Symbiose au jardin
Prairie fleurie : pas seulement pour faire joli !
Vous aimez les fleurs et vous rêvez de leur faire plus de place dans votre jardin ? Optez sans hésiter pour une prairie fleurie ! Elle sera un formidable atout pour vos cultures comme pour la biodiversité.
Existe-t-il image plus bucolique que celle d’une prairie fleurie, garnie de bleuets, marguerites et coquelicots chancelant au gré du vent ? Un tel décor nous procure une bouffée d’air frais et nous transporte vers de lointains horizons… Implanter ce type d’ambiance sur votre parcelle est probablement le meilleur moyen de voyager toute l’année depuis votre jardin. Qui n’en rêverait ? Bonne nouvelle : la prairie fleurie est aussi simple à mettre en place qu’à entretenir ! N’hésitez donc plus à remplacer votre gazon monotone ! Vous en tirerez de nombreux bénéfices, tout en faisant une belle action en faveur de l’environnement. Car partout en France, les milieux ouverts (pas ou peu arborés) comme les prairies, les landes et les garrigues, figurent parmi les habitats les plus menacés. Selon les dernières évaluations réalisées dans le cadre de la directive européenne Habitats-Faune-Flore, 56 % d’entre eux sont dans un mauvais état de conservation, impliquant des répercussions dramatiques sur la faune et la flore. Voilà une excellente raison pour agir à votre échelle et « ensauvager » votre extérieur !
Terrain de chasse nocturne
Si les forêts et les zones humides apparaissent souvent comme des milieux privilégiés pour l’accueil de la biodiversité, les prairies n’ont pourtant rien à leur envier. Au contraire, ces dernières abritent souvent une flore et une faune riches, comportant diverses espèces patrimoniales et/ou protégées. En particulier des orchidées sauvages (l’orchis pyramidal, l’ophrys abeille ou la rare ophrys miroir…), la gentiane jaune ainsi que l’arnica en montagne, ou encore la fritillaire pintade dans les prairies humides. S’y associent de nombreux papillons et autres insectes remarquables (azuré de la...
croisette, damier de la succise, ascalaphe, etc.), mais aussi des oiseaux, ainsi que de petits mammifères. Notamment certaines espèces de chauves-souris ! Car, bien qu’elles utilisent des grottes ou des bâtiments pour se réfugier en journée, les prairies sont pour elles un terrain de chasse nocturne privilégié.
Accueillir les orthoptères
Criquets, sauterelles et grillons sont de plus en plus menacés dans nos régions (voir encadré). Ils trouveront refuge dans la prairie fleurie, sans manquer de vous rendre divers services au jardin. Les sauterelles, carnivores, feront ventre des chenilles, tandis que les criquets, souvent phytophages ou granivores, participeront au contrôle des adventices.
Ainsi les milieux ouverts constituent un élément fort et précieux de notre patrimoine paysager et naturel. Cependant, de tels habitats ne sont pas spontanés dans nos contrées, où le climat relativement doux et humide est surtout propice au développement de la forêt. Les organismes de gestion de l’environnement et autres autorités compétentes doivent alors redoubler d’efforts pour assurer leur conservation. Efforts auxquels vous pouvez prendre part, en semant tout simplement des mélanges de fleurs dans votre jardin…
Papillons en folie
Les papillons sont souvent inféodés à une plante hôte, nécessaire à l’accueil de leur progéniture. Ces derniers seront alors favorisés par l’implantation d’une prairie fleurie. La cardamine des prés attirera l’aurore, la carotte sauvage fera le bonheur du machaon, tandis que le plantain favorisera diverses espèces de mélitées et de noctuelles…
Ce que vous ne regrettez probablement pas. Car en plus de ravir vos yeux une bonne partie de l’année, la prairie fleurie nécessitera bien moins d’entretien et d’arrosage que le gazon, qui a tendance à se transformer beaucoup plus rapidement en paille avec le réchauffement climatique. De plus, elle aura un impact non négligeable sur votre potager ou votre verger. Plusieurs études ont prouvé que la diversité des insectes pollinisateurs en culture améliorait de manière significative le rendement. Or, il y a fort à parier que les abeilles sauvages, syrphes (mouches pollinisatrices), papillons et autres pollinisateurs ainsi attirés par les fleurs de votre prairie iront tout naturellement visiter vos légumes et arbres fruitiers, vous faisant profiter d’une récolte plus abondante durant toute la belle saison. À condition que vous ayez opté pour des mélanges de fleurs locales, plus adaptées au climat et à la biodiversité de votre région.
Paradis des abeilles solitaires
La diversité florale de la prairie profite à tout un cortège d’abeilles sauvages menacées. Peut-être aurez-vous la chance d’apercevoir la rare osmie du coquelicot, Hoplitis papaveris, glanant les pétales de la fleur pour en tapisser son nid !
Pas besoin de beaucoup d’espace
Le choix devra également se faire en fonction des caractéristiques de votre terrain (humide, calcaire, etc.), en particulier si vous souhaitez que votre prairie se ressème spontanément d’une année sur l’autre. Quoi qu’il en soit, un large éventail de choix s’offrira à vous : centaurée, mélilot, mauve, plantain, achillée millefeuille, cardamine des prés, marguerite et indétrônable coquelicot, autant de fleurs sauvages aussi simples et belles qu’utiles pour la biodiversité. Votre prairie pourrait bien également vous procurer de nouvelles ressources, si vous vous y connaissez quelque peu en plantes sauvages comestibles et médicinales ! Vous n’aurez pas besoin de beaucoup d’espace pour vous lancer. Une dizaine de mètres carrés feront déjà une belle offrande pour la faune sauvage et suffiront à redonner un peu de vie à votre jardin ! Alors, prêts à abandonner votre gazon discipliné ?
Menaces sur le peuple de l’herbe
Des chiffres inquiétants ont été publiés le 28 février dans un rapport de l’Agence régionale de la biodiversité en collaboration avec l’Office pour les insectes et leur environnement, sur la conservation des orthoptéroïdes (sauterelles, criquets, mantes et phasmes) en Île-de-France. Sur les 63 espèces étudiées, quatre ont disparu, quatorze sont sérieusement menacées et sept considérées comme « vulnérables », sur la nouvelle liste rouge. En cause, l’urbanisation et l’agriculture intensive (notamment l’usage des pesticides), qui raréfient leurs habitats. Il est à craindre que la situation francilienne reflète celle de la plupart des régions de l’Hexagone…