Moins d'additifs dans le bio, mais restons vigilants !
Présents dans les produits alimentaires, les additifs sont-ils vraiment utiles ? Une question qui se pose alors qu'on découvre l'impact de ces substances sur notre santé. L'alimentation bio, qui supprime bon nombre d'additifs, évite-t-elle ces effets ? Pas encore suffisamment.
Aujourd'hui 338 additifs sont autorisés en France, dont 51 en alimentation biologique. La plupart sont identifiés par la lettre E suivie d'un nombre : de E 100 à E 199 pour les colorants, par exemple. En alimentation générale, leur liste exhaustive comprend : colorants, exhausteurs de goût, agents de texture (émulsifiants, antiagglomérants, moussants, antimoussants…), édulcorants, conservateurs, antioxydants…
« Le problème, c'est qu'on sait assez peu de choses sur leur effet sur l'organisme humain, certains additifs ayant été trop peu étudiés. Des études in vitro ou sur l'animal nous alertent malgré tout sur la dangerosité de certains d'entre eux. Au total, 91 additifs posent problème dans l'alimentation générale contre 7 additifs dans le bio », souligne Anne-Laure Denans, docteure en pharmacie, nutritionniste et co-auteure du Nouveau guide des additifs, chez Thierry Souccar éditions.
Si les problèmes sont moindres dans l'alimentation bio, c'est parce que les cahiers des charges de ces produits éliminent les ingrédients synthétiques. Donc, moins de mauvaises surprises ! Parlons des colorants qui défraient la chronique depuis les années 1970. À l'exception de trois colorants naturels, le charbon de bois noir, les caroténoïdes de végétaux (carotte ou patate douce) et le carbonate de calcium blanc (de la craie), vous n'en trouverez pas d'autre dans les produits bio et sûrement pas de colorants azoïques. D'ailleurs, suite à la publication dans The Lancet de l'étude Mac Cann, les fabricants ont l'obligation de préciser que ces derniers peuvent avoir : « des effets indésirables sur l'activité et l'attention des enfants », note Anne-Laure Denans. On ne trouvera pas non plus d'exhausteurs de goût comme le glutamate, considéré comme un agent allergique ou un neurotoxique potentiel depuis de nombreuses années.
La première grande étude épidémiologique sur les additifs
En matière d'additifs, des doses journalières admissibles sont fixées par les comités d'experts pour chaque substance. Mais, il ne faut pas oublier que ces substances pourraient interagir (l'effet cocktail), certains produits comptabilisant jusqu'à 10 additifs. À l'Inserm, des recherches ont été menées sur les 50 additifs les plus présents avec, en top 3, l'acide citrique, les lécithines et les amidons modifiés. Les recherches portaient aussi sur les additifs suspectés d'avoir des...
effets sur la santé comme les nitrites, nitrates, carraghénanes, glutamate et certains colorants. « Nous étudions désormais les liens entre la consommation de ces additifs et l'apparition à long terme de maladies dans le cadre de l'étude épidémiologique Nutrinet Santé », résume le docteur Mathilde Touvier, directrice de recherche à l'Inserm, l'Inrae et l'Université Sorbonne-Paris-Nord. Cette première étude épidémiologique sur l'homme confortera-t-elle les suspicions des études sur l'animal ? En attendant ces premiers résultats, les chercheurs ont constaté que les consommateurs bio et ceux qui cuisinent des produits bruts sont aussi ceux qui mangent le moins d'additifs.
Les phosphates prohibés en bio
Autre bonne nouvelle, du côté des conservateurs : outre le phosphate de calcium, tous les autres phosphates sont prohibés. La vitamine E (tocophérol) est l'un des rares conservateurs autorisés en bio.
Quant aux édulcorants intenses dont l'aspartame, ils n'ont pas leur place en alimentation bio. Après avoir longtemps tergiversé, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail) reconnaît désormais que les édulcorants intenses n'apportent pas d'intérêt à l'alimentation humaine. Les glycosides de stevia, derniers arrivés sur le marché, ont même été refusés par le comité d'experts qui statuait sur leur utilisation comme additifs en bio.
Quid des agents de texture (épaississants, émulsifiants, gélifiants…) qui modifient l'aspect des préparations culinaires ? Beaucoup ont été retirés de l'alimentation AB (agriculture biologique). Exit les amidons modifiés dont la consommation répétée peut agir sur les os, les systèmes cardiovasculaire et rénal, la glycémie et favoriser les cancers. Cependant, la lécithine de soja, un émulsifiant issu de culture sans OGM, peut être employée dans les produits de boulangerie bio bien qu'on s'interroge sur leur impact sur la barrière intestinale. « Cet additif ne semble pas être problématique, ajoute Anne-Laure Denans. Moins que les carraghénanes, des épaississants issus de l'algue rouge, présents dans des centaines de produits y compris les bios. Leurs risques ? Ils se transforment en polegeenans, des molécules cancérigènes. » Les fabricants bios leur préfèrent les alginates ou l'agar-agar. Un changement salutaire que l'on peut vérifier en consultant les étiquettes.
Comment sont autorisés les additifs ?
En Europe, c'est l'European Food Safety Authority qui charge des comités d'experts dans chacun des pays européens d'évaluer ou de réévaluer les additifs, qu'ils soient introduits dans l'alimentation bio ou générale. Ces experts vérifient leur niveau de toxicité en consultant les études déjà existantes, in vitro, sur l'animal ou sur l'homme, ce qui est bien plus rare. Ces comités fixent les doses maximales journalières de consommation quotidienne. On attend d'ailleurs prochainement le résultat d'une réévaluation de ces doses à partir des dernières données examinées.
Sulfites et nitrites en question
Deuxième famille qui soulève une question dans le bio : les sulfites (dioxyde de soufre et meta bisulfite de potassium). Ces conservateurs entrent ainsi dans la fabrication du vin, des fruits secs et des crustacés. « Dans le vin, ces antioxydants purifient le milieu. Pour ne pas les utiliser, il faut avoir un raisin sain, une taille des vignes respectueuse et un sol vivant. Comme c'est le cas en biodynamie où le sol est nourri avec des décoctions de plantes (prêle, achillée, valériane…). Une vigilance accrue doit être portée lors de la fermentation, de l'élevage du vin et de sa mise en bouteille sous gaz carbonique », explique Thomas Turner, diplômé en viticulture (BPREA) et créateur du site www.avintures.fr qui propose des vins bio, en biodynamie ou sans sulfites. Dans les fruits secs, les sulfites sont utilisés comme stabilisateurs de couleur. Exemple, les abricots secs sont orange vif alors que ces fruits prennent une teinte marron en séchant !
Une troisième catégorie d'additifs qui posent problème : les nitrites ou nitrates (nitrite de sodium et nitrate de potassium), des agents conservateurs dans les charcuteries, suspectés d'être cancérigènes. On pourrait s'en passer comme le font plusieurs pays d'Europe du Nord. Mais pour les Français, les jambons blancs doivent être roses et non beiges ! Désormais, les fabricants ajoutent de la betterave dans le bouillon de cuisson.
Alors quand nous achetons des produits transformés bio (plats préparés, galettes, steaks de céréales, desserts aux laits végétaux…), vérifions qu'il n'y ait pas plus de trois additifs en traquant les E sur les étiquettes !