Ce qui nous motive
Un conflit armé peut-il nous inciter à devenir plus sobres dans notre consommation énergétique ? La question peut paraître abrupte alors que la guerre en Ukraine a des conséquences autrement dramatiques sur le plan humain. Mais je la pose pour interroger la façon dont nous faisons des choix. En l’occurrence, il semble que bon nombre d’entre nous ayons opté pour réduire la température de notre logement, un geste antigaspi mais aussi de solidarité. Cette idée d’aider l’Ukraine en baissant le chauffage, bien relayée dans les médias, est apparue suite à un rapport de l’Agence internationale de l’énergie. Elle y met en évidence le rôle des consommateurs dans l’effort collectif pour diminuer notre dépendance vis-à-vis des énergies provenant de Russie. Selon ses calculs, si tous les foyers en Europe baissent la température de leur logement de 1 °C, cela permettra d’économiser environ 10 milliards de mètres cubes de gaz en un an.
Or, quelques jours auparavant, le Giec avait appelé à « des efforts colossaux et urgents » pour parvenir à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C. Pourtant, malgré la gravité de l’alerte, celle-ci n’avait pas fait le « buzz ». Alors, qu’est-ce qui nous motive à agir et à changer nos habitudes ? Le documentaire d’Arte « Climat : mon cerveau fait l’autruche » nous donne des pistes pour comprendre ce manque de rationalité dans nos réactions. Nous sommes de plus en plus inquiets face au réchauffement climatique, mais notre cerveau a tendance à faire l’autruche plutôt que de nous faire prendre conscience de la situation et de nous pousser à agir. Pour expliquer ce comportement, les spécialistes ont identifié des « biais cognitifs ». L’un d’eux est notre difficulté à évaluer une menace lointaine, le décalage temporel entre les causes et les effets nous confortant alors dans notre optimisme. Autre biais, le circuit neuronal de la récompense est activé de façon plus intense quand on a la possibilité de comparer son « gain » à celui de quelqu’un d’autre, même si le gain est exactement le même.
Ainsi, notre cerveau est en quelque sorte trompé par des biais cognitifs qui nous donnent une vision déformée de la réalité. Alors que nous devons affronter de nombreuses situations angoissantes et pleines d’incertitudes, il est temps que nous apprenions à cerner les travers de nos fonctionnements psychiques. Difficile, en effet, de se décider à agir avec réalisme et efficacité quand on passe le plus souvent à l’action sous l’influence de nos émotions…