Dossier
Ne pas se planter sur les toxiques (4/5)
Cueillir des plantes sauvages, avoir recours aux huiles essentielles pour se soigner, ajouter un complément végétal à son traitement allopathique… Ces pratiques nécessitent de la vigilance et impliquent de respecter certaines règles si l'on ne veut pas risquer de s'intoxiquer. Le point sur ces principes de précaution pour un usage en toute sécurité.
Plantes et médicaments : gare aux interactions !
Jus de pamplemousse et médicaments hypocholestérolémiants, millepertuis et antidépresseurs, aloe vera et laxatifs, prébiotiques et antibiotiques… Mélanger plantes et médicaments ne fait pas toujours bon ménage ! Ces associations, loin d’être anodines, ne sont pas toujours faciles à combiner. « Selon les doses et les traitements allopathiques en cours, l’effet thérapeutique peut être décuplé et causer une surmédication, ou au contraire, affaiblir son effet et provoquer l’échec du traitement », explique Alina Moyon, pharmacienne et phytothérapeute, auteure de l’ouvrage Les interactions médicamenteuses, (éd. Dauphin). Résultat, des effets secondaires indésirables peuvent apparaître. Pourtant, encadrer l’usage simultané de ces deux médecines reste délicat pour les professionnels de santé. D’abord parce que trop souvent, chacun ajoute une dose de complément alimentaire ou d’huiles essentielles à son traitement allopathique, en oubliant que ces derniers contiennent une bonne centaine de composants. Ensuite, car peu de références documentées existent sur le sujet.
Néanmoins, voici les principales contre-indications connues aujourd’hui, qui peuvent vous éviter de subir les effets de cocktails délétères. Certaines plantes peuvent par exemple perturber le système cardio-vasculaire lorsqu’elles sont associées simultanément à des anticoagulants. Le mélilot, le cornouiller, l’ortie ou l’ail peuvent en effet amplifier l’effet de la warfarine, molécule présente dans nombre de médicaments destinés à fluidifier le sang. À l’inverse, le thé vert, l’huile de bourrache, la reine-després ont un effet inhibiteur de cette dernière. «Les huiles essentielles d’agrumes peuvent aussi augmenter la fluidité sanguine », affirme Cécile Adant. Soyez donc prudent et précautionneux si vous souhaitez utiliser les vertus de la phytothérapie en même temps que ce type de traitement, «le plus sûr étant d’opter soit pour l’un, soit pour l’autre », précise la pharmacienne. Certains végétaux ont la capacité d’abaisser la tension artérielle : c’est le cas de l’aubépine, de la feuille d’olivier et de l’ail. Des plantes font augmenter la tension artérielle et l’effet des hypertenseurs comme le ginseng, le maté, la yohimbe ou la réglisse.
Maladies auto-immunes : pourquoi éviter l'échinacée ?
On connaît bien l'échinacée, plante stimulante de l'immunité dans les périodes où l'on se sent raplapla. Sa puissance d'action et ses propriétés...
antibactériennes et antivirales sont dues à la synergie des deux principales familles d'actifs de sa racine, les alkylamides et les polysaccharides. Cependant, mieux vaut ne pas consommer ce végétal en cas de maladie auto-immune, car sa prise pourrait aggraver l'évolution de l'affection. Les personnes sous immunosuppresseurs, tels que la ciclosporine ou le méthotrexate, devront donc se montrer vigilantes, si elles souhaitent mixer simultanément plantes et médicaments.
Autre cocktail qui ne fait pas bon ménage, les médicaments anticholestérol avec la levure de riz rouge. Cette plante contribue à baisser le taux de cholestérol dans le sang et décuple l’effet hypocholestérolémiant. En clair, prenez soit l’un, soit l’autre. Même combat pour les diabétiques et les personnes sujettes aux perturbations de la glycémie qui doivent se montrer prudentes avec les infusions de racine de bardane, d’aigremoine, de feuilles de feuilles de myrtille, d’éleuthérocoque, d’olivier, mais aussi de feuilles d’eucalyptus qui risquent de décupler ou d’abaisser l’effet glycémique désiré. Citons aussi le célèbre gel d’aloès, dont les propriétés hypoglycémiantes ou antidiabétiques sont souvent ignorées. Par ailleurs, son principe actif, l’aloïne, s’ajoute aux effets des médicaments laxatifs. Dans cette ribambelle de cocktails explosifs, les personnes sous antidépresseurs n’échappent pas non plus aux interactions. On connaît bien l’homologue végétal du Prozac, le millepertuis, fameux antidépresseur naturel. Cette fleur, qui agit sur la sérotonine, empêche aussi de nombreux antidépresseurs et anxiolytiques d’agir. « Faites un choix entre les deux », conseille Alina Moyon. De même, sachez que le cannabis perturbe l’effet de ces médicaments…
Ne pas confondre : Jus de pamplemousse et extrait de pépins de pamplemousse
Le jus de pamplemousse est connu pour entrer en interaction avec la prise de nombreux médicaments comme le Lévothyrox ou la warfarine. Pris en même temps que la Simvastatine, un médicament anticholestérol, il peut multiplier par quinze l'absorption du médicament et provoquer des atteintes musculaires graves. Mieux vaut donc éviter d'en consommer dans les deux heures qui précèdent la prise.
