L’asperge sauvage,
un délice du maquis
Tout le monde connaît les asperges, ces belles tiges blanches ou vertes appréciées pour leur délicate saveur et leur texture si tendre. La nature nous les offre aussi à l’état sauvage, et sous plusieurs formes.
À quand remonte ma première rencontre avec l’asperge sauvage ? Je ne me souviens plus très bien. C’était dans le Midi, mais je ne sais plus où, en Corse ou sur la Côte d’Azur, dans l’Estérel peut-être. Je me souviens en tout cas de mon incrédulité lorsque mon guide m’expliqua que nous allions cueillir des asperges sauvages : je ne voyais dans la direction qu’il pointait qu’une touffe dense de tiges dressées, hérissées de pointes barbelées d’un vert foncé, où je ne distinguais rien de bien comestible… En suivant ses conseils, je réussis, à ma plus grande joie, à dénicher au pied de ces enchevêtrements épineux les délicates pousses, ou turions, de l’asperge à feuilles aiguës, fort bien nommée !
Quelle saveur dans ces tendres tiges vert sombre, couvertes de petites écailles charnues. Crues, elles se révèlent âcres, je préfère les déguster comme le font les Méridionaux, le plus souvent sous forme d’omelettes. Certains les préparent comme les asperges cultivées, cuites à l’eau et servies avec une sauce, souvent juste avec de l’huile d’olive et du citron. Jadis, on en faisait des soupes, traditionnelles dans le pays de Nice. Antoine Risso, naturaliste niçois, notait en 1826 que « l’Asparagus acutifolius, qu’on trouve dans tous nos taillis, est préféré par de nombreuses personnes comme ayant un meilleur goût que l’asperge cultivée. »
En bottes sur les marchés corses
Dans toute la région méditerranéenne, ruraux et citadins battent la campagne au tout début du printemps à la chasse aux asperges sauvages. J’en vois régulièrement sur le marché d’Ajaccio, en Corse, ficelées en petites bottes serrées. J’ai fait la connaissance, à la limite des Pyrénées aragonaises et catalanes, au milieu d’immenses étendues vides d’humains où des villages entiers ont été abandonnés depuis des dizaines d’années, d’un homme qui parcourait plus de cinquante kilomètres depuis la ville pour aller...
récolter « ses » asperges dans « son » coin, comme cela se pratique pour les champignons.
Mais les termes « asperges sauvages » sont ambigus, comme le sont bien souvent les noms communs. En effet, une espèce se rencontre un peu partout en France, en Suisse et en Belgique, qui n’est autre que l’asperge officinale (Asparagus officinalis), communément cultivée pour ses savoureux turions. Elle vient ça et là dans les terrains sablonneux, qu’elle en soit véritablement native ou qu’elle se soit simplement échappée des cultures. Dans tous les cas, elle est délicieuse, avec un goût plus marqué que les asperges du commerce, surtout celles blanchies artificiellement qui tenaient jusqu’à ces dernières années le haut du pavé.
Asperges et aspergettes
L’asperge à feuilles ténues (Asparagus tenuifolius), répandue en France dans l’Est et le Sud-Est, possède des feuilles très fines, molles, et des fruits rouges. Quant à l’asperge blanche (Asparagus albus), présente en Corse, elle se reconnaît à ses tiges épineuses de couleur claire. Ses baies sont noires.
À ce propos, il importe de savoir que les fruits des asperges sont dangereux, car ils contiennent des saponines qui peuvent provoquer l’hémolyse, c’est-à-dire l’éclatement des globules rouges dans le sang. C’est également vrai pour l’asperge officinale, que l’on pourrait donc classer aussi bien parmi les plantes toxiques que chez les comestibles. Ou dans les médicinales, d’ailleurs, puisque ses racines passaient jadis pour diurétiques, dépuratives et légèrement laxatives. Notons que ses turions renferment de l’asparagine, qui communique à l’urine une odeur caractéristique.
D’autres asperges n’en sont pas, telles les « aspergettes » ou asperges des bois, jeunes inflorescences en boutons d’une plante de nos forêts, l’ornithogale des Pyrénées (Loncomelos pyrenaicus). Les restaurateurs en raffolent du fait de leur jolie forme en grains de blé. Je l’apprécie également, et ne manque pas d’en faire ample cueillette lorsqu’au printemps les bois en regorgent. Une seule préparation s’impose : au naturel, juste passées à la vapeur, avec une sauce aussi légère que possible.
Herbier
L’asperge à feuilles aiguës (Asparagus acutifolius) est une plante ligneuse, donc vivace, atteignant ou dépassant un mètre. Ses nombreuses tiges et ses rameaux grisâtres, striés et flexueux, sont densément couverts de structures persistantes, piquantes, réunies en étoile par 5 à 12, à l’aisselle d’une écaille prolongée en un éperon court et piquant. Il s’agit de cladodes, des tiges modifiées et non pas des feuilles, dont la plante est en fait dépourvue.
Ces cladodes assurent la photosynthèse et portent en même temps des fleurs jaune-verdâtre, odorantes, solitaires ou par deux. Elles s’ouvrent de juillet à septembre. Il existe des pieds mâles, aux fleurs n’ayant que des étamines, et des pieds femelles, aux fleurs munies d’ovaires. Ces dernières se couvrent en automne de baies noires de la taille d’un petit pois, renfermant une ou deux graines.
Cette asperge sauvage pousse dans les lieux secs de tout le Midi, jusque dans la Drôme, l’Ardèche, l’Aveyron et le Lot. On la rencontre couramment au pied des arbres, dans les haies ou au bord des chemins.
Recette sauvage : asperges sauvages à la crème de cerfeuil
Ingrédients
- Poignée d’asperges sauvages
- 1 poignée de cerfeuil
- 4 cuillères à soupe d’huile de noix
- 5 cl de crème de soja
- 1 cuillère à soupe de jus de citron
- 1 cuillère à soupe d’eau
- Sel et poivre
Préparation
- Faites cuire les asperges à la vapeur jusqu’à ce qu’elles soient tendres.
- Mélangez l’huile de noix avec le jus de citron, l’eau et le cerfeuil haché.
- Salez et poivrez.
- Mixez avec un mixeur-plongeur en ajoutant la crème de soja en filet, afin d’obtenir une émulsion.
- Nappez les asperges de cette sauce onctueuse.
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