Trop d’hygiène tue l’hygiénisme
L’angle du quai Jules Courmont où siège l’herboristerie de Lyon que j’ai acquis récemment, se trouve la plaque où figurent le nom de ce monsieur Courmont et son titre: hygiéniste!
Ce fut pour moi une surprise de lire cela. J’ai en effet tout de suite pensé à l’hygiénisme, une notion propre à la naturopathie : la pratique du jeûne, le contact avec les éléments naturels, l’éveil de la vitalité qui stimule l’autoguérison, dont chaque être vivant détient la clé... Mais c’était une parfaite déformation professionnelle que de penser ainsi. Car ce monsieur Courmont ne fut pas un adepte de cette pratique, mais un grand réformateur qui améliora l’hygiène à Lyon, à son époque (1895-1917).
L’hygiénisme au sens de l’hygiène est né des travaux de Louis Pasteur sur les microbes. De là ont découlé de nombreuses améliorations sur l’insalubrité des villes, où nombre de maladies contagieuses, comme la tuberculose, étaient présentes. Eugène Poubelle dicta d’enfermer les détritus, Georges Eugène Haussmann remodela toute la ville de Paris afin d’améliorer la circulation de l’air et d’assainir l’eau, et Jules Courmont, ce médecin biologiste, fut le premier inspecteur départemental d’hygiène publique pour le département du Rhône. Aujourd’hui, notre médecine officielle hérite de cette pensée hygiéniste qui a su éradiquer de nombreuses maladies contagieuses pour le bien de tous.
Alors, que faut-il penser de la pratique de l’hygiénisme en naturopathie ? Ce courant de pensée parallèle porte le même nom et a pris forme à la même époque. D’abord aux États- Unis, à la fin du XIXe siècle, puis en France dans les années 1940. Les deux doctrines se chevauchent sur la qualité de l’air ou l’ensoleillement. Les hygiénistes de l’hygiène ont travaillé en ce sens avec l’élargissement des rues citadines ou l’agrandissement des fenêtres dans les écoles. Pendant ce temps, les praticiens de l’hygiénisme allaient plus loin dans la pratique de la de respirations, d’exposition au soleil ou d’activité physique. Là où les pensées divergent, c’est justement sur l’hygiène au sens stricte du terme, notamment dans leur rapport aux microbes. Les adeptes de l’hygiénisme proscrivent par exemple l’usage du savon qui ne fait que modifier l’équilibre naturel de la peau et affaiblit ses défenses. Elle se place davantage dans la lignée de Claude Bernard qui disait : « Le microbe n’est rien, le terrain est tout.»
Loin de moi l’idée de vouloir opposer ces deux courants, mais reconnaissez comme moi que l’un est prédominant aujourd’hui. C’est le discours officiel qui aseptise, stérilise et pasteurise. Mieux vaut chercher la voie du milieu. Je suis sûr d’une chose : rien de tel que la prévention par les plantes et par l’hygiène de vie. Et quand on parle d’hygiène de vie, tout le monde est d’accord : il s’agit d’être plus cohérent avec nos besoins, et non de lutter à tout prix contre les microbes.