L'extrait de pépins de pamplemousse, est réputé pour augmenter les défenses de l'organisme en hiver. Les pépins ne possèdent pas les mêmes molécules que le jus de pamplemousse et n'entrent aucunement en interaction avec les médicaments.
À cette liste, s’ajoutent les interactions possibles sur le délicat système hormonal. Si le gattilier ou la sauge favorisent naturellement le retour à l’équilibre cyclique féminin,«le millepertuis inhibe l’activité des pilules contraceptives en augmentant l’activité enzymatique hépatique », décrit Alina Moyon. Femmes sous pilule, abstenez-vous ! D’autre part, l’iode contenu dans le soja et dans certaines algues de mer comestibles peut stimuler la glande thyroïde. À l’inverse, l’argile, prise par voie interne, exerce un effet modérateur. Mais soyons catégoriques: lorsque vous êtes sous traitement hormonal allopathique, n’associez pas de produits naturels. La marge thérapeutique de médicaments tels que le Lévothyrox étant très faible, une légère modification de leurs effets thérapeutiques peut générer des conséquences indésirables. Enfin, se pose la question de la prise simultanée de probiotiques lorsque l’on est sous antibiotiques pour minimiser les ravages opérés sur la flore intestinale. «Il est préférable d’attendre la fin du traitement pour les consommer, ou en prise décalée de deux heures, sinon les souches probiotiques seront détruites», prévient Cécile Adant. Si vous êtes allergique à l’aspirine et adeptes de phytothérapie, gardez en tête les végétaux de la famille des salicacées. Le peuplier, le bouleau, la reine-des-prés ou encore le saule blanc contiennent un principe actif proche de celui du médicament et peuvent de ce fait, mimer son effet. Rassurez-vous, malgré ces nombreux exemples, associer plantes et médicaments n’est pas toujours problématique. Certaines interactions peuvent même se montrer bénéfiques.
Des associations positives
L'association des plantes avec des médicaments n'est pas toujours synonyme d'effets indésirables. Le kudzu est par exemple un très bon antidote aux médicaments antalgiques, antimigraineux et respiratoires qui contiennent de la caféine. Dans le cas où vous ne supportez pas l'effet de cet excitant, la prise de gélules de kudzu ou d'une cuillère à café de fécule de kudzu viendra contrer ce désagrément. Autre type d'interaction positive, l'effet renforcé des antibiotiques sur des souches multirésistantes grâce à la présence de certaines huiles essentielles anti-infectieuses, rapporté par plusieurs études. Comme quoi, associer allopathie et phyto peut aussi s'avérer efficace !
Bien accompagner les traitements anticancéreux
En cas de chimiothérapie et de radiothérapie, le risque de contrer l'efficacité du traitement est trop grand pour faire des associations, estime Cécile Adant. « Mieux vaut agir plutôt entre ou après les traitements ». En automédication, parlez-en à votre oncologue. De plus en plus de médecins font appel aux vertus végétales afin de soulager les effets secondaires de ces protocoles difficiles à supporter pour le corps (lire aussi l'article « Cancer, les huiles essentielles qui aident » du n° 210 de Plantes et Santé). Passer par une prise orale ne s'impose pas. « Respirer une huile essentielle de citron ou de gingembre aide à réduire les nausées », conseille la pharmacienne. Moins concentrée, la gemmothérapie peut aussi être une alternative. « Le bourgeon de cassis va aider à lutter contre les grosses fatigues entre deux traitements », conclut-elle.