Pourquoi cuisiner les légumes feuilles au printemps ?
Profitons du printemps pour végétaliser nos assiettes en dégustant les légumes feuilles qui s'épanouissent dans les jardins potagers, mais aussi dans les prés et la nature. Très alcalinisants, riches en minéraux, et parfois détoxifiants, ils sont faciles à cuisiner et sont riches en fibres et en protéines.
Si vous avez envie de verdure en ce début de printemps, c'est plutôt une bonne nouvelle, car les légumes feuilles, dont la partie consommée correspond à la feuille de la plante, ne demandent qu'à être cueillis et cuisinés ! Cresson, feuille d'épinard, mâche, chou chinois, bette, oseille : que de verdure qui peut être dégustée crue comme cuite. Certains de ces légumes poussent aussi bien dans nos jardins que dans nos prairies comme l'oseille, le pissenlit, l'égopode, le plantain lancéolé ou le chénopode blanc.
La récolte de ces légumes à feuilles vertes ne date pas d'hier. Leur consommation représentait une part très importante de l'alimentation de nos aïeux et certains de ces végétaux étaient même considérés comme des plantes médicinales. Au temps des Grecs, Hippocrate employait, par exemple, le cresson comme plante expectorante, qu'il mélangeait avec de l'hysope, de la moutarde et du miel pour le traitement des pneumonies. Au Moyen Âge, c'est pour soigner la jaunisse, les affections stomacales ou les maladies de la rate qu'on utilise ce légume feuille.
Zoom sur les acides
Certains légumes à feuilles vertes comme l'oseille ou les épinards sont riches en acide oxalique (ou oxalates). On a longtemps accusé cet acide d'être responsable de la formation de calculs rénaux s'il est consommé en grande quantité, cependant de nombreuses études scientifiques démontrent que les végétariens ont moins de chance de développer des calculs rénaux que les personnes qui consomment de la viande. Tous les légumes feuilles sont aussi riches en acide folique ( vitamine B9 ou folates). Lors d'une grossesse, une déficience en folates peut entraîner de graves handicaps pour le bébé. Le docteur Michael Greger dans son ouvrage Comment ne pas mourir recommande la consommation de 250 grammes de légumes verts crus (60 grammes cuits) par jour et par adulte, afin de soutenir sa santé.
L'ortie, quant à elle, était considérée comme un remède prodigieux par les Romains ou par les Grecs pour soigner l'arthrite, la tuberculose, la toux et même pour stimuler la repousse des cheveux. La religieuse bénédictine allemande sainte Hildegarde de...
Bingen nous révèle au XIIe siècle, dans un de ses ouvrages, que l'ortie consommée cuite purifie l'estomac. Au Moyen Âge, on servait un potage agrémenté de côtes de bettes et de poireaux, appelé « porée ».
En 1777, le général américain George Washington ordonna à ses troupes de se nourrir avec les pousses sauvages qui poussaient aux abords des camps, jugeant ces légumes feuilles extrêmement favorables à la santé. Plus récemment, le biologiste George Oxley nous rappelle dans son livre La fleur au fusil que les centenaires des îles d'Okinawa ou de Crète se nourrissent tous les jours de plantes sauvages récoltées tout au long de l'année.
