Calendula : le message
d’une fleur
Un souci des jardins, touffe solaire radieuse et ébouriffée, a intrigué mon regard. C’est une corolle orangée trop simple pour un jardin à la française, trop lumineuse pour un sous-bois romantique, trop omniprésente pour se faire désirer, dont la beauté est trop évidente pour qu’on la remarque.
Ce calendula ne sait pas se rendre précieux. Si envahissant qu’on ne songerait pas à le protéger, il fleurit à longueur d’année. Il est là avant qu’on ne se languisse de lui et encore après qu’on s’est rassasié de sa couleur. Son nom vient de calendae, signifiant qu’il est là pendant quasiment toutes les calendes, nom donné aux premiers jours des mois du calendrier grec.
En réalité, il fleurit du début du printemps aux premières gelées. Dès que la lumière du soleil est assez forte pour le réchauffer, il éclot, d’où son nom français, « souci », qui vient de solsequi, « celui qui suit le soleil ». Le souci célèbre le soleil, s’ouvre dès qu’il se lève et s’en va se coucher avec lui... Les Anglo-Saxons le nomment marigold. Pour eux, cette fleur est d’or. Son côté canaille, décoiffé, « bord de chemin », se révèle avec cet autre surnom, celui de faux safran. Car le pistil de calendula colore les mets comme du vrai safran, dont il n’a pas la saveur délicate. Les « gueux » l’utilise, quand la « fine fleur » s’offre, elle, le plus rare crocus.
De mémoire d’herboriste, calendula soigne les coupures, les blessures, les plaies douloureuses et persistantes grâce à ses propriétés cicatrisantes et anti-inflammatoires. Quelques gouttes de teinture mère de calendula dans un peu d’eau tiède sont un remède sans pareil pour raccourcir la cicatrisation et la détersion d’une plaie traînante. Les anthroposophes ont noté la texture collante et odorante de sa résine qu’ils ont rattachée à son caractère animal et propre à la régénération, d’où leur utilisation pour la cicatrisation des plaies, quand bien même elles sont consécutives à des traitements conventionnels agressifs, comme les radiothérapies
Les homéopathes, eux, ont voulu par la dilution et la dynamisation de cette fleur en révéler le message subtil. Sur le thème du soleil et de la coupure ont émergé des préoccupations émotionnelles sensibles et mal maîtrisées. Quand le soleil d’un amour indispensable vient à manquer, c’est la coupure affective si déchirante qui rend le patient calendula hypersensible. Il referme alors ses récepteurs comme une corolle privée de sa lumière nourricière. Les patients que calendula soigne ont une affectivité si entière et passionnée que la coupure physique, en miroir à la coupure psychique, vient préfigurer leur retrait douloureux.
Le message de la fleur est complexe, complet, il s’exprime dans ses dons curatifs aussi bien localement (plaies cutanées) que globalement (plaies affectives), faisant écho à une problématique très particulière et profondément humaine. Cette sagesse végétale, des hommes l’ont captée au fil des siècles et se la sont transmises par la tradition, jusque dans les noms qu’ils ont donnés à cette plante. Ce n’est qu’une des innombrables conversations que nous avons nouées avec notre environnement au fil de notre évolution. Toutes les connaissances qui se sont accumulées, toutes les voies d’abord (phytothérapie, anthroposophie ou homéopathie) ont réécrit la même histoire, celle que la plante nous a susurrée. Les plus savants sont ceux dont l’oreille fut et est toujours assez fine pour percevoir ces messages, cette connaissance qui se murmure et nous enveloppe. Pourvu que nous sachions toujours regarder et écouter les fleurs de nos jardins…