La barbe de maïs, une barbe douce !
Originaire d'Amérique du Sud, le maïs est une graminée aujourd'hui produite dans nombre de régions tempérées. En été, sa floraison donne des épis surplombés de stigmates à plumets. Ces derniers ressemblent à une barbe, ou à des cheveux selon votre imagination, et constituent l'un des meilleurs diurétiques naturels… malheureusement méconnu.
Pour moi, le maïs, c’est croqué dans l’épi grillé enduit d’un peu de beurre salé. Pour ma fille, c’est l’agrément qui lui fait avaler toutes sortes de salades. Quant à la barbe de maïs, nous la gardons pour… jouer ! À la fin d’un repas contenant du maïs, chacun et chacune couronne ses incisives de quelques grains pour dévoiler son sourire de monstre aux dents jaunes, la barbe de maïs coincée comme une moustache entre la bouche et le nez. N’importe quelle famille pourrait se reconnaître dans ces pratiques. Car comme en témoignent les nombreuses appellations du maïs – blé de Barbarie, blé d’Égypte, blé d’Espagne, de Guinée, d’Inde ou encore de Turquie –, on en trouve aujourd’hui dans le monde entier. Mais de sa barbe, que l’on trouve rarement dans les commerces, on ne fait pas grand débat. En dehors de quelques vendeurs sur les marchés locaux et des quelques herboristes qui la commercialisent, on en parle peu.
Plante sacrée des civilisations maya, aztèque et inca, le maïs arrive en Europe après la découverte du Nouveau Monde. On l’emploie comme fourrage, puis pour l’alimentation générale. Quid de sa barbe ? « Les populations indigènes du Mexique utilisaient traditionnellement les cabellos de elote, les cheveux des épis de maïs, en décoction ou en thé », explique l’ethnologue Martine Pédron. Ils en connaissaient les nombreuses propriétés médicinales, aussi bien antiseptiques que diurétiques, diminuant le taux de sucre dans le sang. »
Un sédatif des voies urinaires
Il est vrai que la barbe de maïs contient des flavonoïdes, des alcools triterpéniques, des stérols et des sitostérols, des acides glycoliques et des tanins, ainsi que des vitamines C et K et du potassium. Christophe Bernard, praticien en herboristerie, enseignant et auteur du Grand Manuel pour fabriquer ses remèdes naturels (éd Jouvence), confirme qu’il la conseille encore à ses clients : « La spécificité de cette plante ? Elle est à la fois diurétique et mucilagineuse. Elle exerce donc à la fois un effet adoucissant et un effet balai sur tout le système urinaire, ce qui la rend intéressante pour les cystites avec fortes sensations de brûlure. D’un point de vue pratique, elle...
possède un goût relativement neutre, légèrement sucré, permettant aussi les associations avec d’autres plantes. Bien sûr, il convient de consulter un médecin si la situation ne s’améliore pas rapidement ».
Cultivez votre maïs, coupez votre barbe
Le maïs pousse un peu partout, mais pas n’importe où ! Il aime le soleil mais aussi la terre humide. Si vous voulez tenter l’aventure dans votre jardin, choisissez le printemps pour ensemencer, quand vous êtes sur qu’il n’y aura plus de gel, dans un verger ou avec vos plantes aromatiques. Sur une terre bêchée, semez quelques graines de maïs dans un petit trou de 2 cm de profondeur environ, recouvrez, tassez. Espacez vos semis de 40 à 50 cm et disposez-les en quinconce. Arrosez régulièrement. En presque un mois, vous pourrez observer des épis pointer leur nez. Gardez un plant par semis, aérez la terre et faites de petites buttes autour des pieds restants pour favoriser leur tenue et leur enracinement. Ne récoltez pas les épis et leur barbe avant l’été, environ trois mois et demi après la plantation : les grains doivent être bien jaunes et juteux quand on les presse. La barbe fournie, d’aspect emmêlé, est alors prête pour la taille !
