Agriculture biologique
Dynamisme des sols : merveilleuse bouse de corne
La bouse, ingrédient phare de l’agriculture biodynamique, redonne de la vie aux sols. Mais pour élaborer la bouse de corne, préparation qui évoque l’alchimie, il faut suivre un cahier des charges très précis. Reportage sur les hauteurs du lac Léman.
Une quinzaine de personnes entoure le tonneau qui trône dans la cour de La Solide, une ferme des hauteurs suisses du Mont-Pèlerin. Fixée à un trépied, une grande perche plonge dans le fût rempli d’un liquide à la couleur terre. Delphine Girod Vallotton, la maîtresse des lieux, donne le coup d’envoi de la dynamisation. Avec la perche, elle brasse la préparation.
Deux autres personnes la rejoignent. Le mouvement énergique de leurs six mains crée un vortex dans ce liquide qui, hormis l’eau, contient de la bouse de corne. Cette préparation est issue de bouse de vache introduite dans une corne, où elle a maturé pendant plusieurs mois. Delphine a versé 200 grammes de cet ingrédient à l’odeur de tourbe dans 70 litres d’eau de pluie chauffée à 37 °C.
Les forces naturelles en action
Cette préparation est l’ingrédient clé de l’agriculture biodynamique. Sa recette évoque l’alchimie : la corne ainsi que la bouse (fraîche) doivent provenir d’une vache qui a déjà vêlé ; l’eau sera de pluie pour ne receler ni chlore ni résidu de pesticide ; et la corne doit être...
enterrée pendant les mois d’hiver, « lorsque les forces se concentrent dans le sol, car en biodynamie on travaille avec les rythmes, mais aussi les forces naturelles », explique l’agricultrice.
Une fois déterrée, au printemps, cette corne contient 60 à 80 g d’une sorte de tourbe qui peut être conservée jusqu’à l’automne. Après avoir été mélangée à l’eau de pluie, la préparation est « dynamisée » pendant exactement une heure pour « amener tout le contenu de la corne de vache à se lier à fond avec l’eau », et obtenir ainsi « une profonde interpénétration », comme le précisait Rudolf Steiner, fondateur de la biodynamie dans les années 1920.
Une rencontre festive
Autour de la perche, les mains se relaient pour assurer un mouvement continu. « Certains préconisent qu’il n’y ait qu’un seul brasseur, moi je préfère la bouse de corne populaire. C’est aussi une rencontre festive », confie Delphine. À son signal, et après avoir fait tourner le liquide dans le même sens pendant un moment, les mains cassent la belle spirale en stoppant brutalement le mouvement de la perche. Un « chaos » s’ensuit à la surface du liquide, qui se couvre de remous agités. On croirait une mixture en train de bouillir dans un grand chaudron. Puis les mains reprennent leur mouvement, en sens inverse. Un nouveau vortex se forme.
Les participants ayant un jardin repartent avec un bocal de la préparation à répandre le soir même. Delphine explique : « Visez le sol. La bouse de corne le structure et lui donne de la vie. Vous pouvez utiliser vos mains », illustre-t-elle, en projetant de grosses gouttes à terre avec ses doigts. « La préparation aide à l’enracinement des plans. Vous pouvez l’utiliser sur vos potagers ou prairies. Pour un hectare, 35 litres suffisent. » Elle leur donne rendez-vous au printemps prochain : la bouse qu’elle a enterrée cette semaine dans une dizaine de cornes sera alors prête à être dynamisée.
À propos de la biodynamie
Sans engrais ni pesticide chimique, les biodynamistes (600 exploitations en France) cultivent selon les calendriers lunaire et planétaire en intégrant 8 préparations : de la bouse de corne sur le sol, de la silice de corne sur les parties aériennes des plantes et 6 autres élaborées avec des plantes médicinales transformées dans le compost. Le Mouvement pour l’agriculture biodynamique dispense des formations et procure de la bouse de corne.
Aller plus loin : www.lasolide.ch