Pas de compromis avec la tomate
Allez-vous déguster des tomates savoureuses et riches en nutriments cet été ? Sûrement si vous savez faire les bons choix. Anciennes ou hybrides, apprenez à détecter celles qui seront les plus utiles à votre santé.
Les tomates (Solanum lycopersicum L.) brillent de mille feux dans nos assiettes estivales. Il faut dire que ces stars égayent nos plats, chauds ou froids. Pas étonnant que la tomate soit le deuxième légume le plus consommé au monde. Depuis le XVIIe siècle, elles ont voyagé, nos tomates. Originaire du Pérou, l’espèce sauvage s’est dispersée dans le monde au cours de trois grandes domestications. La première a eu lieu au Mexique avec les Aztèques, puis dans le sud de l’Europe, sous l’impulsion des conquistadors. Après un voyage en Europe, le président Jefferson en tombe amoureux et l’exporte aux États-Unis. Une propagation qui explique qu’au XIXe siècle, les espèces et variétés de tomates se soient démultipliées au gré des hybridations naturelles, des abeilles et des jardiniers qui s’amusaient à faire des croisements. À l’époque, on en recensait plus de 15 000 variétés.
Aujourd’hui, la plupart ont disparu. Et pourtant… « Avec des semences de variétés rustiques (ou tomates anciennes), on peut récupérer les graines de tomate pour les faire pousser l’année suivante et même faire nos sélections comme les jardiniers d’antan, précise Arnaud Darsonval, cogérant de la ferme de Sainte Marthe, un semencier artisanal. Il suffit de placer deux variétés proches les unes des autres et de laisser la fécondation naturelle s’effectuer. »
Ce n’est pas le cas avec les tomates hybrides F1 (des hybrides de première génération), dont il faut systématiquement racheter les graines d’une année sur l’autre et qui constituent le gros des tomates vendues aujourd’hui. Ces hybridations permettent d’obtenir des tomates clones, de même calibre, antichoc, qui arrivent à maturité en même temps et qui se conservent une semaine dans le réfrigérateur ou dans la chambre froide du revendeur. Des tomates de « compétition » qui cherchent à plaire aussi bien aux producteurs qu’aux consommateurs.
Fini les tomates hors saison
Même en bio, il est d’ailleurs possible de trouver des tomates hybrides nutritives. Dans ce cas, elles ont été cultivées en terre et selon les principes de la culture biologique. Hors saison, elles auront toutefois disparu des rayons. Depuis, le 11 juillet 2019, le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) a interdit leur culture en serres chauffées en hiver pour des raisons écologiques autant qu’éthiques.
Les tomates que vous trouverez en hiver et au printemps seront donc des hybrides conventionnels qui ont de grandes chances d’avoir poussé hors sol, c’est-à-dire sans terre. Pour nourrir leurs plants, les producteurs utilisent alors des substrats, un mélange de nutriments et d’engrais chimiques. Elles ont souvent perdu leur goût. Mais pas uniquement… Elles auraient aussi été vidées d’une partie de leurs propriétés nutritionnelles. Dans l’enquête de Cash Investigation intitulée « Multinationales : hold-up sur nos fruits et légumes », les tables nutritionnelles des tomates F1 sont comparées avec celles des tomates des tables de 1960. Ainsi, la culture des tomates hors sol aurait...
entraîné une baisse de trois quarts de la vitamine C, plus de la moitié du lycopène et des polyphénols, deux tiers de calcium et un tiers de magnésium. Toutefois, il y a débat et les experts ne sont pas d’accord sur le niveau plus ou moins important de ces pertes.
Mieux vaut donc manger des tomates bio en été. Notre organisme y trouvera son compte, car une étude, datant de 2014, a montré que les tomates biologiques étaient 20 % plus riches en lycopène, 30 % en vitamine C, 24 % en polyphénols et 21 % en flavonoïdes. Elles présentaient d’autre part une activité antioxydante bien supérieure. Cette étude s’est aussi penchée sur la localisation de ces nutriments. Dans les tomates conventionnelles, le lycopène est concentré dans la chair alors que la peau du légume bio renferme plus de ces composés actifs. Une analyse sensorielle a aussi mis en avant une saveur plus prononcée, les caroténoïdes jouant un rôle dans le parfum de la tomate. Il serait dommage de se passer du lycopène, le polyphénol vedette de ce légume fruit qui a la capacité d’inhiber l’adénosine désaminase qui joue un rôle dans le développement d’une tumeur. Mais pas seulement… Car la tomate renferme aussi d’autres composés actifs, dont des caroténoïdes : la néoxanthine, la lutéine, l’alpha-cryptoxanthine, l’alpha-carotène et plusieurs bêta-carotènes. Une fine équipe d’antioxydants qui entrent en synergie et qui expliquent l’intérêt de la consommation de tomates dans la prévention de troubles métaboliques (obésité, hyperglycémie, hypercholestérolémie, troubles cardio-vasculaires ou cancers, dont celui de la prostate).
