Les jardins de la slow médecine
Avez-vous déjà remarqué ces espaces laissés en friche ou recouverts d’une morne pelouse qui entourent en général les hôpitaux ? Quelle tristesse !
Ce n’est pas le cas au CHU de Nancy, où un jardin à la française sur le thème des 4 éléments agrémenté de sculptures accueille les patients, leur famille et les soignants. Ni au Centre François-Baclesse à Caen, où plusieurs ambiances paysagères ont été imaginées pour les malades et les visiteurs. Mais au-delà d’être des lieux agréables et verdoyants, ces jardins ont été conçus pour répondre à un objectif thérapeutique. En effet, dans ces hôpitaux, des activités sont organisées, qui font partie intégrante du processus de soin.
Cette idée de proposer aux personnes en souffrance un autre horizon que les seuls murs clos de l’hôpital a été testée dès le 19e siècle. Des asiles et des établissements pour les enfants handicapés mentaux tentèrent l’expérience, en particulier aux États-Unis. Dans les années 1920, au Kansas, le docteur Charles Frederick Menninger, également botaniste, l’intègre dans une vision renouvelée de la psychiatrie, et les séances de jardinage ou de sorties au jardin font partie du programme de chaque patient.
En France, cette discipline est encore peu connue. Souhaitons qu’elle prenne de l’ampleur, car la démarche est un accélérateur, et s’il est difficile de parler de guérison, on constate une amélioration significative de l’état général des patients ; et ce pour de nombreuses pathologies : personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, convalescents après un traumatisme, personnes âgées, jeunes autistes ou enfants hyperactifs... Des médecins et des équipes de soins, soutenus par des associations comme notamment Jardins et Santé, s’impliquent et en font la démonstration. Pour ce numéro de Plantes & Santé, nous nous sommes rendus dans un de ces établissements qui mise sur des ateliers de jardinage. J’espère que ce reportage de Claire Lecœuvre vous convaincra de l’intérêt et du potentiel des jardins thérapeutiques. L’après-midi qu’elle a passé en compagnie de personnes rencontrant des difficultés suite à un AVC ou à l’évolution d’une maladie dégénérative témoigne des nombreux bienfaits de l’hortithérapie. Certes, ces derniers sont à la fois modestes et subtils, mais comme un tableau impressionniste, ils dessinent un moment intense. Car les interactions entre les malades et les plantes, encadrées par l’équipe de soins, se situent souvent à un niveau intime, qui font émerger les souvenirs et les envies.
De façon générale, il est étonnant de constater la richesse de ces moments au cours desquels la capacité à se projeter dans le temps, à faire preuve de persévérance, d’observation, à prendre une décision est en jeu. Certes, l’aménagement du jardin doit être adapté et l’équipe formée pour que ce climat bénéfique puisse s’installer. Mais ainsi relié au cycle lent des plantes, plus adapté que celui trop rapide de nos sociétés, l’atelier se transforme en moment de plaisir. Cette approche, c’est sa grande force, permet de répondre aussi bien aux besoins physiques des patients qu’à ceux d’ordre émotionnel et de socialisation.
Au-delà de la notion américaine de « dose quotidienne de temps passé au vert », les jardins thérapeutiques commencent bel et bien à prendre la forme d’une véritable thérapie. Pour, qui sait, un jour, faire partie d’une approche médicale plus large, que nous appelons de nos vœux : la slow médecine.