Marie-Antoinette Mulot, herboriste de renom aujourd’hui décédée, s’était quant à elle montrée encore plus précise dans ses observations : « La barbe de maïs triple à quadruple la sécrétion urinaire sur 24 heures et exerce un effet sédatif sur les voies urinaires et biliaires. Elle fluidifie la bile et facilite l’élimination des phosphates (…) et c’est un léger hypotenseur ». Dans sa Bible des plantes – Secrets d’une herboriste (éd. Dauphin), elle attribue également à la barbe de maïs une efficacité pour accompagner le traitement des colites néphrétiques, des troubles de la prostate et de la goutte, ainsi que des propriétés œstrogéniques agissant pour lutter contre les rhumatismes et différents maux liés à la ménopause (rétention d’eau, cellulite…).
Accessible, mais pas très sexy
Aujourd’hui, on ne la trouve pas dans toutes les herboristeries. Après enquête, je découvre que les barbes de maïs séchées disponibles en France proviennent majoritairement d’Europe de l’Est. Du fait d’une demande insuffisante, les producteurs de maïs français n’auraient pas investi le marché… C’est dommage de s’en priver, estime pourtant Christophe Bernard : « C’est une ressource intéressante du point de vue de la santé, efficace et relativement sans danger (sauf en cas d’insuffisance rénale), mais aussi d’un point de vue écologique puisqu’elle utilise des déchets. Si la barbe de maïs n’intéresse pas les grands commerces, c’est simplement qu’elle est peu connue, et peut-être pas assez sexy ». Je ne suis pas sûre, effectivement, que le projet de tisanes à la barbe séduise autant mes enfants que moi. Mais en cataplasmes sur les petits bobos, pourquoi pas… Un peu de barbe sur les jambes ne peut pas leur faire de mal !
Préparer sa barbe de maïs
Faire sécher de la barbe de maïs (bio) issue d’un épi est la manière la plus écologique de s’en procurer. Pour ce faire, placez vos filaments de barbe de maïs dans un linge en coton ou dans du sopalin, au sec et à l’abri de la lumière. Une fois durcis et cassants, vous pouvez les conserver dans un contenant hermétique, tels quels ou coupés en petits brins.
À boire…
La décoction diurétique : Mettre 1 poignée de barbe de maïs séchée (de 15 à 30 g en fonction de l’intensité du trouble) dans 1 litre d’eau portée à ébullition. Laisser frémir 10-15 minutes à couvert, puis 10 minutes hors du feu en retirant le couvercle. Filtrer la décoction une fois refroidie et la verser dans une bouteille en verre. Boire tout au long de la journée (3 à 6 tasses par jour) en cas d’infection urinaire, ou en prévention lors de cystites chroniques.
L’astuce de Christophe Bernard : En cas d’infection urinaire : porter à ébullition un mélange de 10 g de barbe de maïs, 10 g de bruyère (puissant antiseptique) et 10 g de busserole (antibactérienne) et consommer comme indiqué ci-dessus. Ces quantités sont données pour un adulte de 70 kg. Consulter en cas de symptômes prolongés ou aggravés.
La tisane contre le pipi au lit : Mélanger 1 c. à café de barbe de maïs séchée et 1 c. à café d’aigremoine dans une casserole d’eau bouillante, laisser infuser 15 minutes et filtrer. Vous pouvez ajouter 1 c. à café de miel d’acacia avant d’en faire boire une tasse à votre enfant, et l’inviter à passer aux toilettes avant le coucher. Idem en cas d’énurésie chez l’adulte.
En application
Le cataplasme : Mélanger 2 c. à café de poudre de barbe de maïs avec un peu d’eau, de manière à former une pâte. Appliquer ensuite sur des petites plaies, des hématomes… Laisser agir une dizaine de minutes et rincer. à tester aussi sur les hémorroïdes.
Le bain de pieds : Dans une bassine recouverte d’une serviette, faire infuser 30 g de barbe de maïs séchée dans 2 litres d’eau bouillante, retirer et une fois le mélange refroidi, faire tremper vos pieds jusqu’à apaisement des sensations de lourdeur et de douleur des cors et/ou durillons.