Des concentrés de vitamine C, de chlorophylle et de calcium
Les légumes feuilles tels que le cresson, la bette, l'ortie ou le chénopode blanc possèdent un atout majeur : ils sont riches en vitamine C, celle que l'on surnomme « la vitamine antifatigue ». Puissante antioxydante, cette vitamine stimule nos défenses immunitaires. Elle permet de diminuer le taux de mauvais cholestérol en le convertissant en acide biliaire, donc sa consommation protège notre cœur. La vitamine C vient aussi stimuler la cicatrisation, c'est un agent essentiel pour la fabrication du collagène. Enfin, elle favorise l'assimilation du fer et du calcium des aliments. Sachez que l'ortie renferme sept fois plus de vitamine C que l'orange. La chlorophylle, contenue dans les feuilles des végétaux, possède une structure analogue à celle de l'hémoglobine dans le sang d'où son surnom de « sang vert ». En dégustant des salades de cresson, de pissenlit, d'épinards frais, de mâche ou de chénopode blanc et en limitant en parallèle les produits raffinés et acidifiants, vous allez permettre à votre corps de se détoxifier en douceur. Ce pigment végétal issu du processus de la photosynthèse possède des vertus purifiantes, antioxydantes, anti-inflammatoires et cicatrisantes (il stimule la production de globules rouges). Il permet aussi le transport de l'oxygène dans le sang et rétablit l'équilibre acido-basique en influant sur le pH. Mais, plus important, il a des effets positifs sur notre flore intestinale, sa consommation régulière est donc liée de façon intrinsèque au bon fonctionnement de notre système immunitaire.
Enfin, une portion de 100 grammes de pissenlit ou d'ortie renferme autant de calcium qu'une portion de fromage ! Et comparé à ce dernier, un légume à feuilles vertes ne sera pas acidifiant pour le corps, bien au contraire (lire notre article dans le n° 221 de Plantes & Santé). Tous les légumes feuilles sont basifiants pour l'organisme et devraient figurer, comme dans les menus crétois, dans nos plats pour soutenir la santé de nos os et de nos hormones.
Des protéines végétales plus riches que les protéines animales
Les plantes spontanées et les légumes à feuilles vertes que l'on retrouve dans son environnement contiennent aussi des protéines. Ces dernières sont d'ailleurs parfaitement équilibrées en acides aminés. Les travaux du professeur Claude Costes (en 1980) de l'Institut national agronomique ont démontré que les parties vertes des végétaux contiennent des protéines foliaires, composées des huit acides aminés essentiels dans des proportions à peu près semblables. Ces études remettent en question l'axiome concernant la supériorité des protéines animales. Contrairement à la viande, les protéines végétales sont en effet de véritables « pilules naturelles multivitaminées » et ne contiennent pas de graisses saturées, dont l'excès est dangereux pour la santé. En poids frais, l'ortie est la championne de la catégorie (9 % de protéines), suivie du chénopode blanc (4,5 %). Les protéines végétales issues des légumes à feuilles vertes peuvent donc assurer notre survie. C'est pourquoi notre consommation de protéines foliaires, à travers les temps, a toujours été importante et a permis le maintien de notre espèce, même en période de guerre ou de disette.Dans nos jardins, dans les champs cultivés ou le long des chemins de campagne poussent donc des « superaliments », ces légumes feuilles que l'on peut déguster facilement. Ils sont aussi présents, au fil des saisons, sur les étals des producteurs locaux. Plus d'excuses donc pour cuisiner tout en vert et faire le plein de micro et macronutriments de qualité !
Avec quels autres légumes ?
Crus, on peut déguster les légumes feuilles en salade avec quelques oléagineux concassés (noix, amandes), des fruits secs émincés (figues, abricots, pruneaux) accompagnés d'une sauce vinaigrette au miel et au vinaigre balsamique. Pour casser leur légère amertume, on peut aussi les déguster à l'indienne avec du lait de coco et du curry ou les associer avec un oléagineux (amandes, graines de tournesol) pour les mixer en une tartinade. Dans une soupe, ajoutez-leur une ou deux pommes de terre comme liant et pour plus d'onctuosité. Un grand nombre de nutriments liposolubles présents dans les feuilles vertes seront mieux assimilés s'ils sont mélangés avec une cuillère à soupe de bon gras. Pensez donc à associer le cresson ou les épinards avec de l'avocat ou une huile végétale de bonne qualité. Enfin, miser sur un peu de jus de citron pour remplacer le sel. La vitamine C qu'il contient permettra de mieux assimiler le fer présent dans les végétaux.