Initiez-vous aux teintures mères !
La teinture mère est « l’ancêtre » des techniques d’extraction, que l’on connaît aussi sous son ancien nom : l’alcoolat, adopté par la pharmacopée française (le codex) dès 1866. Remède 100 % naturel, elle renferme un concentré de tous les bienfaits des plantes. Apprenez à les préparer vous-même.
Ne riez pas ! Il y avait un temps où je ne connaissais rien aux plantes et pas grand-chose aux arbres. Comme beaucoup d’entre nous, j’ai été élevé en ville.
Mais comme mes parents m’emmenaient régulièrement au Jardin des plantes, j’ai développé une fascination secrète pour les végétaux. Je savais instinctivement qu’ils contenaient tous les remèdes possibles. Sauf qu’à cette époque, je n’avais pas vraiment besoin de les expérimenter…
Les choses ont bien changé, et il faut un début à tout. Je savais que la médecine naturelle, puissante, pouvait se révéler nocive si elle était mal employée. Était-ce par esprit d’aventure ou par entêtement, je voulais l’expérimenter moi-même avant d’aller voir un spécialiste.
Je me suis rendu compte de leur efficacité car j'ai testé un complexe que l'on m'avait conseillé pour traiter mes migraines chroniques. A base de Nigella Sativa, Romarin (Rosmarinus officinalis), menthe (mentha piperata) et de Rosa canina, mes crises se sont estompées comme par magie.
C’est aussi pour cela que j'ai voulu faire mes propres teintures mères
Et comme une mère guide son enfant, les teintures mères m’ont initié à la phytothérapie.
Pas un jeu d’enfants… ni de femmes enceintes !
Depuis une vingtaine d’années, de nouvelles techniques d’extractions des plantes ont vu le jour, telles que les EPS (extraits de plante standardisés) et les SIPF (suspension intégrale de plantes fraîches). Ces méthodes permettent de conserver le totum de la plante, c’est-à-dire l’entièreté de leurs vertus médicinales. Toutefois, il ne s’agit pas de remèdes à prendre à la légère.
Pour ma part, j’ai donc préféré commencer par la teinture mère, « l’ancêtre » de ces techniques d’extraction, que l’on connaît aussi sous son ancien nom, certes beaucoup moins vendeur : l’alcoolat, adopté par la pharmacopée française (le codex) dès 1866.
Les teintures mères existent pour toutes les plantes. C’est donc le remède que vous trouverez le plus facilement, que ce soit sur internet ou chez votre herboriste.
Chacune d’entre elles a un usage qui lui est propre : le ginseng permet de combattre la fatigue et le surmenage, la propolis lutte contre les infections… En somme, vous retrouverez directement les propriétés des plantes dont nous vous parlons régulièrement.
Prendre une cure de teinture mère revient à boire un tout petit peu d’alcool. Pas de quoi vous rendre ivre, mais pas de quoi non plus le laisser à la portée des enfants. De même, ces remèdes restent déconseillés aux femmes enceintes.
Étant en vacances, et disposant d’un jardin à disposition, je me suis donc lancé dans la préparation des teintures mères. Mais pas n’importe comment ! Je me suis pour cela aidé des techniques préconisées par Christophe Bernard, collaborateur de Plantes & Santé, herbaliste et grand spécialiste de ces questions.
Long et facile : la macération
Deux techniques existent pour fabriquer votre propre teinture mère : la macération, qui requiert en moyenne deux semaines d’attente, et la percolation, plus rapide, mais un peu plus complexe.
La macération s’effectue à partir de plantes sèches ou quasi fraîches. Si les sommités fleuries que vous avez cueillies sont encore fraîches, il faudra les faire sécher un petit peu, donc pas jusqu’à ce qu’elles craquellent sous vos doigts.
Certaines plantes s’accommodent mieux de la macération lorsqu’elles sont presque fraîches, et d’autres lorsqu’elles sont séchées. Gardez à l’esprit que la macération, comme la cuisine, l’alchimie ou même la chimie, requiert une bonne pratique, qui diffère selon les ingrédients. Vous ne cuisinez pas un quatre-quarts, n’espérez donc pas réussir parfaitement du premier coup.
