Toxicité des plantes, une mise au point s’impose
Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage. Qui veut tuer la phytothérapie l’accuse de toxicité. Certes, la ciguë est un poison, mais est-ce vraiment le cas de la camomille ? Bien entendu, certains remèdes de la pharmacopée végétale ont un potentiel toxique avéré : nommons dans le désordre le datura, noix vomique, digitale, séné, pavot…
Mais on voit circuler dans les médias des alertes concernant des plantes médicinales bien plus courantes, réputées depuis des siècles pour leur sécurité d’emploi : thé vert, camomille, ginseng... Au-delà de risques liés aux récoltes contaminées par des pesticides ou des métaux lourds, il arrive qu’on leur reproche des effets intrinsèques, liés à la présence de certains composés bioactifs. Ces composés sont-ils réellement dangereux ?
Comparons ce qui est comparable
Récemment, une célèbre marque de thés et d’infusions s’est vu reprocher la présence dans sa camomille de taux excessifs d’alcaloïdes pyrrolizidiniques. Ces composés, considérés comme cancérigènes et hépatotoxiques, sont naturellement présents dans certaines plantes comme la consoude et la bourrache, souvent à hauteur de quelques dizaines de microgrammes par kilogramme de matière sèche. Vous imaginez ce que cela donne dans une tasse de tisane ! Rien à voir avec le dosage de 0,5 ou 1 gramme de paracétamol contenu dans chaque comprimé de Doliprane ou de Dafalgan. Ce qui vaut au paracétamol, d’être clairement identifié comme hépatotoxique ! Chose que la publicité ne dit pas…
C’est la dose qui fait le poison
La relation entre dose et toxicité est connue depuis l’Antiquité, mais c’est l’alchimiste Paracelse, à la Renaissance, qui aurait énoncé l’adage : « C’est la dose qui fait le poison ». Aujourd’hui, ce concept est mis à mal par certains toxiques chimiques. En effet, les molécules de synthèse des médicaments, cosmétiques, produits d’entretien, ainsi que de nombreux polluants de l’air tendent à s’accumuler dans l’organisme, car ils sont mal éliminés. Le foie ne possède pas d’enzymes efficaces pour les détoxifier. Leurs effets délétères persistent même lorsqu’on pense ne plus y être exposé. C’est le cas notamment d’agents perturbateurs endocriniens, cancérigènes, mutagènes…
Or, ce risque d’accumulation est pratiquement inexistant pour les composés végétaux. Leurs composés modérément toxiques sont bien éliminés de l’organisme, surtout s’ils sont présents en faible concentration. Leurs éventuels effets toxiques ne persistent pas après l’arrêt de la prise. Par conséquent, le respect des règles de prudence élémentaires (lire à ce sujet « Les règles d’or de la phytothérapie », P&S no 176, p. 23) préserve des risques d’effets indésirables.
Prudence est mère de sûreté
Concrètement, cela signifie qu’il ne faut pas dépasser les posologies recommandées, surtout pour les formes très concentrées (huiles essentielles, gélules, teintures-mères, macératsmères de bourgeons, extraits de plantes standardisés). Par ailleurs, il ne faut pas prendre un remède naturel en continu sans avis médical, mais procéder par cures de trois semaines par mois maximum. En cas de doute, privilégiez les 148 plantes « libérées », dont la sécurité d’emploi est officiellement admise.