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La phytolaque, une toxique comestible ?

Phytolaque (phytolacca americana)
Phytolaque (phytolacca americana)

On l'admire pour sa beauté, on la craint pour sa toxicité, on la déteste pour sa faculté à se développer là où on ne l'a pas invitée. Mais en apprenant à mieux connaître la phytolaque, vous verrez que l'on peut aussi en tirer parti en prenant quelques précautions indispensables.

Lorsque j'étais enfant poussait dans notre jardin d'ornement du « raisin d'Amérique », une grande plante dressée aux larges feuilles d'un vert mat qui portait à son sommet, en fin d'été, d'esthétiques grappes de fruits noirs luisants qui me paraissaient bien attirants. J'aimais les écraser entre mes doigts pour barbouiller ces derniers du joli jus pourpre qu'ils contenaient en abondance. Ma mère m'avait soigneusement mis en garde contre la toxicité de ces baies – avec lesquelles elle me laissait cependant jouer… Pourtant, des accidents étaient survenus, principalement chez des enfants, suite à la consommation d'aliments teintés avec le colorant alimentaire que l'on en extrayait, connu sous le nom de « carmin breton » et qui avait été interdit pour cette raison (si l'on souhaite colorer la nourriture, il est nettement préférable de mettre à profit la betterave rouge qui lui donne elle aussi une superbe couleur et s'avère plus sûre d'emploi).

La toxicité des baies de phytolaque est due à la présence de saponines qui, d'une part, se montrent irritantes, et d'autre part, peuvent provoquer l'hémolyse, c'est-à-dire l'éclatement des globules rouges. L'oxygène n'étant plus apporté aux cellules, ces dernières ne peuvent plus « respirer » (il s'agit de la respiration cellulaire, source d'énergie) et meurent. L'issue de l'empoisonnement peut être fatale.

Malgré cela, la phytolaque est comestible. Il ne faut en récolter que les toutes jeunes pousses qui apparaissent au début du printemps (en mars-avril), ne pas les couper à la base trop près de la racine et les faire bouillir dans une ou plusieurs eaux. Après quoi on les égoutte, on les coupe en morceaux et on les fait cuire en omelette. La tradition de la consommation de pokeweed est traditionnelle dans les Appalaches, la chaîne de montagnes qui parcourt du nord au sud l'est des États-Unis, où j'ai découvert la plante. Je l'y dégustai maintes fois, sans problème aucun, comme le faisaient mes voisins depuis des lustres. De retour en Europe, je l'ai rencontrée et occasionnellement consommée sans désagrément jusqu'à ce jour en Corse où les pousses entraînèrent des vomissements et des diarrhées qui me gardèrent éveillé toute la nuit. Rude expérience !

Baies de phytolaque

Mais ce n'était rien à côté de ce que m'a raconté la directrice du centre antipoison de Bordeaux. Il y a quelques années, les pompiers lui amenèrent...

trois Belges qui ne cessaient de se vider du haut et du bas. Il s'agissait de randonneurs qui étaient partis pour une « opération survie » dans les Landes et avaient décidé de se nourrir de ce que la nature pouvait leur offrir. Ils aperçurent de grandes plantes disséminées en bordure de haie que l'un d'entre eux, se pensant connaisseur, prit pour… des carottes sauvages – ce qui me semble bien difficile à croire ! Creusant dans le terrain sablonneux, ils déterrèrent facilement de grosses racines renflées, un peu rougeâtres, qu'ils firent cuire sur les braises et dont – paraît-il – ils se délectèrent. Mais rapidement, les effets se firent sentir et ils durent se résoudre à appeler le Samu. Fort heureusement pour eux, ils furent rapidement pris en charge, ce qui leur évita un funeste destin.

La racine de phytolaque renferme un cocktail de saponines triterpéniques et d'alcaloïdes, telle la phytolaccine, qui lui confère sa toxicité élevée, se manifestant d'abord par des effets gastro-intestinaux, puis par des troubles neurologiques potentiellement graves. Elle a été utilisée à titre médicinal comme purgatif, mais des cas d'empoisonnement mortel ont été documentés depuis le XIXe siècle.

