Les génottes noisettes de la terre
On la nomme au pluriel, car jamais elle ne souffre de solitude. Fragiles et mystérieuses, les génottes vivent en groupe et cachent sous terre, à l’extrémité de leur délicate tige, un tubercule savoureux à grignoter.
Dans les bois frais de l’Ouest et du Centre de la France pousse une petite ombellifère aux feuilles fines comme de la dentelle. Elle présente la particularité de naître d’un renflement charnu et croquant comme une noisette. On la nomme au pluriel: les génottes, car celles-ci se rencontrent toujours en plusieurs exemplaires.
Je ne me souviens plus exactement quand j’ai entendu parler pour la première fois des «noisettes de terre», mais je me souviens parfaitement de chacune de mes rencontres ultérieures avec cette plante qui garde pour moi une part de mystère. Ce fut tout d’abord en Bretagne, il y a bien trente ans, au cours d’un stage. J’aperçus au bord d’un chemin creux une colonie de petites plantes porteuses d’ombelles délicates dont les feuilles étaient découpées en minces segments presque filiformes. Elles évoquaient les fines frondes d’une fougère. J’hésitais devant cette charmante inconnue, sachant que s’il est facile de classer une plante dans la vaste famille des Apiacées, il est ensuite généralement ardu d’aller plus loin, tant les critères de différenciation des espèces demandent de l’attention. L’un des participants, habitant de la région, s’exclama: «Des génottes ! », et entreprit de creuser délicatement le sol à la base d’une de ces plantes. Il faut en effet user d’un maximum de délicatesse, car la tige, déjà grêle hors de terre, s’amincit à mesure que l’on s’enfonce, perd sa couleur pour devenir...
toute blanche et, souvent, casse avant que l’on ait pu atteindre son but : un petit tubercule sphérique de la taille d’une belle noisette, d’un brun clair, couvert de radicelles nourricières.
Une cueillette tout en douceur
J’ai eu, depuis, la chance de rencontrer les génottes dans les Pyrénées, en Corrèze, en Loire-Atlantique, en Normandie et dans le Massif central. Chaque fois, la récolte des petits tubercules est une aventure, car c’est l’occasion d’aller observer le monde souterrain. Une fois que l’on a repéré les plantes, il ne reste plus qu’à creuser, selon deux méthodes : douce ou brutale. La méthode douce consiste à suivre avec patience la tige jusqu’à son tubercule afin de déranger le moins possible ce fragile écosystème. Dans la seconde, on retourne à la fourche-bêche la colonie sur une vingtaine de centimètres de profondeur, puis on récupère facilement les tubercules ainsi arrachés. La méthode brutale est certes plus rapide et plus efficace, mais nettement moins élégante : personnellement, je ne la pratique pas et vous la déconseille !
Les petits tubercules des génottes me plaisent beaucoup : je les grignote tels quels pour profiter de leur saveur sucrée et de leur texture croquante. On pourrait les faire cuire et les préparer comme les pommes de terre si on les récoltait en grande quantité. D’autant qu’ils sont nutritifs, car riches en glucides. Mais à mon avis, il s’agit surtout d’une nourriture d’appoint, ludique et intrigante plutôt que d’une base alimentaire. On ne les confondra pas non plus avec les « noix de terre » : ces tubercules assez semblables proviennent d’une cousine de la génotte au sein de la grande famille des Apiacées. Sur d’autres plans (habitat, texture...), cette ombellifère est différente. Dans les régions où elle abonde, on faisait aussi cuire ces «noix» comme légume farineux.
Herbier
Les génottes (Conopodium denudatum) sont de petites plantes vivaces qui peuvent atteindre une soixantaine de centimètres de hauteur. Leur tige, dressée, est grêle et glabre comme toute la plante. Elles ne portent des feuilles que dans leur moitié supérieure. Les feuilles inférieures ont une forme triangulaire et sont composées de segments fins et allongés. Les feuilles de la tige sont formées de fines lanières. Les petites fleurs blanches sont réunies en ombelles à 7 à 12 rayons grêles. Elles donnent des fruits allongés, un peu aplatis sur le côté, d’abord d’un vert luisant, puis noirs à maturité.
Les génottes se rencontrent couramment dans les bois clairs des terrains siliceux, parfois dans les prairies, principalement dans l’Ouest, le Centre et le Midi, ainsi qu’en Corse. Quant à la noix de terre (Bunium bulbocastanum), elle vient dans les champs calcaires ou argileux de la moitié Est de l’Hexagone.
recette sauvage
Salade de noisettes de terre
Ingrédients 100 g de noisettes de terre • 100 g de mâche • 100 g de stellaire • 2 cuillerées à soupe d’huile de noix • 1 cuillerée à café de vinaigre balsamique de Modène • 1 pincée de fleur de sel.
1. Laver soigneusement les noisettes de terre et les couper en deux.
2. Dans un saladier, mélanger les noisettes de terre, la mâche et la stellaire.
3. Verser l’huile de noix et le vinaigre balsamique. Saler
4. Déguster en entrée cette salade croquante et savoureuse.