Le tussilage, un parfum de renouveau
Espèce pionnière des champs, lisières forestières humides et autres sols sauvages, le tussilage ne brille pas seulement par son esthétisme : c’est aussi une fleur pectorale très utilisée en phytothérapie, et d’aucuns aiment encore L’incorporer dans leurs recettes culinaires.
Lorsque j'explorais les Vosges à la découverte des plantes, Mon maitre en botanique, instituteur et poète, me parlait d’une plante curieuse qui fleurissait très tôt, bien avant de mettre ses feuilles. Il l’appelait « le fils avant le père ». Cette plante, c’est le tussilage, dont je n’ai cessé depuis de faire mes délices. Sa simple présence me ravit. Dès que finit l’hiver, paraissent au bord des chemins ses petites étoiles d’or qui ponctuent le sol encore dépourvu de végétation. Le tussilage évoque pour moi le renouveau de la vie et annonce la prochaine luxuriance printanière. Mon appréciation ne s’arrête cependant pas là : j’aime ces fleurs pour leur saveur aromatique. Je les cueille entières, capitule et dédoncule, puis, une fois lavées et bien séchées et je leur ajoute un filet d'eau avec quelques gouttes de tamarin ou de shoyu de la sauce de soja japonaise. Une fois le liquide réduit, les fleurs se sont transformées en un condiment savoureux qui relève le riz ou toute autre céréale. parfois, je préfère l’approche culinaire occidentale et c’est alors dans un mélange d’huile d’olive et de beurre qu’elles rissolent, avec quelques éclats d’ail. Dans ce cas, j’aime à les étaler, chaudes encore, sur de belles tranches de pain.
Viennent ensuite les feuilles que leur forme particulière a fait nommer en Suisse romande « pas-d’âne », car elles sont larges et presque rondes, ou « taconnet », ce qui signifie « pièce à repriser », sans doute du fait de sa texture qui rappelle le skaï et suggère que l’on pourrait l’utiliser pour réparer les vêtements troués. Les feuilles...
de tussilage sont coriaces et, il faut l’avouer, elles ne sont pas très bonnes en salade, à moins d’être cueillies vraiment très jeunes... Et pour les cuire, il faut s’armer de patience, car elles restent dures longtemps. J’aime pourtant en préparer un étonnant « papet sauvage ». Nous restons en Suisse : le papet vaudois est une spécialité qui combine oignons, pommes de terre, poireaux, vin blanc et saucisse aux choux en une consistant epotée. Je remplace le poire au parletus-silage et omets la saucisse pour obtenir une concoction que ceux qui la goûtent ont toujours appréciée – du moins, me l’ont-ils affirmé...
Tussis agere, ou chasser la toux
Pendant les « survies douces » que j’organise, le tussilage s’avère un légume de choix : il est fréquent, abonde, se cueille facilement et permet de préparer d’excellents « chapatis », des galettes faites de farine, d’eau et de sel mêlés aux feuilles soigneusement lavées et coupées. On les forme entre les doigts, les plus minces possible, avant de les faire griller sur les braises. Tout le monde s’en régale... quand on a faim ! Évidemment, les beignets de tussilage sont plus sophistiqués et là, je crois sur parole tous ceux qui m’affirment qu’ils sont délicieux. Depuis que je suis japonisant, je choisis plutôt une pâte à tempura légère qu’une classique pâte à beignet, et le résultat est probant. Comme son nom l’indique, le tussilage est une plante médicinale reconnue : tussisagere signifie en latin « chasser la toux ». Il était jadis courant de récolter les fleurs et de les sécher pour l’hiver afin d’en faire des tisanes ou des sirops qui adoucissaient la gorge. Rien que l’odeur du bocal que l’on ouvre, plaisamment aromatique, faisait du bien, exhalant les prémices du retour du printemps.
Herbier
Le tussilage (Tussilago farfara) est facile à reconnaître lorsqu’il fleurit, car on ne voit alors que lui : de jolis capitules jaune d’or formés de minces languettes rayonnant autour d’un cœur de fleurs en tube de même couleur. Le tout est porté par un pédoncule dressé couvert d’écailles rougeâtres. À maturité, les fleurs se transforment en fruits plumeux semblables à de petits pissenlits et s’envolent au vent. Les pédoncules s’allongent et meurent. C’est alors que paraissent les feuilles, larges, bordées de dents espacées et de la consistance du similicuir. Elles sont souvent couvertes d’un curieux duvet ressemblant à une toile d’araignée qui inquiète certains, car il fait « sale »... Pas de souci pourtant. Le revers des feuilles est duveteux, comme un fin velours. Le tussilage se plaît dans les lieux humides et argileux et ses colonies bordent les chemins dans toutes nos régions.
Recette sauvage --« Tempura » de tussilage
Ingrédients
• 40 feuilles de tussilage
• 100 g de farine
• 100 g de fécule (maïzena, arrow-root, kudzu...)
• 500 g de graisse de palme. Raifort ou gingembre râpé
• tamari
• sucre.
Préparation
1. Préparez une pâte à tempura très légère avec la farine tamisée et la fécule mélangées à de l’eau froide en battant au fouet. Il est inutile de la laisser reposer.
2. Faites chauffer de la graisse de palme dans une poêle profonde. Trempez les feuilles la vées dans la pâte et faites-les frire jusqu’à ce qu’elles soient dorées et croustillantes, puis égouttez-les sur un papier absorbant. Mettez-les ensuite à four doux pour éliminer l’excès d’huile et gardez-les chaudes.
3. Vous pouvez servir les feuilles de tussilage avec une sauce en faisant mijoter dix minutes du raifort ou du gingembre râpé dans un mélange d’eau et de tamari (sauce de soja), avec une pointe de sucre.