Et si vous préférez les tomates anciennes, on en trouve peu de véritables sauf dans les magasins bio. La suprématie des hybrides a appauvri le Catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France, qui regroupent les espèces de fruits et légumes commercialisables. « Actuellement, on recense environ dix variétés pour chaque espèce de tomate commercialisée, explique Jean-Luc Brault, fondateur de Graines del Païs. Cela laisse peu de choix aux producteurs comme aux consommateurs ». Quelques variétés rustiques sont toujours inscrites au catalogue : la Cornue des Andes, la tomate Ananas, la Noire de Crimée, l’Orange Bourgoin, la Cœur de bœuf… Autre solution pour déguster des variétés rustiques : planter ses propres tomates anciennes. Et là, le choix est bien plus vaste chez les semenciers artisanaux.
À chaque variété, sa recette
Et si on variait les tomates selon la façon dont on les cuisine ? Voici les conseils de Jean-Luc Brault de Graines del Païs :
- En salade, il vaut mieux miser sur celles qui ont le plus de saveur. On ne risque pas d’être déçu avec une tomate Ananas, une Rose de Berne, une Tigerella bicolore ou encore une Noire de Crimée. Même avec un simple filet d’huile d’olive, elles seront goûteuses.
- Pour faire un coulis ou une sauce tomate, on opte pour celles qui rendent peu d’eau comme la Cornue des Andes ou la Jersey Devil.
- Si on veut faire des tomates farcies, on préfère la large Cœur de bœuf ou la Grégory Altaï.
- Des confitures ou un chutney ? Pas d’hésitation, ce sont les vertes qu’il faut choisir comme la Green Zebra.
- À faire sécher pour cet hiver, la San Marzano.
Tarte simplissime à la tomate
Pour 4 personnes :
Ingrédients : 2 barquettes de tomates cerises jaunes • 2 barquettes de tomates cerises rouges • 1 pâte feuilletée • 4 c. à soupe de moutarde à l’ancienne • Basilic • Huile d’olive • Sel, poivre du moulin.
- Couper les tomates cerises en rondelles.
- Détailler des disques de pâte feuilletée avec un emporte-pièce pour former des fonds de tartelettes individuelles.
- Les badigeonner avec de la moutarde à l’ancienne.
- Disposer harmonieusement par-dessus les tomates cerises rouges et jaunes. Saler et poivrer.
- Faire cuire les tartelettes au four préchauffé à 180 °C pendant vingt minutes environ.
- Ajouter les feuilles de basilic et un filet d’huile d’olive à la sortie du four.
Suggestion :
Testez cette recette avec vos variétés favorites, en optant s’il s’agit de tomates de plus grosse taille pour un fond de tarte de grande taille.
Recette extraite du livre Tomate, de Christophe Adam, éd. de la Martinière.
Prenons de la graine de biodiversité
Chez les artisans semenciers, on peut trouver toutes sortes de graines de tomates à faire pousser dans son jardin : 130 variétés à la Ferme de Sainte Marthe, dont 50 ont plus de cinquante ans et sont considérées comme anciennes ; près de 100 variétés, une vingtaine de tomates cerises et une vingtaine de tomates à suspendre sont proposées aux Graines del Païs. L’association Kokopelli, qui se consacre à la production de semences affiche de son côté un catalogue de 580 tomates et des sachets de multigraines. On l’aura compris, certaines variétés de graines de tomate sont inscrites au catalogue officiel, d’autres pas. Et si les ventes de ces graines sont aujourd’hui tolérées, c’est parce que chacun des artisans semenciers a constitué une banque. Un conservatoire du vivant dans lequel les grands semenciers pourraient bien puiser pour commercialiser demain de nouvelles tomates marketing hybrides.
Attention aux contrefaçons
Il existe aujourd’hui des tomates rustiques hybrides qui ne sont que de pâles imitations de tomates anciennes. Pour éviter toute tromperie, le réseau Biocoop a voté, depuis 2016, l’interdiction des hybrides imitant les variétés anciennes et travaille avec le réseau Semences paysannes pour aider les producteurs partenaires à les replanter. Pour être sûr de ce que vous achetez, recherchez ces indices :
- Le nom de la variété ancienne doit être inscrit sur l’étiquette.
- Les rustiques sont moins calibrées que les variétés F1 qui se ressemblent toutes. Elles ont donc des tailles et des détails différents.
- Les anciennes sont souples au toucher, leur peau étant moins dure et leur chair moins dense.
- Elles se conservent moins longtemps (dans les vingt-quatre à quarante-huit heures).
- Les prix sont 30 à 50 % plus élevés.
Clafoutis à la tomate
Pour 4 personnes :
Ingrédients : 400 g de tomates cerises confites • 200 g d’œufs (4 œufs) • 27 cl de crème fraîche épaisse • 80 g de sucre semoule • 15 g de sucre vanillé.
Pour confire les tomates : 1 gousse de vanille • 4 c. à soupe d’huile d’olive • 3 c. à soupe de cassonade.
- Préchauffer le four à 150 °C. Fendre la gousse de vanille et gratter les graines à l’aide d’un couteau. Mélanger les graines de vanille avec l’huile d’olive.
- Déposer les tomates (si possible émondées) sur une plaque de cuisson recouverte de papier sulfurisé, arroser à l’huile à la vanille et saupoudrer de sucre cassonade.
- Enfourner pendant une heure environ.
- Augmenter la température du four à 200 °C. Disposer les tomates confites dans le fond d’un plat à gratin.
- Dans un saladier, mélanger la crème, les œufs et les deux sucres. Verser le tout dans le moule à hauteur.
- Faire cuire au four pendant trente minutes.
Recette extraite du livre Tomate, de Christophe Adam, éd. de la Martinière.