Le merisier à grappes, auprès de mon arbre fleuri...
Peu de personnes connaissent le merisier à grappes, pourtant spontané dans nos régions. Peut-être parce que ce n'est pas lui qui est à l'origine des cerises cultivées. Mais il est superbe lorsqu'il se couvre de grappes de fleurs blanches. Sans parler de ses petites cerises noires au goût sauvage !
La première fois que j'ai rencontré le merisier à grappes, c'était au Luxembourg. J'aperçus un jour, dans une haie touffue, un arbuste qui ressemblait fort à un cerisier et, par pure curiosité, je me mis à en froisser une feuille, comme j'ai l'habitude de le faire… Rapidement, je sentis se dégager une odeur d'amande amère qui, en quelques minutes, prit une intensité extraordinaire que je n'avais jamais ressentie jusqu'alors. Plus je froissais la feuille, plus la sensation montait en puissance. Je m'en régalai olfactivement et tentai de déterminer l'espèce à laquelle j'avais affaire. La « flore bleue » (Nouvelle Flore de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg, du nord de la France et des régions voisines, de Jacques Lambinon et al.) me renseigna sans ambiguïté : il s'agissait du Prunus padus, ou « merisier à grappes ». On l'y qualifiait également de « putiet », terme qui évoquait l'odeur censément désagréable de son bois cassé ou de ses feuilles froissées. Encore une fois, je me rendis compte que j'étais en décalage avec les opinions générales : personnellement, j'aime beaucoup ce parfum, certes violent, mais extrêmement prenant.
J'eus l'occasion de revoir à maintes reprises l'arbuste et de pouvoir en admirer la superbe floraison. Il aime les lieux humides et je vais parfois visiter au printemps les bordures de tourbières où je sais en rencontrer de véritables colonies qui enchantent le paysage. C'est, franchement, l'un de nos plus beaux arbres d'ornement, et qui plus est, le merisier à grappes est spontané dans nos régions, alors que la plupart des végétaux que nous plantons pour le plaisir des yeux proviennent de régions lointaines d'Asie ou d'Amérique. D'ailleurs, je n'ai pu m'empêcher d'en installer un juste devant la fenêtre de mon bureau en Suisse, où il est devenu un arbre d'une quinzaine de mètres de hauteur qui se transforme au mois de mai en un...
immense bouquet virginal.
Le merisier à grappes donne de petites cerises noires réunies en grappes allongées. Elles sont peu charnues – le noyau dur en constitue la plus grande partie –, acides et astringentes, et la plupart des sites les considèrent comme « non comestibles »… On les a pourtant consommées en Europe et en Asie. II est préférable de les cuire pour en faire des confitures ou des soupes sucrées. En Pologne, on en faisait du vin jusqu'au début du XXe siècle. Çà et là dans le nord de l'Europe, on les laisse fermenter pour en distiller un alcool. Personnellement, je ne dédaigne pas de les suçoter lorsqu'elles sont bien mûres : leur saveur « sauvage » n'est pas désagréable quand on s'y est habitué, ce qui demande bien sûr de pouvoir se détacher de l'attente de la sensation « gourmande » que procure une burlat charnue, juteuse et sucrée… Mes préparations les plus fréquentes sont la confiture de merises et les merises à l'eau-de-vie. Une précision sur le terme : « merise » désigne le fruit de plusieurs espèces de cerisiers sauvages, dont le plus courant est le Prunus avium, qui est à l'origine des cerises cultivées.
Les feuilles du merisier à grappes, tout comme celles du laurier-cerise (Prunus laurocerasus), renferment des hétérosides cyanogénétiques, en particulier de l'amygdaline, également contenue dans les amandes amères (Prunus dulcis) et dans les noyaux des fruits de la plupart des rosacées arbustives : abricots, pêches, prunes, cerises, etc. Ces substances, inertes en elles-mêmes, libèrent par hydrolyse de l'aldéhyde benzoïque, à l'odeur caractéristique d'amande amère, et de l'acide cyanhydrique, violemment toxique. Ce dernier inhibe certains ferments respiratoires et peut provoquer la mort par asphyxie. Mais s'il n'est présent qu'à petite dose, notre organisme peut le neutraliser et l'éliminer à l'aide de ses propres acides aminés. Une molécule hémisynthétique dérivée de ce poison, commercialisée sous le nom de « laetrile », fut jadis vantée pour lutter contre les cancers, sans que son efficacité n'ait jamais été démontrée.
Herbier
Le merisier à grappes est un arbuste de 2 à 6 mètres, à rameaux peu nombreux, dont les feuilles, l'écorce et le bois dégagent une odeur caractéristique d'amande amère. Ses feuilles assez grandes, obovales et progressivement rétrécies en pointe au sommet, sont finement bordées de dents aiguës. Elles sont d'un vert sombre, molles et glabres ou un peu pubescentes en dessous. Les fleurs blanches présentent 5 pétales libres et de nombreuses étamines, avec un calice à lobes ciliés et glanduleux. Elles paraissent d'avril à juin, après les feuilles, et sont réunies en longues grappes pendantes, cylindriques, feuillées à la base. Elles donnent de petites drupes globuleuses, du volume d'un pois, devenant noires à maturité, d'une saveur acerbe et légèrement amère. L'arbuste est répandu dans les bois humides, les haies, les lisières et les tourbières, surtout dans le nord, l'est et le centre de la France. Il est commun en Suisse et en Belgique. Il est en revanche peu fréquent dans l'Ouest et absent de la région méditerranéenne.
Cueillette
• Fruits : juillet à septembre selon les régions
Recette sauvage : Confiture de merises
Ingrédients :
- 1,2 kg de merises à grappes •
- 1 kg de sucre
- 1 dl d'eau
Préparation :
- Lavez les merises et dénoyautez-les, ce qui vous demandera un peu de temps…
- Mettez le sucre dans une bassine à confiture avec l’eau. Faites chauffer à feu moyen. Quand le sirop devient clair et transparent, augmentez un peu le feu, puis laissez cuire jusqu’au « boulé » (un peu de sirop qu’on laisse tomber dans de l’eau forme de petites boules).
- Ajoutez les merises, mélangez-les bien au sirop puis laissez reprendre progressivement l’ébullition à feu moyen. Écumez régulièrement la surface de la confiture.