Si la plante est sèche, de l’alcool à environ 40°-45° pourra suffire. Si la plante est quasi fraîche, optez plutôt pour du rhum à 55°. Une macération parfaite se fait en principe avec de l’alcool pur, mais vraisemblablement, pour des raisons de santé publique, l’alcool pur buvable est très cher en France : il s’agit d’alcool rectifié importé de Pologne. À l’étranger, il reste abordable, notamment en Italie, sous le nom de « purissimo ».
Vous l’aurez ensuite deviné, il faut laisser macérer les plantes, maintenues sous le niveau de l’alcool par un galet nettoyé ou par un bocal disposé à l’intérieur de votre bocal, un peu comme des poupées russes. Le procédé dure en principe quinze jours, mais il dépend des plantes, de leur capacité à se dissoudre et à garder leurs différentes vertus. Là aussi, c’est votre expérience qui finira par parler.
Enfin, une fois la macération terminée, il vous suffira de presser le marc afin de récolter la précieuse teinture mère. Si des débris persistent ou même des morceaux d’insectes, c’est tout à fait normal, il suffit de les retirer.
La percolation, plus facile qu’il n’y paraît
La percolation est une autre technique, un peu plus compliquée, mais qui en réalité ne présente pas de grandes difficultés, si vous suivez bien le protocole que je vous indique ci-dessous.
Étape 1 : fabriquez votre marc
- Prenez des plantes sèches, que vous broierez finement. Pour les sommités fleuries, pas de problème, mais pour certaines racines, comme celles de la prêle, je vous donne une astuce : utilisez un moulin à café
- Pour que la poudre devienne du marc, il faut l’humidifier à raison de deux tiers de volume d’alcool pour un volume de poudre. Par exemple, 300 g de poudre représentent l’équivalent de 400 ml ; il faut donc humidifier avec 260 ml d’alcool environ.
- Pour vérifier que votre marc a la bonne texture, prenez-en un peu dans votre main. S’il n’est pas assez humide, il ne se compactera pas et la boule prélevée s’effritera. S’il est trop humide, il rendra l’alcool comme une éponge : ce sera de la macération et non pas de la percolation. L’opération sera donc ratée. Si vous avez réussi, il faut ensuite le laisser reposer 24 heures.
Étape 2 : concevez votre filtre
- Pour vous fabriquer un filtre, prenez une bouteille de verre, à laquelle vous attacherez un fil de laine enduit d’alcool à brûler. Mettez le feu au fil, attendez qu’il se détache, puis plongez la bouteille dans un bac d’eau fraîche : elle se brisera avec netteté à l’endroit du fil. Poncez les rebords avec de la toile émeri pour éviter les coupures. Je vous recommande de vous munir de gants et de ne pas jouer avec le feu.
- Une fois votre entonnoir fabriqué avec la partie supérieure de la bouteille, remettez dessus le bouchon percé au préalable, et placez le tout sur un bocal.
- Dans l’entonnoir, mettez un filtre à café non blanchi, puis versez le marc à l’intérieur.
- Ensuite, découpez un cercle du diamètre de votre bouteille dans un autre filtre non blanchi, que vous placerez au-dessus du marc.
Je vous ai mis un petit schéma explicatif pour que vous vous représentiez le résultat final.
Étape 3 : réalisez la teinture mère
- Après avoir attendu une journée et préparé votre filtre, il vous faudra y verser de l’alcool à raison d’un demi-litre pour 100 grammes de votre poudre initiale. Faites en sorte que le niveau d’alcool reste entre 2 et 4 cm d’épaisseur au-dessus de votre filtre circulaire. Ce, afin que le marc ne se creuse pas, par trop de différence d’humidité. Le secret consiste à garder une certaine constance lors de ce processus.
- Une fois la totalité de l’alcool versé, votre teinture mère est prête. Ne vous avais-je pas dit que c’était facile ?
Et si vous voulez en apprendre plus sur les teintures mères, les décoctions et les remèdes à base de plantes, je vous conseille le livre de Christophe Bernard, « Les recettes secrètes de mon herbaliste ».
Vous n’avez donc plus d’excuses pour ne pas fabriquer vos remèdes vous-mêmes !