Découverte botanique
Un savant pionnier au pays des eucalyptus
© Ida Jarosova
On connaît l'huile essentielle d'Eucalyptus radiata ou globulus, mais beaucoup moins l'huile essentielle d'Eucalyptus Smithii. Pourtant, le botaniste et chimiste australien qui lui a donné son nom, Henry George Smith (1852-1924), est à l'origine des premières publications scientifiques sur leurs propriétés médicinales. On célèbre cette année le 100e anniversaire de sa disparition.
Henry George Smith est né à Littlebourne, en Angleterre, au milieu du XIXe siècle. Il reçoit une formation de peintre, verrier, plombier, transmise de père en fils à Canterburry, centre du vitrail, d'où peut-être son vif intérêt pour la chimie. Il a une trentaine d'années lorsqu'il arrive à Sydney avec sa femme et ses trois enfants, en 1883. Les bienfaits du climat plus chaud lui ont été conseillés. Il intègre l'équipe du Musée technologique, branche du Museum of Applied Arts and Science, actuellement Powerhouse Museum, tout en y suivant des cours du soir.
Il travaille aux côtés de J. H. Maiden (1859-1925), directeur des jardins botaniques royaux de Sydney, la plus ancienne institution scientifique en Australie, et du conservateur R. T. Baker (1854-1941), anglais eux aussi. Le projet est ambitieux : les serres de Sydney viennent d'être détruites par un incendie en 1882, et tout est à bâtir.
Un travail de classification et de nomenclature
Henry George Smith, en collaboration avec le botaniste R. T. Baker, va se faire connaître pour son travail en phytochimie. Sous l'impulsion de J. H. Maiden, on cherche à mieux connaître l'intérêt et le potentiel économique des produits naturels issus du continent. Or l'eucalyptus est une espèce endémique de l'Australie.
À partir de 1890 et sur les pas des premiers botanistes de la Nouvelle-Galles du Sud, Henry George Smith, assistant botaniste et chimiste que rien ne prédestinait à devenir un acteur important dans la spécialité, va étudier les eucalyptus, en se penchant notamment sur les huiles essentielles (on parle alors d'huiles volatiles) que l'on peut en extraire. Sur l'Eucalyptus kinos, sur l'Eucalyptus piperita dont il isole avec Baker une nouvelle molécule, les publications scientifiques s'enchaînent. Et en 1902 paraît A Research...
on Eucalyptus in Australia, qu'il signe avec Baker. Les observations et découvertes, particulièrement pertinentes, en font aujourd'hui encore un ouvrage de référence. Elles se doublent d'un travail de classification et de nomenclature qui permet d'identifier Eucalyptus Smithii, en hommage à H. G. Smith.
Principalement d'ordre chimique, les recherches des deux savants, rassemblées dans un autre ouvrage édité en 1910, ont également mis en évidence les qualités et richesses des pins australiens.
Un eucalyptus utilisé en chirurgue ou contre la tuberculose
Dès 1870, l'usage de l'HE d'eucalyptus est mentionné pour combattre la malaria, et en 1881, Joseph Lister en prône l'utilisation en tant qu'antiseptique en chirurgie. Mais il revient à H. G. Smith d'en révéler et prouver les propriétés antibactériennes, antivirales, antitussives et anti-inflammatoires à une époque où les maladies pulmonaires infectieuses, comme la tuberculose, touchent un grand nombre d'individus. Ses travaux s'orientent aussi vers d'autres valorisations de l'eucalyptus : la teinture pour le textile à partir de l'écorce avant l'emploi des colorants de synthèse, ainsi que l'exploitation des fibres du bois d'eucalyptus pour la fabrication de la pâte à papier.
Dans le cadre des sociétés savantes de l'époque, H. G. Smith a contribué à plus de deux cents communications pour une diffusion des connaissances à travers le monde dans cette période charnière qui arrive après le développement de la botanique au XVIIIe siècle, et avant l'avènement de la chimie organique au XXe siècle. Sa vie consacrée à la recherche est encore honorée de nos jours : le prix H. G. Smith Memorial Award est décerné annuellement depuis 1923 par le Royal Australian Chemical Institute de Melbourne.Chantal Colombier
Eucalyptus : une huile essentielle plutôt douce
On distille actuellement une petite vingtaine d'espèces d'eucalyptus. L'eucalyptol est la molécule marqueuse la plus souvent rencontrée dans ces huiles essentielles (HE). Aussi appelée 1,8-cinéole, elle est présente dans des proportions variables. Ainsi l'Eucalyptus globulus en contient 65 à 85 %, l'eucalyptus radié 60 à 70 %, et l'Eucalyptus Smithii 75 à 80 %.
La présence de 1,8-cinéole rend ces huiles essentielles utiles pour la sphère respiratoire et le système immunitaire. C'est la teneur en 1,8-cinéole qui module leur puissance antivirale, mucolytique et expectorante, tandis que les autres molécules modèrent ou renforcent ces propriétés de nettoyage respiratoire.
Si l'HE d'Eucalyptus Smithii est plutôt concentrée en 1,8-cinéole, elle est pourtant plutôt douce. Les réactions à l'utilisation de cette HE ne sont pas violentes, contrairement à ce qui arrive parfois avec globulus. En effet, les molécules d'entourage du 1,8-cinéole, sesquiterpènes et dérivés monoterpéniques, sont plutôt dénuées de toxicité.
L'HE d'Eucalyptus Smithii est classiquement utilisée pour la santé respiratoire en cas d'état infectieux ORL ou pulmonaire d'origine virale, accompagné de mucosités et de toux. On peut l'envisager chez l'enfant à des dilutions adaptées à son âge. Elle excelle à diminuer l'état inflammatoire des muqueuses et à décoller les mucosités sans violence, tout en douceur. On l'utilisera préférentiellement en application sur le dos et le thorax, ou même en suppositoire ou en inhalation humide ou sèche. A. M.
Des eucalyptus qui varient selon leur terroir
Les eucalyptus ont la capacité de faire varier leur huile essentielle, non seulement en fonction de l'espèce botanique (globulus, radié, Smithii…), mais aussi de façon biochimique, notamment en fonction du terroir. Autrement dit, pour une même espèce, polybractea par exemple, il y a plusieurs biochimies possibles d'HE, avec le chémotype à 1,8-cinéole, ou le chémotype à cryptone… Des spécificités que les recherches de H. G. Smith avaient commencé à mettre en évidence.