Châtaignes et marrons, des cadeaux de l'automne
L’automne est la saison mélancolique par excellence. Le froid et l’humidité s’installent, et l’envie de dormir se fait plus pressante. Mais elle peut être aussi une belle saison qui se prête aux promenades en forêt, à la cueillette des marrons. Ou des châtaignes…
Il y a souvent confusion. La crème de marrons, par exemple, est à la châtaigne ! Pourtant, nous appelons de la même manière les fruits du châtaignier et du marronnier : des marrons.
Le plus étrange, c’est que sans leur enveloppe – leur bogue –, il serait presque impossible de les distinguer. Alors qu’ils ne sont même pas de la même espèce !
La raison de cette confusion est que le vrai marron, le fruit du marronnier donc, n’a pas un goût aussi séduisant que la châtaigne, et qu’il ne peut être consommé aussi facilement. Et en retour, la châtaigne a un nom moins vendeur que le marron…
Pourtant, tous deux sont bons pour notre santé et méritent d’être glanés. La châtaigne pour ses vertus nutritives, et le marron pour ses excellentes propriétés médicinales.
La châtaigne, atout nutritif de l’automne
Le châtaignier est connu dans nos contrées depuis les Romains, qui en avaient compris les formidables qualités nutritionnelles. On l’appelait ainsi arbre à pain, car on peut le moudre en une farine très consistante, mais aussi arbre à saucisses, car on en nourrissait les cochons.
Ce sont donc ses qualités nutritives qui font de la châtaigne un atout pour notre santé. Si elle est si caractéristique de l’automne, c’est qu’elle arrive à maturité au mois de septembre et qu’elle se récolte jusqu’à mi-novembre pour les variétés les plus tardives.
Riche en manganèse et en cuivre, elle contient aussi dans des proportions conséquentes du phosphore, du fer et des vitamines B1, B2, B6, B9 et C.
Source de minéraux et d’oligoéléments – potassium, magnésium, phosphore, calcium, fer, manganèse, cuivre, zinc, sélénium –, elle est particulièrement recommandée pour la saison froide, afin de parer au stress et à la fatigue.
Et oui, la châtaigne est une pépite nutritionnelle !
Surtout, elle est riche en fibres douces et bien tolérées, même par les intestins les plus fragiles.
Parmi les acides gras qu’elle contient, il y a l’acide oléique, reconnu pour ses bienfaits sur la fonction cardiovasculaire et la glycémie. Quant à l’acide linoléique qu’elle renferme, il a des effets bénéfiques sur le taux de lipides sanguins.
La châtaigne est surtout réputée pour son apport énergétique, comparable à celui des céréales – 190 calories pour 100 g. Une fois séchée, elle fournit 370 calories pour 100 g, soit largement deux fois plus que des pâtes complètes ou quatre fois plus que des pommes de terre.
Bien sûr, cela représente beaucoup de calories. Mais la châtaigne a pour elle un fort pouvoir de satiété et une charge glycémique modérée. À ce titre aussi, elle est tout à fait bénéfique pour les sportifs, surtout pour accroître leur endurance.
Ne contenant pas de gluten, sa farine peut être consommée par tous ceux qui souffrent de maladie cœliaque ou qui le tolèrent mal.
Toutefois, ne croyez pas que la châtaigne n’a que des qualités nutritives. La célèbre sainte et mystique médiévale Hildegarde de Bingen la recommandait pour renforcer la sensibilité nerveuse et l’activité intellectuelle :
« Mais aussi l'homme dont le cerveau est vide et qui est donc faible de la tête, qu'il fasse bouillir les fruits de cet arbre dans de l'eau et qu'il les prenne souvent à jeun et après le repas, et son cerveau croît et est rempli, ses nerfs deviennent solides et les maux de tête disparaissent. »
Enfin, le petit plus de la châtaigne, c’est qu’elle lutte contre l’acidose. Notre alimentation est trop riche en sucre simples, raffinés et en protéines qui favorisent l’acidose tissulaire chronique. Celle-ci est responsable de nombreux troubles métaboliques : fatigue, migraine, constipation…
Pour y pallier, la châtaigne est fortement alcalinisante. En la consommant avec des fruits et des légumes, on accroît l’effet basifiant, ce qui permet de réguler l’équilibre acidobasique de notre organisme.
Le marron n’a rien d’Indien
Si l’on confond le marron, issu du marronnier d’Inde, avec la châtaigne, c’est que le mot marron désignait à l’origine une variété de châtaigne en Italien. Le mot viendrait, par le dialecte ligure, d’un vocable très ancien signifiant caillou.
Et en effet, le marronnier, si courant dans nos parcs aujourd’hui, est apparu en Europe bien après le châtaignier.
