Le tabac, l'ennemi intérieur
Nicotiana tabacum, l’herbe à Nicot, doit son nom à Jean Nicot, ambassadeur de France à Lisbonne qui le proposa comme traitement pour les migraines du fils de Catherine de Médicis, François II. Les Indiens d’Amérique connaissaient cette plante depuis longtemps, et ses vertus médicinales aussi bien que spirituelles dans leurs rituels de purification.
En effet, au début de son utilisation, le tabac accroît l’éveil, l’idéation et nombreux sont les écrivains que la postérité associe à une cigarette fumante aux coins des lèvres, comme emblème de leur inspiration créatrice.
Hélas, l’addiction arrive rapidement. La constriction des vaisseaux (cérébraux entre autres), qui améliore les maux de tête dans un premier temps, va rapidement être préjudiciable aux fonctions cérébrales. Puis ce sont toutes les conséquences respiratoires, cardiaques voire cancérigènes qui font la dangerosité de l’usage régulier et prolongé du tabac.
Cette jolie fleur pourpre possède pourtant bien du charme, si l’on sait l’utiliser à bon escient, que ce soit pour décorer les jardins ou en dilutions homéopathiques. Pour les homéopathes, Tabacum est un remède aux nausées, aux reflux gastriques accompagnés de malaises, aux vomissements pénibles avec vertiges et sueurs froides, en particulier lors de la grossesse.
La sensation décrite dans les ouvrages de référence de l’homéopathie est celle d’un intrus, cherchant à se forger un passage dans le corps par un orifice trop étroit, les patients se sentant comme possédés par un double, un symbiote, une sorte d’ennemi intérieur s’emparant de leur corps, induisant des réactions involontaires, invalidantes, incontrôlables.
Au premier degré, on voit le parallèle avec l’état de grossesse, puis, en prenant de la distance, on imagine que la dépendance tabagique peut aussi signifier cette présence d’un ennemi du dedans, dictant une conduite irrésistible et nocive, d’abord avantageuse avant de devenir nuisible. Les amateurs de films à grand spectacle y retrouveront les images de symbiotes prenant possession du corps dans certaines productions impliquant des « aliens ».
Mais en plus d’aider de nombreuses femmes enceintes à poursuivre leur grossesse sans nausées, Tabacum nous offre matière à réflexion sur la spiritualité, qu’il stimule – si la sobriété s’y associe. L’accès facile et sans réflexion à des ressources apparemment inépuisables nous écarte en effet des qualités de la plante pour nous précipiter vers ses écueils. Le consumérisme, qui privilégie les satisfactions rapides, néglige les risques de la surutilisation et finalement s’empare de nos âmes et de nos corps, dont il nous dépossède.
Si nous ne pouvions fumer que les feuilles de tabac que nous faisons pousser nous‑mêmes… Si nous ne consommions que ce que nous pouvons produire, sans rien détruire, sans hypothéquer l’avenir ?
Tabacum a pourtant bien du charme si l’on sait l’utiliser à bon escient…