Retrouver les bonnes sensations de faim
Mal comprise, diabolisée parfois, la faim est pourtant notre alliée. Elle est en effet un repère indispensable pour manger juste et garder tout au long de sa vie un poids de forme. Comprendre son rôle, comment la repérer, comment la calmer efficacement ? On vous dit tout.
« La faim est notre système de régulation de prise alimentaire, explique Florence Pujol, diététicienne-nutritionniste et comportementaliste, auteure de Je mange et je suis bien (éd. PUF) et Je me libère de ma boulimie. Elle fonctionne un peu comme un réveil et reflète les besoins de notre corps à l'instant T». Déclenchée par une légère baisse de glucose dans le sang et une augmentation de la ghréline (hormone sécrétée quand l'estomac est vide), elle pousse à consommer des aliments apportant à notre organisme l'énergie dont il a besoin pour fonctionner de manière optimale. Simple ? En réalité, pas tant que cela. Car si la faim était un repère naturel chez Cro-Magnon, elle est aujourd'hui plus complexe à appréhender : nos activités nous obligent souvent à caler nos repas sans tenir compte de nos sensations et nous sommes surstimulés par des sollicitations variées qui déclenchent des envies (réflexes) de manger sans faim. Sans compter que la faim est versatile. Elle dépend de notre état de fatigue ou immunitaire (on ne peut rien avaler – et c'est tout à fait normal – en cas d'infection ou de virus), de notre activité physique ou, pour les femmes, de la période du cycle. Elle se vit au jour le jour.
Autre difficulté : moins connectés à nos sensations corporelles que nos ancêtres, nous pouvons avoir l'impression de ne jamais ressentir la faim ou, au contraire, de ne pas réussir à la calmer. Pourtant, cette sensation instinctive est présente en chacun de nous. « La plupart des personnes qui disent ne jamais avoir faim mangent simplement avant d'avoir faim, décrypte le Dr Apfeldorfer, psychiatre, président d'honneur du Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids (GROS). Celles qui ont tout le temps faim confondent souvent celle-ci avec une envie de manger émotionnelle (pour calmer une colère, une angoisse, une contrariété) ou ne mangent pas suffisamment. »
Qu'est-ce que la « faim du cœur » ?
Manger comble nos besoins physiologiques, mais aussi psychiques. C'est ce que l'on appelle la « faim du cœur ». « Certaines textures, notamment pâteuses (purée, chocolat…), qui nous...
rappellent inconsciemment la tétine ou la tétée des premières semaines de vie, régulent des sécrétions hormonales indispensables à l'équilibre psychique, comme la sérotonine ou la dopamine », explique Florence Pujol. Cette faim du cœur est moins visible ou connue que la faim de l'estomac, mais tout aussi nécessaire. Il est donc primordial de manger aussi ce qui nous fait envie.
Manger dès les premières sensations de faim
Notre organisme est programmé pour fonctionner de manière optimale quand il est nourri au bon moment, autrement dit quand la faim se manifeste… modérément ! La faim modérée précède toujours la grande faim et se caractérise par une sensation de creux, une légère faiblesse. Si l'on n'est pas attentif aux signaux de notre corps, elle peut passer inaperçue, contrairement à la grande faim qui se caractérise par une grosse fatigue, des difficultés de concentration et une mauvaise humeur. « La faim modérée devrait toujours déclencher une prise alimentaire, note le Dr Apfeldorfer, car c'est elle qui est associée au plaisir de manger, et donc aux sensations de rassasiement et de satiété, indispensables dans le contrôle du poids. » La grande faim pousse en effet à dévorer des aliments plus énergétiques (gras et/ou sucrés). Manger dès les premières sensations de faim serait donc la clé pour ne pas grossir ? Oui, d'après nos experts, qui parlent d'alimentation intuitive.
Deux plantes qui aident à réguler l'appétit
- Le fenugrec (Trigonella foenum-graecum) : Les personnes en surpoids ont plus de mal à repérer la faim et le rassasiement car leurs hormones de l'appétit et de la satiété fonctionnent moins bien. Une étude menée par une université du Minnesota et publiée en 2009 montre que l'apport de 8 grammes par jour de fibres de fenugrec chez des patients obèses améliorait les sensations de faim et de satiété.
- La gentiane jaune (Gentiana lutea) : Reconnue pour ses propriétés apéritives, la gentiane jaune est conseillée pour retrouver la faim dans des périodes difficiles (anorexie, maladie longue, deuil, etc.).
Satiété et juste poids
« Avant d'être conditionnés par leurs parents, les enfants mangent intuitivement aux bons moments et dans les bonnes quantités, note Florence Pujol. Nous devrions retrouver cette alimentation de “libre mangeur”. Les adultes ont ainsi rarement faim au lever et souvent en tout début de soirée : il est alors préférable de manger vers 11 heures et 18 heures plutôt que de s'obliger à un petit déjeuner matinal et à un dîner tardif. » Dans la pratique, si on ne peut caler ses repas au moment de notre faim naturelle, le plus simple est de prévoir des collations (banane, œuf dur, demi-avocat, restes de la veille, tartine de fromage ou mini sandwich…) pour y répondre quand elle se manifeste. Le repas qui suit sera de fait moins copieux, avec des portions plus petites.
Manger quand on a modérément faim est une condition nécessaire mais pas suffisante pour contrôler son poids. Il est important aussi de savoir repérer la satiété, pour s'arrêter avant d'avoir l'estomac trop plein (si l'on avale plus de calories que les besoins de notre organisme, celui-ci aura tendance à stocker). La solution ? La pleine conscience.
Il ne s'agit pas de s'obliger à prendre des repas dans le silence en mâchant x fois chaque bouchée. Mais simplement de prêter une grande attention au plaisir – gustatif, mais aussi de partage – ressenti en savourant chaque minute de son repas. Ainsi, on apprécie toutes la palette des saveurs de son assiette mais on mange aussi plus lentement (il faut 20 minutes en moyenne au système digestif pour envoyer les signaux de rassasiement après la première bouchée), en mastiquant pour qu'elles se diffusent en bouche. « C'est ce qui permet de repérer le rassasiement, indique le Dr Apfeldorfer, qui se déclenche en deux étapes : le rassasiement sensoriel spécifique (cet aliment précis ne fait plus envie, mais on peut en désirer un autre, un dessert par exemple) et le rassasiement global, qui sonne la fin du repas. » Cette sensation, qui concerne aussi bien le système limbique (siège des émotions) que le système neuro-hormonal (la leptine, impliquée dans la satiété) est l'autre clé nous permettant de renouer avec les bonnes sensations de faim, gage d'un maintien de notre poids de forme.