Ainsi se soignait
l’homme de Néandertal
Depuis quand les hommes utilisent-ils les plantes médicinales ? Cela reste un mystère. On parle fréquemment, et avec une admiration certaine, de plusieurs millénaires – c’est notamment le cas des plantes ayurvédiques, dont il est question dans ce numéro.
En me rendant récemment à une exposition du musée de l’Homme, à Paris, j’ai mesuré à quel point il nous fallait changer d’échelle de mesure sur ce sujet. Dédiée à l’homme de Néandertal*, elle fait le point sur des recherches scientifiques le concernant, grâce à des fouilles poussées, à l’analyse d’ossements, de fossiles ainsi que de l’ADN de cet ancêtre, qui peupla la Terre il y a environ 350 000 ans avant notre ère et jusqu’à - 35 000 ans.
Or, c’est une toute nouvelle histoire préhistorique qui nous est livrée : certes, Homo neanderthalensis était très habile à tailler des pierres pour se confectionner des armes et chasser le gibier, mais ce n’était pas le carnassier que l’on croyait. Il était omnivore et préparait des galettes à base de graminées sauvages moulues.
Il savait aussi soigner des blessures en recourant aux plantes, d’abord pour calmer des douleurs : les scientifiques ont ainsi trouvé des traces de bourgeons de peuplier dans son tartre dentaire – bourgeons qui, une fois ingérés, se transforment en acide salicylique, notre aspirine.
Néandertal avalait également des moisissures contenant du pénicillium – la version brute, en quelque sorte, de notre antibiotique, la pénicilline. Et son savoir-faire médical était suffisant pour consolider des fractures… Bref, notre « cousin » possédait des connaissances étendues s’appuyant sur des plantes aux propriétés variées, anti-inflammatoires, antispasmodiques, cicatrisantes, calmantes ou digestives.
Quid de notre destin ?
Par cette expo, voici notre ancêtre – 1 à 4 % de nos gênes viennent de Néandertal – réhabilité. Fini, le mythe du sous-homme au physique simiesque n’ayant pas su évoluer, image qu’on lui avait donnée dès sa découverte, en 1856. Chasseur-cueilleur, il apparaît désormais comme un humain à part entière, ayant conçu des réponses sophistiquées pour trouver sa place sur notre planète pendant quelque 300 000 ans. Pourtant, la science reste têtue sur un point : malgré toutes ses aptitudes, cette espèce humaine s’est progressivement éteinte.
Cette disparition, à laquelle nous n’avons pas trouvé d’explication, est perturbante. Qu’en est-il en effet de notre talent, à nous Homo sapiens, à maintenir et développer des capacités biologiques nous permettant de durer ? Concrètement, d’un point de vue strictement médical, quelle sera, par exemple, la médecine post-antibiotiques, puisque l’efficacité de ces derniers est, on le sait, remise en cause ?
Le destin de l’homme de Néandertal nous interroge aussi sur notre évolution. Prenons-nous la bonne direction pour que la terre puisse continuer à nous accueillir ? Les réponses à apporter ne sont sûrement pas simples, mais espérons qu’il ne faudra pas des dizaines de milliers d’années à notre humanité pour les trouver !
* Néandertal l’expo, jusqu’au 7 janvier 2019, musée de l’Homme - 75016 Paris.