Le lamier, une plante qui ressemble à l'ortie
Son aspect évoquant la douloureuse urticante, cauchemar de notre enfance, pourra rebuter les non-initiés. À moins qu’il ne les intrigue... Passé cet a priori, le promeneur gourmand s’essaiera sans crainte au lamier.
Ce n’est pas parce qu’on ressemble à une ortie qu’on en est une. Curieusement, il existe une plante dont l’aspect est étonnamment semblable à la plante bien connue et redoutée pour ses douloureuses piqures, mais qui n’a rien à voir avec elle. Lorsque je récoltais des orties en me piquant copieusement les doigts, j’étais parfois surpris de rencontrer parmi elles des individus qui ne me brûlaient pas. Leurs feuilles ressemblaient furieusement à celles de mon légume préféré, mais elles ne possédaient pas le moindre poil urticant et leur tige non plus. Lorsque je vis leurs grandes fleurs blanches en forme de gueule ouverte, le doute ne fut plus permis : c’était du lamier blanc. J’avais déjà entendu parler de cette cousine inodore de la menthe en lisant mes livres de chevet sur les plantes médicinales, encore bien peu nombreux à l’époque. On la disait astringente et utile contre les pertes blanches, terme désignant des écoulements vaginaux assez peu définis. Et, fait qui m’intéressait particulièrement, il semblait qu’elle puisse être consommée comme légume. Dans ces années lointaines, j’explorais systématiquement la flore de nos régions pour déterminer tout ce que je pouvais manger, cru ou cuit, notant soigneusement sur des fiches tous les résultats de mes expériences.
Blanc, pourpre et jaune
J’essayais donc de consommer de diverses façons ma récolte de lamier blanc, non sans succès, je dois dire. Comme chez la plupart des végétaux, les jeunes pousses sont plus tendres et de saveur plus délicate que les feuilles âgées, mais ces dernières...
permettent également de préparer d’excellents légumes cuits. Sans doute ne faudrait-il pas comparer le lamier à l’ortie, dont la saveur s’avère exceptionnelle, mais je le classe volontiers parmi les bons légumes sauvages.
Le lamier blanc n’est pas le seul de son genre dans nos régions. Le lamier tacheté lui ressemble beaucoup, mais ses fleurs sont roses avec une gorge blanche ponctuée de taches roses. C’est lui aussi un légume très convenable et souvent abondant. Le lamier jaune a, on s’en doute, des fleurs jaunes dont la couleur vive tranche sur le feuillage sombre. On peut également le consommer mais il dégage une odeur peu agréable, comparée par les botanistes à celle de la belette, galêa en grec, d’où l’épithète de son nom scientifique, galeobdolon. Le lamier pourpre a, lui, des fleurs roses mais le sommet de la plante est coloré de pourpre, ce qui lui donne un bel aspect. C’est une «mauvaise herbe» des jardins et des champs, l’un des premiers végétaux à fleurir au printemps. Il n’est pas mauvais si on le récolte assez tôt. Souvent nommées orties mortes parce qu’elles ne piquent pas, les différentes espèces sont connues sous les noms d’ortie blanche, ortie jaune... Mais vous ne vous y laisserez plus tromper !
Le genre Lamium a donné son nom à la grande famille des Lamiacées, que l’on connaissait jadis sous le nom de Labiées. Ce terme provient du grec lamia, qui désignait une ogresse, et s’applique bien à ces plantes dont les fleurs peuvent facilement évoquer une gueule grande ouverte, prête à dévorer l’intrépide botaniste qui les observe à la loupe. Mais il y a plus à parier que c’est elle, sucrée de son nectar, qui finira dans l’estomac humain.
Herbier
Le lamier blanc (Lamium album) est une plante vivace d’une soixantaine de centimètres de hauteur, dont la tige dressée présente une section carrée et porte des feuilles opposées et d’écussées, ce qui présuppose son appartenance à la famille des Lamiacées, ou Labiées. Les feuilles, larges, aiguës et dentées évoquent celles de l’ortie, mais la plante est totalement dépourvue de poils urticants. Ses fleurs présentent une grande corolle blanche munie de deux lèvres écartées. En la retirant, on découvre au fond du calice quatre nucules caractéristiques de la famille. La plante est commune dans les haies et au bord des chemins.
Le genre Lamium comporte près de cinquante espèces, dont moins de dix vivent dans nos régions. Il s’agit principalement du lamier tacheté (L. maculatum), du lamier jaune (L. galeobdolon) et du lamier pourpre (L. purpureum).
Recette sauvage
Boulettes de lamier
Ingrédients 250 g de millet déjà cuit • 200 g de feuilles de lamier • 1 oignon • 4 gousses d’ail • 1 carotte • 1 cuillerée à soupe d’huile de tournesol • thym, sel • 3 cuillerées à soupe de graines de sésame • 100 g de graines de tournesol • 1⁄4 de litre d’eau • 100 g de levure alimentaire • 2 cuillerées à soupe de tamari.
1. Mélanger le millet, les feuilles de lamier blanc coupées finement, l’oignon haché et l’ail pressé, la carotte râpée, l’huile de tournesol, le thym et le sel.
2. En former des boulettes que vous roulerez dans les graines de sésame.
3. Les disposer dans un plat huilé que vous mettrez à four moyen pendant vingt minutes.
4. Servir avec une sauce préparée en broyant au mixeur les graines de tournesol avec l’eau, la levure (que vous ajouterez graduellement) et le tamari.
5. À déguster chaud.