Aujourd'hui, la phytolaque n'a pas bonne presse : on la déteste ! J'ai même reçu il y a quelques années des messages insultants émanant d'une association de protection de la forêt de Fontainebleau, qui me reprochaient d'en avoir parlé dans mon livre Mangez vos soucis. Ces personnes ne me reprochaient pas le fait que je propose de consommer la phytolaque bien qu'elle soit potentiellement dangereuse, mais plutôt que je fasse sa promotion alors qu'ils la considéraient comme une plante invasive de nos contrées. Il est vrai qu'on l'aperçoit souvent à l'état subspontané et qu'elle prolifère par endroits. Mais contrairement à ce que prétendent les messages alarmants lancés par certains groupes, le ministère de l'Écologie affirme que « les impacts du raisin d'Amérique sur la biodiversité sont en fait modérés […] La plante ne devrait donc pas être considérée comme faisant partie des espèces envahissantes à traiter en priorité. »

Raisin d'Amérique (phytolacca americana)

Une espèce voisine, asiatique, la Phytolacca acinosa, est parfois plantée comme ornementale. Elle se distingue aisément de sa cousine américaine après la floraison, car ses fruits sont divisés en huit carpelles séparés, lui donnant un peu l'aspect d'une mûre, au lieu de présenter la forme d'une baie globuleuse. En Corée, en Chine et au Japon, les toutes jeunes pousses sont consommées après ébullition à plusieurs eaux, apparemment sans problème. Le botaniste Louis Van Houtte l'avait même nommée, à ce titre, Phytolacca esculenta, l'épithète signifiant « comestible ». Elle est cependant tout aussi toxique que la phytolaque américaine si l'on ne prend pas soin de la préparer convenablement.

 

Cueillette

Jeunes pousses : uniquement entre mars et avril suivant la région.

Herbier

Phytolaque (phytoloacca americana)La phytolaque (Phytolacca americana) est une robuste plante herbacée vivace, mesurant généralement 1 à 2 mètres de hauteur, naissant d'une racine pivotante, charnue, de couleur blanc jaunâtre. La tige épaisse, souvent rouge pourpre, est lisse, cylindrique, et creuse à maturité. Les feuilles, alternes et munies d'un court pétiole, atteignent 10 à 30 cm de longueur sur 5 à 12 cm de largeur. Elles sont ovales à lancéolées, avec une base en coin ou arrondie, un sommet aigu et une marge entière. Elles sont glabres et présentent des nervures pennées. Les fleurs, au pédoncule souvent rouge, comptent 5 sépales libres, de couleur blanche ou verdâtre, elliptiques, longs de 2 à 4 mm. Les pétales sont absents. Les étamines sont généralement au nombre de dix et l'ovaire est formé de 10 carpelles soudés, réunis en une grappe axillaire ou terminale, longue de 5 à 15 cm, souvent pendante à maturité. Les fleurs s'épanouissent de juin à septembre. Elles donnent des baies ­aplaties, noires et luisantes à maturité, renfermant un jus pourpre et des petites graines en forme de rein. La plante se rencontre dans les lieux ouverts, perturbés, au bord des routes, en lisière de forêt et dans les terrains vagues. Elle est fréquemment cultivée pour l'ornementation dans les jardins, d'où elle s'échappe aisément.

Recette sauvage

Cuisiner la phytolaque sans prendre de risque

Attention ! Seules les jeunes pousses de phytolaque, cueillies très tôt en saison et coupées au ras du sol, peuvent être cuisinées. Elles ne sont alors pas dangereuses. Mais lorsque la plante se développe, elle devient toxique, dès le stade des premières feuilles.

Préparation Il faut également respecter un mode de préparation pour employer les jeunes pousses.

1. Laver les pousses de phytolaque, puis les plonger une première fois dans de l'eau bouillante salée pendant 3 minutes.
2. Sortir les pousses de l'eau, changer cette dernière, la porter à ébullition et y plonger à nouveau les pousses pendant 2 minutes.
3. Sortir les pousses et les égoutter soigneusement. Vous pourrez ensuite les couper en morceaux, les faire revenir dans une poêle et préparer une omelette, à raison de 2 jeunes pousses pour 4 œufs.

Plus d'informations sur le site de l'auteur : https://couplan.com/   

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