Médicaments : Pénurie ou rareté?
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ces derniers temps, il est de plus en plus souvent question de médicaments en rupture de stock. Ont ainsi été momentanément absents des officines un anxiolytique, un anti-infectieux pour la peau, certains antibiotiques, un médicament pour la maladie de Parkinson... Ceci étant, sur les quelque 11 000 spécialités commercialisées, à peine 5 % d’entre elles connaissent des problèmes d’approvisionnement.
C’est pourquoi je ne comprends pas le ton très alarmiste qui se propage systématiquement et indépendamment de la gravité de la maladie pour commenter ces pénuries. Du même coup, le médicament manquant à l’appel se pare de super-pouvoirs : forcément, il est indispensable, forcément, il n’y a pas d’alternative, forcément, sans lui les patients sont en état de survie. On chercherait à mettre en pratique la loi marketing édictant que ce qui est rare est précieux, on ne ferait pas mieux. D’autant qu’y participe une bonne dose d’émotion – l’inquiétude des patients est contagieuse – et de suspense – on ne nous dit pas grand-chose sur l’origine du problème. Voilà en tout cas réunis de nombreux ingrédients pour glorifier la « mission salvatrice » des laboratoires pharmaceutiques.
Quoi qu’il en soit, cette situation m’a fait penser à celle que nous connaissons depuis des années dans le monde de la médecine naturelle. Vos courriers en témoignent régulièrement : vous avez souvent du mal à vous procurer les remèdes, compléments alimentaires, préparation de simples ou huiles essentielles dont nous évoquons les propriétés dans nos colonnes. Toutefois, pour ces produits, on ne parle jamais de pénurie. Et personne ne sonne l’alarme... Aucun gros titre, aucune voix émanant des sphères haut placées pour s’en émouvoir – il faut dire que c’est souvent un cadre réglementaire à géométrie variable qui explique la disparition de ces produits. Pourtant, n’y aurait-il pas là aussi matière à s’inquiéter ? Les personnes qui ont recours à une teinture mère pour se soigner ne sont pas moins nombreuses que les 150000 patients suivant un traitement pour la maladie de Parkinson. Mais qui se soucie d’une activité qui soigne de plus en plus de personnes, sans pour autant brasser des milliards ?
Face à cette situation, on peut se féliciter de l’initiative prise tout récemment lors du 3e Congrès de l’herboristerie à Toulouse : les professionnels ont décidé de créer un syndicat. Que cette profession malmenée se rassemble et s’organise (son statut est problématique depuis la suppression du diplôme d’herboriste en 1941) est une bonne chose. Que cette création intervienne après celle de la Fédération française des écoles d’herboristerie et du Syndicat national de la phyto-aromathérapie, l’année dernière, voilà qui est encore mieux. Et c’est ainsi que, doucement mais sûrement, phytothérapie et herboristerie prennent profondément racine dans notre environnement de soin... Transformant, sans tambour ni trompette, mais en toute indépendance, la rareté subie en solution pérenne.