Le myrte, l'encens de Vénus
Parmi les plantes méditerranéennes, le myrte tient une place à part du fait de son parfum envoûtant, apprécié depuis l'Antiquité. Il relève aussi la saveur des plats et procure une boisson emblématique, partie intégrante de la gastronomie corse.
J’ai découvert tardivement le myrte. J’avais dix-neuf ans, c’était sur les hauteurs surplombant Le Lavandou où mes parents avaient un appartement. Le jeune Parisien que j’étais découvrait alors avec émerveillement la flore méditerranéenne dans toute sa splendeur printanière. Les oliviers et les chênes verts, les cactus raquettes aux épines acérées et les agaves en forme de poteaux téléphoniques me faisaient plonger dans un monde fascinant. Mais c’étaient surtout les odeurs qui émouvaient mon cœur et je froissais, sentais et tentais de me repérer parmi ces effluves nouvelles. Je me souviens parfaitement du moment où je pris entre les doigts quelques feuilles coriaces d’un élégant arbrisseau qui abondait dans le maquis. Le parfum qui s’en échappa lorsque je les écrasai est resté en moi et chaque fois que je sens à nouveau des feuilles de myrte, je retrouve ce moment exceptionnel, et je comprends que les anciens l’aient dédié à Vénus, déesse de l’amour…
Ils en faisaient de l’encens en faisant sécher les rameaux et les feuilles séchés. Je mis à profit pour mon compte cette coutume lors de mon service militaire sur l’Île de Beauté où la fumée odorante du myrte parvenait à couvrir efficacement la puanteur de chaussettes sales qui emplissait la salle de garde…
Pendant ce même service militaire, j’étais préposé à la fourniture des denrées alimentaires de l’hôpital Rosaguti de Bastia et l’une de mes fonctions consistait à aller approvisionner le personnel et les malades en cette boisson essentielle au moral des troupes qu’est le vin rouge. Comme les employés des chais Mattei m’avaient à la bonne, j’avais droit à chaque visite à la dégustation gratuite et abondante de la...
fameuse liqueur de myrte corse. Heureusement, j’avais un chauffeur…
À l’automne de cette année-là, j’eus le plaisir de découvrir l’abondante fructification du myrte et je me mis en devoir de préparer ma propre liqueur de myrte en faisant macérer les baies dans de l’eau-de-vie de fruit avec du sucre. Je la goûtais régulièrement et pus constater qu’avec l’âge, elle prenait une belle couleur violacée et perdait progressivement son astringence, un peu gênante au début. En fait, elle atteignît son optimum au bout de trois ans : j’en avais, fort heureusement, préparé en suffisance pour qu’il m’en reste encore un fond de bouteille.
Celle que l’on trouve dans le commerce est distillée, donc dépourvue d’astringence, mais trop abondamment sucrée à mon goût, et généralement colorée en vert… Certains les font tremper dans du jus de raisin pour donner une boisson non alcoolisée.
Herbier
Le myrte (Myrtus communis) est un bel arbrisseau touffu de 1 à 3 m qui, dans les situations les plus clémentes, peut frôler les 6 m. Ses rameaux opposés, bien droits dans leur jeunesse, portent de petites feuilles opposées aussi, ovales, aiguës au sommet, entières, un peu enroulées sous les bords, coriaces et persistantes, d’un vert foncé luisant. Elles dégagent au froissement une délicieuse odeur d’encens. Les fleurs sont assez grandes, d’un blanc crème, délicatement parfumées, avec de très nombreuses étamines. Portées à l’aisselle des feuilles, elles fleurissent en mai-juin, puis donnent des baies globuleuses de moins d’1 cm de longueur, d’un bleu noirâtre, charnues, très aromatiques.
Le myrte est commun dans la région méditerranéenne. C’est un composant essentiel du maquis dans les zones les plus chaudes, surtout à proximité du littoral.
Malgré leur arôme agréable, les fruits de myrte ne peuvent pas vraiment être mangés tels quels, car leurs tanins « rétrécissent la bouche »… Mais dans tout le bassin méditerranéen, ils servaient de condiment, en particulier avec la viande de porc, la volaille et le gibier. J’ai également essayé de les préparer en confiture, avec grand succès, à condition de les passer au moulin à légumes pour retenir peaux et graines, particulièrement astringentes. On cultive parfois des arbustes donnant des fruits blancs, sucrés, comme j’en ai vu en Afrique du Nord et en Turquie.
En Espagne et en Sicile, les feuilles de myrte parfument les olives en saumure. En Sardaigne, on confectionne une liqueur de myrte blanche (Mirto bianco) de couleur jaune pâle avec les feuilles, tandis que celle que l’on prépare avec les fruits est rouge sombre (Mirto rosso). Les boutons floraux sont parfois utilisés comme épice à la façon des clous de girofle, portés par un arbre de la même famille des Myrtacées. Et en Corse, on préparait jadis aussi une liqueur avec les jolies fleurs blanches aux mille étamines.
Sur le plan médicinal, le myrte a été utilisé comme antidiarrhéique, antiseptique et expectorant. Il faut faire attention à ne pas confondre le myrte avec la myrrhe (Commiphora myrrha) un arbuste originaire de la péninsule arabique dont la résine se brûle comme encens et se montre douée de vertus astringentes, antiseptiques et cicatrisantes.
Recette sauvage
Ingrédients : Myrte • sucre
- Faites cuire dans une casserole les fruits juste recouverts d’eau.
- Lorsqu’ils sont ramollis, passezles dans un moulin à légumes pour en éliminer la peau et surtout les nombreuses graines.
- Remettez la pulpe dans la casserole avec les 2/3 de son poids de sucre et faites cuire une demi-heure environ.
- Versez en pots, laissez refroidir et se contracter deux jours (recouvert d’un linge pour protéger la confiture des poussières) avant de déposer une couche de paraffine ou de papier trempé dans de l’alcool. Couvrez de papier de cellophane.
- Attendez un mois avant de parfumer votre pain ou votre yaourt de l’arôme du maquis.
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