Le goût acidulé de l'oxalis
Cette petite plante passe souvent inaperçue, d’autant qu’on la prend facilement pour un trèfle. Pourtant l'oxalis ne manque pas d’intérêt, esthétique comme gustatif. Encore un cadeau de la nature à goûter.
Comme tout le monde, je me suis laissé avoir par l’oxalis. Avec ses trois folioles joliment découpées en forme de cœur, la plante mime parfaitement le trèfle. Mais lorsque j’en portai une feuille à la bouche, la vive sensation d’acidité que je ressentis me surprit – un peu comme une décharge électrique. Cette caractéristique est mise en évidence dans le nom allemand de la plante, Sauerklee, trèfle acide. Les hellénistes distingués le savent aussi : oxalis vient du grec ancien oxus, qui signifie « acide ».
A la table des chefs
Une fois accoutumé à cette saveur inattendue, je me suis vite rendu compte des possibilités que m’offrait ce joli végétal. J’en parsemai mes salades – plus besoin de vinaigre – et j’en préparai des boissons rafraîchissantes, style limonade. Je découvris qu’en le mixant avec un agent de texture tel du yaourt ou du tofu soyeux, j’obtenais des sauces délicieuses, d’un joli vert amande, parfaites avec les poissons blancs, voire le saumon. Mais c’est mon ami, le chef étoilé Marc Veyrat, avec qui je travaillai de nombreuses années sur les plantes sauvages dans la gastronomie, qui me fit découvrir le potentiel de l’oxalis avec son œuf mollet dans lequel il injectait, à l’aide d’une seringue, une crème d’oxalis délicate et puissante.
Nuances aromatiques subtiles
Mais, me direz-vous, pourquoi s’embêter à récolter ces petites feuilles des bois plutôt que de cueillir celles de l’oseille des prés, nettement plus rentables vu leurs tailles relatives. C’est que l’acidité de l’oxalis est beaucoup plus fine que celle de l’oseille, toujours marquée d’astringence du fait de sa teneur en tanins. Son goût évoque la pomme verte, avec des nuances aromatiques que n’a pas l’oseille. De ce fait, je...
ne l’utilise que crue : il serait dommage de la faire cuire, je trouve. En revanche, pour la soupe, l’oseille est parfaite.
A consommer en petites quantités
C’est l’acide oxalique qui donne son acidité spécifique à l’oxalis, comme d’ailleurs à l’oseille – ou plus précisément les ions oxalates acides. Chez d’autres plantes, les oxalates ne sont pas sous forme acide et on ne les sent pas : c’est le cas chez les chénopodes, les épinards, les blettes, les amarantes… Ces molécules, en excès, posent quelques problèmes de santé. Les oxalates solubles précipitent avec le calcium pour donner de l’oxalate de calcium. Si la réaction se produit dans l’organisme, ces précipités peuvent s’accumuler dans les reins ou les articulations. Aussi faut-il éviter d’abuser de ces légumes, ou les cuire à l’eau au préalable pour éliminer les substances potentiellement nocives. Avec l’oxalis, dont on ne consommera guère que de petites quantités, le problème, a priori, ne se pose pas – sauf en cas d’allergie éventuelle.
Des espèces à fleurs violacées
Outre l’oxalis des bois, que je rencontre en montagne, je cueille également les « mauvaises herbes » qui viennent spontanément dans les jardins ou les terres incultes. Leurs fleurs sont jaunes, contrairement à celles de l’oxalis des bois, qui sont blanches et veinées de rose. D’autres espèces à fleurs violacées sont cultivées pour l’ornementation. Dans les Andes, on cultive l’oca, un tubercule à racine charnue (Oxalis crenata) qui se consomme comme les pommes de terre. Les fleurs des oxalis décorent joliment les plats et y apportent une délicate touche acidulée. Les jeunes fruits, tendres et acides, peuvent être utilisés à la manière des cornichons.
Herbier
L’oxalis des bois (Oxalis acetosella) est une petite plante vivace de 5 à 8 cm, dépourvue de tige, de saveur acide. Elle naît d’une souche grêle, rampante, couverte d’écailles charnues, imbriquées, velues. Ses feuilles, réunies à la base, sont munies d’un long pétiole. Elles sont composées de trois lobes en cœur renversé, échancrés au sommet, entiers, couverts de poils mous. Les fleurs, assez grandes, ont cinq pétales blancs veinés de rose. La floraison a lieu d’avril à mai. Les fruits sont des capsules ovales, glabres. La plante apprécie les bois et les lieux ombragés, surtout sur terrain siliceux. On la rencontre souvent dans les plantations d’épicéas. Elle est commune dans presque toute l’Europe. Les Oxalis corniculata et les Oxalis fontana sont communes dans les jardins et les lieux incultes de nos régions. L’Oxalis pes-caprae, originaire d’Afrique du Sud, couvre les vergers et d’autres cultures en Europe méditerranéenne.
Recette sauvage
Omble chevalier fumé sauce à l’oxalis
Ingrédients
- 200 g de tofu soyeux
- 200 g de feuilles d’oxalis pour la sauce et quelques feuilles pour la décoration
- sel
- 4 c. à soupe d’huile de colza
- échalote
- 4 filets d’omble chevalier fumé
- Mettre dans un récipient profond le tofu soyeux, l’oxalis, le sel et l’huile de colza.
- Mixer longuement jusqu’à ce que le mélange soit bien homogène.
- Disposer le poisson dans le plat de service, napper de sauce, parsemer d’échalote très finement hachée et décorer de quelques feuilles d’oxalis.
Note L’omble chevalier est un poisson de lac. Il peut être remplacé par la féra. Éventuellement par le classique saumon à condition qu’il ait été bien élevé ! La sauce est excellente aussi avec de jeunes pousses d’épicéas à la place de l’oxalis.