Semer ses rêves
Peu avant le solstice, j’ai eu l’occasion de faire des semis d’hiver… Des amis disposent d’un petit bout de terrain particulièrement bien abrité et ensoleillé. Alors pourquoi ne pas tenter d’y faire venir ces scaroles aux feuilles un peu épaisses si goûteuses. De retour chez moi, j’ai repensé au phénomène voulant que certaines graines aient justement besoin du froid pour germer. Depuis longtemps je voulais tester cela avec la lavande qui – m’a expliqué un jardinier expérimenté – a besoin d’un coup de gel pour se mettre à pousser. Bien que le résultat soit loin d’être garanti, j’ai trouvé ces moments particulièrement réconfortants. Et profondément rassurants alors que nous continuons de vivre au rythme de la pandémie du Covid-19. Plus encourageant en tout cas que les courbes de Santé Publique France même quand elles témoignent d’une amélioration de la situation, ou l’arrivée des vaccins, dont je ne cherche pas ici à discuter l’efficacité médicale ou encore les prouesses accomplies par les chercheurs.
Question de rapport au temps, à une certaine sociabilité. En cette période tourmentée, se projeter jusqu’au petit miracle de la germination, symbole de la générosité et de la puissance de la nature, m’est apparu comme plus protecteur, équilibrant.
Aussi, en 2021, recommençons à semer nos rêves. Faisons-les sortir de l’enfermement où les ont poussés tous les mois passés entre confinement et vie sociale contrôlée, et choisissons ceux qui nous donnent à la fois du courage et nous mettent en joie. Quand bien même, il s’agit de petits gestes qui nous aident à garder le moral comme il en est question dans le dossier de ce numéro.
Pensons aussi aux signaux qui sont lancés à d’autres niveaux, pensons-y vraiment. Dans le concert des nations, c’est par exemple le retour des États-Unis dans l’Accord de Paris pour le climat et avec un plan de 2 000 milliards de dollars. De l’autre côté du globe, c’est la Chine qui s’est engagée à la neutralité carbone d’ici à 2060. En France, réjouissons-nous de la décision du Conseil d’État pour mettre le gouvernement sous pression. Sans oublier les propositions de la Convention citoyenne pour le climat dont il faut s’assurer désormais la mise en application. D’autres leviers sont actionnés. Les grands groupes industriels, de l’agroalimentaire notamment, élaborent des plans afin de réduire leurs émissions de CO2, de diminuer la déforestation, de planter des arbres par millions… N’oublions pas qu’il y a toujours moyen de s’indigner s’il s’agit uniquement de greenwashing.
En revanche, soutenons tous ceux, de plus en plus nombreux, qui ont envie de cultiver la terre sans intrants chimiques et de témoigner comme ce cultivateur breton : « ça fait du bien à l’esprit quand on pense à la planète ». Tous ceux qui, jeunes ou moins jeunes, se forment pour s’engager dans la mise en culture d’hectares inutilisés et sont plébiscités pour la qualité de leur production.
Aussi en 2021, ne perdons pas tout cela de vue ; faisons en sorte que le monde dans lequel nous vivons se rapproche de celui auquel nous pensons, de celui qui nous fait tenir, qui « concentre la force des harmonies naturelles et unit le vivant d’une indivisible connivence* ».
* Extrait de La vie des elfes, de Muriel Barbery.