Une artemisia débridée !
Artemisia est une grande famille de plantes aux propriétés médicinales. À côté d' Artemisia annua réputée pour son action antiparasitaire et possiblement antivirale en médecine traditionnelle, Artemisia abrotanum (la citronnelle), Artemisia dracunculus (l'estragon) ou Artemisia absinthium ne sont plus à présenter.
Artemisia vulgaris, l'armoise commune, invasive de nos campagnes, est moins connue dans son usage culinaire traditionnel mais possède des qualités curatives que ne laisserait pas escompter son aspect sauvage, voire envahissant. C'est tout le paradoxe : d'être utile, mais d'apparaître nuisible par son abondance incongrue.
Le médicament Artemisia vulgaris est indiqué d'après les homéopathes soit pour des règles absentes soit plus souvent hémorragiques, et pour certains troubles convulsifs. Ces manifestations sont le pendant de l'hyperprésence intempestive de la plante. Ces mouvements inorganisés, inefficaces nous renvoient à une énergie dépensée sans compter et à mauvais escient et sans valeur constructive.
Mesurer ses efforts et ses dépenses nécessite sagesse et réflexion, témoins d'une certaine maturité. Notre société éprise de jeunisme et assoiffée d'action gaspille ses ressources énergétiques en un développement destructeur et étouffant. Trop de production, trop de consommation, trop de précautions, trop de protection, trop de tout n'est pas mieux que tout, c'est souvent l'inverse…
De la même façon, c'est ce manque de maturité qui pousse certains étudiants à attendre la dernière minute pour travailler, quitte à brûler les nuits précédant les examens pour tenter de rattraper leur retard. On a ainsi décrit dans la littérature homéopathique des patients artemisia se relevant au milieu de la nuit pour travailler dans la précipitation.
Est-ce la même précipitation par défaut d'anticipation qui nous a poussés l'hiver dernier à négliger les précautions antivirales essentielles quand il le fallait pour ensuite les infliger à l'excès d'une façon pénalisante et trop tardive à une société exsangue, à bout de souffle et pétrifiée de peur devant une menace mal cernée ? Pourquoi avoir négligé d'approfondir les multiples vertus phytothérapeutiques de l'artémisine, pour ensuite chercher dans des éprouvettes un produit de synthèse qui aurait des propriétés analogues et le bon goût de n'être pas une herbacée de bord des chemins ? C'est le paradoxe qu'incarne artemisia, en paraissant trop rustique et trop facile d'accès ses évidentes qualités sont dévaluées, et on va chercher des solutions compliquées quand la simplicité des réponses de la nature ne nous apparaît plus.
N'en faisons pas trop, réapprenons à marcher dans les herbes folles, à les regarder pousser, comme on regarde grandir nos enfants et vieillir nos aïeux, avec sollicitude et amour, en les protégeant sans les brider.