C’est vraisemblablement depuis Constantinople que Charles de l’Ecluse sema ses fruits à Vienne en 1575. Il arriva peu après en France, puis à Paris en 1615, par le sieur Bachelier. En 1870, 80% des arbres des avenues de la capitale étaient des marronniers.
Nous en avons même tiré une expression qui désigne des sujets traités par les journalistes aux mêmes périodes chaque année. Cela à cause d’un marronnier rose qui fleurissait chaque année aux Tuileries, sur la tombe des gardes suisses tués le 10 août 1792, et dont la presse parlait chaque année sans exception.
Pour les Anglais, il est connu comme « le châtaignier du cheval », horse-chestnut, puisque l’on donnait les marrons à manger aux chevaux. Ce dont témoigne également son nom scientifique, Aesculus hippocastanum. Il leur est même chaudement recommandé, puisqu’il soigne chez eux la toux et la pousse, une maladie pulmonaire obstructive dont vient l’adjectif « poussif ».
Mais en fait, le marronnier n’a rien d’Indien. Déjà présent dans nos contrées avant l’ère glaciaire, il s’était réfugié en Macédoine avant de revenir par chez nous.
Il était donc principalement un arbre d’ornement, mauvais pour la charpente, la menuiserie et le papier. Juste bon à fabriquer des piquets, des treillis, des cageots, mais aussi du savon et une colle imputrescible, tout de même.
Sous Napoléon, à cause de l’absence de quinquina due à l’embargo anglais, on a commencé à s’intéresser à ses vertus fébrifuges. D’autres qualités médicinales lui étaient pourtant déjà attribuées…
Du marron dans les veines
La théorie médiévale des signatures attribuait des vertus médicinales aux végétaux qui ressemblaient à certaines parties du corps. Régulièrement remise en question, voire raillée, il semble qu’elle se soit avérée exacte pour le marron. Les vertus circulatoires que l’on déduisait de son aspect veineux ont été prouvées par la suite.
Ainsi, l’escine qu’il contient raffermit les parois des vaisseaux sanguins, accroît leur élasticité, améliore la circulation du sang et le retour veineux, et empêche la stagnation du sang, cause des hémorroïdes et des varices.
Il est également anticoagulant, et doit donc être utilisé avec prudence si vous déjà êtes sous traitement.
Remède de premier ordre contre toutes les affections phlébotropes (qui concernent les veines), il est vasoconstricteur, diminue les œdèmes, les crampes et la tension des jambes. Et pour le traitement de l’insuffisance veineuse et des varices, son efficacité est similaire aux bas de contention !
Si vous avez des problèmes de cœur, il diminue l’hypertension, mais aussi atténue l’inflammation des vaisseaux sanguins et accroît la perméabilité des vaisseaux capillaires. Il est également utile pour remédier aux gonflements prostatiques.
Mais marron ne rime pas qu’avec circulation. Anti-inflammatoire, il atténue la douleur articulaire.
Evitez toutefois la cure de marrons en cas de grossesse, d’allaitement et chez l’enfant.
Surtout, ne mangez pas de marrons crus ! Toutes les parties sont toxiques et ils doivent impérativement être bouillis. Le mieux est d’en prendre sous forme déjà conditionnée et purifiée. Il est également efficace sous forme de macérat de bourgeon.
Néanmoins, évitez d’en prendre en même temps que d’autres anticoagulants ou de médicaments contenant des salicylates. Les doses trop fortes sont à éviter.
Des remèdes maison
Vous revenez de votre balade dans les bois, avec un bambin tout content de son panier de marrons. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas en profiter et se concocter quelques remèdes ?
Vous pouvez vous fabriquer une alcoolature : faites-les macérer tant qu’ils sont frais (dans les 10 jours qui suivent la cueillette), râpés entiers avec leur peau, dans leur poids d’alcool à 90°. 10 gouttes avant le déjeuner et le dîner, pendant les jours de la semaine, constituent un remède efficace contre les hémorroïdes et les varices.
Mais surtout, comme nous le conseille Pierre Lieutaghi, ethnobotaniste et écrivain français, vous pourrez vous en faire une crème qui vous soulagera aussi bien les jambes que le reste. Il suffit pour cela de mélanger votre préparation à de la lanoline, à raison d’un quart d’alcoolature pour trois quarts de crème.
Cette authentique crème de marrons sera efficace contre les hémorroïdes et les varices, elle sera aussi tout à fait appréciable contre les œdèmes, le gonflement de l’arthrite, les contusions, les entorses, la névralgie, et dans un souci plus esthétique, pour diminuer la cellulite !
Et si vous retrouviez confort et vitalité cet automne ?