lieu où aujourd’hui cet intérêt porté aux relations des plantes avec les hommes se diffuse volontiers : c’est l’ethnopôle de Salagon, dans les Alpes- de-Haute-Provence. Jardins, expositions, conférences y sont proposées avec toujours en toile de fond l’histoire des liens entre l’homme et le végétal. Depuis 2001, plus de 1000 participants sont venus enrichir leurs connaissances au séminaire d’ethnobotanique, proposé notamment par Pierre Lieutaghi.