Tabouret des champs, une herbacée à cueillir et déguster !
Non, il ne s'agit pas d'un siège, mais d'une sympathique crucifère à la saveur bien marquée, dont le fruit possède une forme peu commune. On rencontre le tabouret çà et là dans les jardins, les champs et les décombres.
Le tabouret des champs n’est pas une plante que je rencontre tous les jours. Et je me souviens clairement d’un atelier que j’avais donné dans le Pays-d’Enhaut, en Suisse, où elle abondait, ornée de fleurs et de fruits, sur un tas de terre remuée. J’avais décidé de la décliner en un pesto, donc crue, et un gratin, donc cuite. C’est là que j’avais pris toute la mesure de la puissance de sa saveur. Le pesto de tabouret que nous avions confectionné avec ses feuilles, des amandes grillées, du gruyère local, un peu de sel et un généreux filet d’huile d’olive, tartiné sur des tranches de pain passées au four, s’était avéré, disons, extrêmement savoureux. Et l’amertume de la plante restait nettement perceptible dans le gratin, malgré la présence de la béchamel et de l’abondant fromage, pourtant fort goûteux. Certains stagiaires un peu délicats ne s’étaient pas resservis…
Cueillette
- Fruits et graines : juin à octobre
- Feuilles jeunes : mars à mai
- Feuilles adultes : jusqu’à octobre
J’ai, depuis, appris qu’il est préférable de récolter le tabouret très jeune, lorsqu’il commence à se développer, entre le mois de mars et celui de mai, selon les régions. Les feuilles adultes restent utilisables jusqu’en fin de saison, mais je vous conseille de les blanchir dans un grand volume d’eau salée, puis de les rafraîchir dans de l’eau glacée pour en diminuer la pugnacité tout en leur conservant une jolie couleur verte. Vous pourrez alors les préparer de multiples façons. Quelques feuilles relèvent agréablement les salades. Comme leur goût reste marqué à la cuisson, j’aime bien les mélanger à d’autres ingrédients qui les adoucissent, comme dans la recette du flan cuit au four que je vous propose ci-après.
Le goût particulier du tabouret est dû à des molécules spécifiques qui renferment du soufre, de l’azote et du carbone et portent le joli nom d’isothiocyanates. Elles ne sont pas présentes telles quelles dans la plante, mais sous forme d’hétérosides, des glucosinolates, qui seront...
transformés lorsque le broyage du végétal les mettra en présence d’une enzyme et d’eau dans une réaction d’hydrolyse. C’est ce qui se produit lorsqu’un prédateur en croque les feuilles, et l’on peut considérer qu’il s’agit d’une adaptation permettant à la plante de se protéger des attaques d’organismes qui souhaiteraient s’en nourrir. Elle est partagée par tous les membres de la grande famille des brassicacées, à laquelle appartient le tabouret, et qui a pour référence le chou, Brassica oleracea. Cette famille était jadis connue sous le nom de « crucifères » – du latin crux, croix, et fero, porter –, qui signalait la forme des fleurs munies de quatre pétales en croix, ce qui est le cas de celles de notre plante.
D’une façon générale, à part quelques espèces toxiques, les membres de cette famille proposent à la consommation leurs racines, leurs pousses, leurs feuilles, leurs tiges, leurs boutons floraux, leurs fleurs, leurs fruits et leurs graines – à condition qu’ils soient suffisamment tendres. En l’occurrence, les fruits et les graines du tabouret – qui se récoltent de juin à octobre – font un bon condiment, aromatique et piquant. Leur forme est remarquable et diffère de celle des autres membres de la famille, généralement minces et allongés, nommés siliques. Ceux-ci sont des « silicules » circulaires, entourées d’une large membrane profondément échancrée, et curieusement aplaties. Cette particularité a valu son nom latin au genre, « Thlaspi », du grec thlaô, écraser, qui évoque leur forme. Le tabouret des prés est également connu sous le nom de « monnoyère », car ses fruits ronds et plats peuvent évoquer, avec un peu d’imagination, des pièces de monnaie.
Lorsqu’il est en fruits, il semble impossible de confondre le tabouret avec une autre plante. La bourse-à-pasteur (Capsella bursa-pastoris) possède elle aussi des fruits aplatis, mais leur forme triangulaire est caractéristique, et ses feuilles sont profondément découpées. À un stade plus jeune, la distinction est plus difficile à faire. L’un des points à prendre en compte est l’odeur rappelant un peu celle de l’ail qui se dégage quand on froisse les feuilles du tabouret.
Du fait de sa teneur en substances actives, le tabouret se montre apéritif et digestif. Mais en grande quantité, la plante crue et les graines peuvent être irritantes.
Herbier
Le tabouret des champs (Thlaspi arvense) est une plante annuelle de 20 à 50 cm, glabre, dont la tige dressée est simple ou rameuse dans le haut. Les feuilles de la base sont très étroites en bas et élargies dans le haut. Celles que porte la tige sont allongées, sinueuses ou bordées de quelques dents arrondies, et embrassent la tige par deux oreillettes aiguës. Les petites fleurs blanches présentent quatre pétales en croix. Elles sont groupées au sommet de la plante et fleurissent de mai à septembre. Les fruits sont de très grandes silicules arrondies, aplaties, bordées d’une aile large munie d’une échancrure profonde au sommet. La plante est commune dans les champs, les lieux cultivés et les décombres de presque toutes nos régions. On dénombre en Europe 25 espèces proches, la plupart classées aujourd’hui dans le genre Noccaea. Plusieurs poussent dans les montagnes, quelques autres se rencontrent en plaine, la plus commune étant le tabouret perfolié (Noccaea perfoliata), à feuilles entières ou bordées de petites dents, qui croît dans les champs calcaires et les vignes dans toutes nos régions. A priori, toutes sont comestibles.
Recette sauvage
Ingrédients 4 carottes • 3 poireaux • 1 oignon • 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive • 300 g de jeunes feuilles de tabouret • Sel • Poivre • Thym, laurier et origan • 3 œufs entiers + 3 jaunes • 1 dl de lait • 100 g de fromage râpé • 1 poignée supplémentaire de feuilles de tabouret.
- Coupez les carottes en dés et les poireaux en rondelles.
- Faites fondre l’oignon dans l’huile, ajoutez les carottes, les poireaux et le tabouret coupé finement. Ajoutez sel, poivre, thym, laurier et origan (ou marjolaine). Continuez la cuisson en remuant de temps en temps.
- Battez les 3 œufs avec les jaunes supplémentaires, le lait et le fromage râpé.
- Répartissez les légumes dans un moule huilé. Versez l’appareil dessus et faites cuire 45 min environ à four moyen.
- Démoulez et servez chaud, en ajoutant sur chaque part un peu de tabouret cru haché.