Choisir sa véronique
Avec une quarantaine d’espèces, les véroniques forment un genre important que l’on rencontre aussi bien sur les terrains secs que dans les ruisseaux. Selon que vous souhaitiez vous soigner ou vous nourrir, vous ne cueillerez pas la même.
Son nom me paraissait bizarre : pourquoi donner à une plante le prénom d’une femme ? C’est mon maître en botanique, un ancien instituteur vosgien, poète et amoureux des plantes, qui me l’apprit. L’aspect de sa fleur, avec ses quatre pétales et ses deux étamines, évoque, avec un peu d’imagination tout de même, l’empreinte du visage du Christ laissée sur le voile que lui tendit Sainte Véronique – dont l’étymologie latine vereicona signifie «véritable image» – pour s’essuyer le front lors de son calvaire. Quoi qu’il en soit, elle est belle, cette fleur qui varie du blanc au mauve selon les espèces, parée de stries violettes servant de balises aux abeilles en quête de nectar.
Il n’y a donc pas une, mais des véroniques. J’en ai rencontré un grand nombre au cours de mes explorations. La discrète véronique officinale, par exemple, se rencontre en lisières de bois secs. Malgré sa réputation ancienne de faciliter les digestions lentes et difficiles accompagnées de migraines, de stimuler les fonctions du foie et d’aider à la désintoxication de l’organisme, je ne l’ai jamais mise à profit. Sans doute parce que j’ai toujours pensé que la meilleure façon de me soigner était de ne pas tomber malade... Ce qui marche plutôt bien! J’ai apprécié pour sa simple beauté, dans les pâturages des montagnes, la véronique en épi aux superbes fleurs d’un bleu foncé. C’est peut-être la plus belle du genre dans nos régions. Mais je ne dédaigne...
pas non plus l’humble véronique de Perse, si commune dans les jardins, où les bien-pensants l’arrachent sans vergogne en la qualifiant de «mauvaise herbe». Pourtant, elle sait enchanter par ses grandes fleurs d’un bleu vif celui qui se baisse pour l’observer. J’aimerais paraphraser Ronsard : « Écoute jardinier, arrête un peu ta binette et prends le temps de t’émerveiller devant la beauté de ces plantes que tu vas détruire..., même si tu les élimines ensuite, car tu ne leur vois aucune utilité ».
Il est vrai que les véroniques ne font pas partie des plantes qui offrent le plus à l’être humain. Elles sont généralement de petite taille, plutôt dures et peu goûteuses... Pas terribles ! J’apprécie pourtant deux d’entre elles, la véronique beccabunga et la mouron d’eau qui poussent toutes deux les pieds dans l’eau. Tendres, charnues et croquantes, elles donnent de bonnes salades. Mais je préfère les mélanger à d’autres légumes, sauvages ou cultivés, car elles possèdent une amertume prononcée, d’où leur surnom un peu dépréciatif de «cresson de cheval»...
«Beccabunga» n’est pas le nom d’une tribu africaine: c’est en fait la déformation de l’allemand bachbunge qui signifie simplement «véronique de ruisseau ». Et le fait qu’elle croisse dans les lieux humides incite à mettre en garde contre la possible contamination de la plante par la douve du foie, un redoutable parasite des ruminants qui peut provoquer de graves troubles chez l’être humain. Il ne faudra donc la cueillir que là où l’on est sûr que vaches et moutons n’ont pas récemment pâturé en amont. Ou se résoudre à faire cuire la plante...
Herbier
La véronique beccabunga (Veronica beccabunga) et le mouron d’eau (V. anagallis-aquatica) se ressemblent beaucoup avec leurs tiges charnues, glabres, souvent un peu rougeâtres qui soutiennent des feuilles opposées, épaisses, allongées et dentées. Leurs fleurs sont groupées en longs épis terminant les tiges. Elles sont d’un bleu vif chez la première espèce et plus pâles, voire rosées, chez la seconde. Toutes deux poussent dans l’eau des ruisseaux, dans le même habitat que le cresson avec lequel on les confond parfois. Mais les feuilles de ce dernier sont découpées et ses fleurs sont blanches. Avec un minimum d’observation, il est donc impossible de les confondre.
Omelette de beccabunga
Ingrédients 400 g de feuilles et tiges de véronique beccabunga • 2 c. à s. d’huile d’olive • 4 œufs, sel, thym, persil, ail • 50 g de gruyère râpé.
- Lavez les feuilles de beccabunga et coupez-les en lanières étroites.
- Faites chauffer une poêle avec l’huile d’olive. Lorsque cette dernière est chaude, mettez-y à cuire les feuilles pendant 2 minutes.
- Battez les œufs avec une pincée de sel, le thym, le persil et l’ail hachés. Ajoutez le gruyère râpé. Mélangez bien et laissez reposer pendant 5 minutes.
- Versez la mixture dans la poêle et faites cuire environ 3 minutes de chaque côté, suivant l’épaisseur de votre omelette. Vous pouvez remplacer le thym et le persil par de l’origan ou du serpolet frais, car la beccabunga n’est pas très aromatique et il est bon d’en relever la saveur.