De Magnol au magnolia... La belle histoire du nom des plantes
Les magnolias doivent leur nom au botaniste français Pierre Magnol. Ce pionnier de la classification végétale à la fin du XVIIe siècle exerça à Montpellier, alors que la faculté de médecine accordait une grande place à la botanique.
Les magnolias, avec leur spectaculaire floraison, font partie de notre quotidien. Originaires d’Amérique et d’Asie orientale, ils ornent depuis trois siècles nos jardins européens et les rues de nos villes, et ont même acquis une place dans la culture populaire avec la célèbre chanson de Claude François. On le sait moins, mais certains d’entre eux (notamment Magnolia officinalis) possèdent une écorce aux vertus médicinales traditionnellement exploitées en Extrême-Orient, dont la molécule active, le magnolol, est étudiée de près par les chercheurs pour ses possibles propriétés anticancéreuses.
Le nom de cet arbre révèle une étymologie inattendue : il dérive en effet du patronyme du botaniste Pierre Magnol (1638-1715). Ce savant était issu d’une famille d’apothicaires de Montpellier, qui était le siège de l’une des plus prestigieuses facultés de médecine, réputée notamment pour l’enseignement de la...
botanique. C’est donc naturellement que Magnol se passionna pour ce domaine au cours de ses études de médecine, et c’est à lui qu’il se consacra, se liant avec les plus grands spécialistes européens du moment et acquérant rapidement lui-même une grande notoriété. Sa carrière fut toutefois bloquée un moment, car il était protestant, ce qui, après la révocation de l’édit de Nantes en 1685, lui interdisait toute promotion. Mais après sa conversion au catholicisme, rien ne s’opposa plus à ce qu’il fût nommé professeur à Montpellier (1694), puis directeur du jardin botanique de cette ville (1697). Il fut élu en 1709 à l’Académie royale des sciences de Paris, mais, déjà âgé, ne tarda pas à rentrer dans sa ville natale, où il mourut en 1715.
Il forma à Montpellier des générations de botanistes appelés à devenir les plus grands spécistes du domaine au XVIIIe siècle, en particulier Antoine de Jussieu. Il publia lui-même plusieurs ouvrages qui jouèrent un rôle important dans l’histoire des sciences. Il y décrivit de nouvelles espèces telles que le camérisier des Pyrénées, Lonicera pyrenaica, découvert au cours de ses excursions. Mais c’est surtout sur un plan conceptuel qu’il exerça une influence capitale : en effet, alors que s’édifiait peu à peu la classification végétale, il contribua à l’émergence d’une catégorie plus importante que le genre, à savoir la « famille ». Et pour établir ces familles, plutôt que d’examiner uniquement les caractères floraux, comme c’était alors plutôt la tendance, il recommanda de considérer les plantes dans leur globalité, y compris les parties végétatives, et même de prendre en compte des critères écologiques, lançant ainsi un débat qui allait traverser tout le siècle suivant et au-delà.
Son prestige était tel que l’ecclésiastique, voyageur et naturaliste Charles Plumier (1646-1704), qui avait pris l’habitude de donner aux plantes des noms de personnalités, choisit en 1703 de lui rendre hommage en nommant magnolia un arbre remarquable qu’il avait vu aux Antilles (aujourd’hui Magnolia dodecapetala). Ce nom fut repris par d’autres naturalistes, notamment l’Anglais Mark Catesby, et Linné en imposa définitivement l’usage en 1753 dans la nomenclature latine officielle.